Thierry Déau : « chaque contrat est unique »

Fondée par Thierry Déau en 2005, Meridiam est aujourd’hui un acteur incontournable des projets infrastructurels de long terme au Gabon. Objectif de la société à mission française : avoir un impact positif sur les hommes et l’environnement. Son dirigeant répond en exclusivité aux questions des Échos de l’éco et revient sur les quatre projets stratégiques pour le développpement du Gabon.

Portrait de monsieur Thierry Déau Président-Directeur Général de Meridiam

Thierry Déau est président-directeur général de Meridiam. En 2005, il a fondé Meridiam, une société d’investissement à mission spécialisée dans le développement, le financement à long terme et la gestion de projets d’infrastructures durables, avec la conviction que l’alignement des intérêts des secteurs public et privé peut apporter des solutions aux besoins essentiels de la collectivité. Avec plus de 20 mds de dollars d’actifs sous gestion, l’entreprise compte à ce jour plus de 120 projets en développement, en construction ou en exploitation.

Meridiam possède des bureaux à Addis-Abeba, Amman, Dakar, Istanbul, Johannesburg, Libreville, Luxembourg, New York, Paris, Vienne, et Washington. C’est un investisseur de premier plan dans les infrastructures publiques en Europe, en Amérique du Nord et en Afrique.

Avant de créer Meridiam, Thierry a travaillé à la Caisse des dépôts et consignations où il a occupé plusieurs postes au sein de sa filiale d’ingénierie et de développement Egis Projects : chef de projet puis directeur des projets de concession, jusqu’à sa nomination au poste de directeur général en 2001.

Thierry est actuellement membre du conseil d’administration de la Fondation des Ponts, membre du comité d’investissement du Fonds européen d’investissement stratégique (FEIS), président de Archery for Inclusive Leadership, fondateur de la fondation Africa Infrastructure Fellowship Program Foundation (AIFP Foundation), membre fondateur du Partenariat pour l’investissement et le développement durable (SDIP) du World Economic Forum, membre du Sustainable Markets Council pour le Commonwealth du Prince de Galles et président d’honneur de la Long Term Infrastructure Association (LTIIA).

Thierry Déau est diplômé de l’École nationale des Ponts et Chaussées.

EE : Monsieur Thierry Déau, quel est l’ADN de Meridiam  ? L’ingénierie ? La  finance ? Les deux ? 

Nous avons l’expertise et le savoir-faire pour développer, concevoir, construire, financer et assurer l’exploitation sur le long terme d’infrastructures publiques et durables. Nos clients sont des investisseurs institutionnels, publics et privés, des fonds de pension ou encore des caisses de retraite qui nous confient un capital et à qui nous promettons à la fois un retour sur investissement et un impact positif sur l’environnement et la société pour chacun de nos projets. C’est ce qui fait notre singularité et notre force depuis notre création en 2005. Rentabilité économique et bénéfices pour les populations et la planète sont pour moi indissociables. Comment jauger l’équilibre économique ? Cela passe par des discussions avec toutes les parties prenantes : les États, les collectivités locales, les communautés, les partenaires et les investisseurs publics et privés, pour trouver la solution et le projet le plus efficient pour tous. Sans ces échanges rien n’est possible. Lorsque nous nous engageons sur 25 ans et au-delà, nous mettons un point d’honneur à entretenir les infrastructures que nous avons développées pour qu’elles soient rendues au terme de leur exploitation dans l’état où nous l’avons construite. Comme nous coopérons sur du long terme, nous sommes très scrupuleux sur le choix de nos partenaires et des matériaux utilisés, la capacité à générer de l’emploi local, à œuvrer en faveur de la diversité et de l’inclusion, et au respect des normes, des règles, de l’éthique et des valeurs fondamentales. C’est une garantie pour toutes les parties. Nous assumons le risque du début du projet jusqu’à la fin de la concession et nous sommes rémunérés si nous respectons la commande publique, le budget, les délais. Nous assurons la gestion de l’infrastructure avec performance et conformément au cahier des charges. En conséquence, nous sommes très vigilants.

Comment se concrétisent vos contrats ? Sont-ils adaptés à chaque projet ou vous appuyez-vous sur une stratégie économique universellement définie ?

Chaque contrat est unique. Cela passe d’abord par l’écoute et la discussion avec les autorités locales au sujet de leurs besoins et leurs attentes. C’est fondamental. Viennent ensuite les études préalables et la présentation d’un projet qui prend en compte le contexte local à tous les niveaux, qu’il soit économique,  climatique, social ou écologique. Au-delà des bénéfices économiques, chacun de nos projets doit contribuer à améliorer la qualité de vie des populations, préserver l’environnement et réduire les pollutions en tout genre, protéger et améliorer la biodiversité, promouvoir de bonnes conditions de travail, l’inclusion, la diversité et l’égalité des sexes.

Meridiam a adopté les ODD (objectifs de développement durable). Vos activités sont-elles conciliables avec le respect de ces engagements  ? Quelle méthode employez-vous ? 

Nous avons effectivement souhaité aller encore plus loin en matière d’ESG et d’impact sur les populations et l’environnement, et nous sommes engagés à ce que chacun de nos projets contribue très concrètement aux objectifs de développement durable de l’ONU, notamment sur des piliers qui sont pour nous essentiels. Il s’agit de la durabilité et de la résilience des infrastructures, du climat, de la transition écologique, de la biodiversité et de l’inclusion sous toutes ses formes, pour lesquels nous avons pris des engagements précis et très forts. En 2019, nous avons construit des outils pour mesurer de la façon la plus fine et la plus transparente cette contribution. Ils nous permettent de connaître l’impact de chacun de nos 120 projets sur chacun des ODD.

En janvier 2021, vous avez remporté le contrat de concession pour gérer les services publics d’eau et d’énergie de l’université de Fresno en Californie. Seriez-vous intéressés par la gestion de la SEEG ?

Typiquement, nous pourrions être effectivement intéressés et l’exemple que vous citez prouve notre capacité à répondre à une telle offre, mais nous n’avons pas été approchés.

Votre politique RSE est fondée sur l’employabilité locale. Comment sélectionnez-vous vos partenaires techniques, opérationnels ? Quelles sont vos exigences ? 

Nos partenaires opérationnels se doivent de répondre à nos exigences, notamment l’obligation de créer des emplois locaux, de travailler avec la sous-traitance locale, dans le respect de notre charte et de règles très strictes en matière d’éthique et de déontologie, et ce en toute transparence. Un contrat atteste du respect par tous de la charte interne de Meridiam relative à la RSE. Des pénalités financières sont en jeu.

En septembre 2021, vous avez lancé la Fondation Archery. Quel est votre objectif, quelles sont vos missions, auprès de qui, comment et pourquoi ?

Dans les villes du monde entier, de nombreux jeunes leaders s’attaquent déjà aux principaux défis de notre époque, qu’il s’agisse du changement climatique, de l’accroissement des inégalités ou de la montée de l’intolérance. Bien souvent, c’est grâce à l’énergie et au dynamisme des jeunes leaders que les entreprises et les institutions renforcent leur conscience sociale et apportent une plus forte valeur ajoutée et un impact optimisé aux communautés avec lesquelles elles travaillent. Le projet Archery est né du constat qu’il faut renforcer l’égalité des chances pour répondre aux grands défis de notre temps. Les lauréats Archery se distinguent par leur enthousiasme communicatif, leur bienveillance, leur croyance dans la force du collectif et leur envie de changer le monde. Après la sélection et pendant tout le temps du programme qui peut durer une dizaine d’années, la Fondation s’assure que chaque lauréat est accompagné par un mentor expérimenté dans son développement personnel et
professionnel. L’ensemble des lauréats intègre en parallèle un parcours collectif organisé autour des objectifs de développement durable de l’ONU. Les critères essentiels, de base, tiennent en quatre engagements : échanger autour de Campus et d’événements chaque année, s’ouvrir sur les enjeux sociétaux et environnementaux, devenir des leaders inclusifs et responsables, construire collectivement un projet associatif. Ces jeunes, femmes ou hommes bien entendu, que nous accompagnons dès l’âge de 14 ou 15 ans, seront    individuellement accompagnés par des mentors jusqu’à leur entrée dans la vie active afin de développer les compétences   personnelles de chacun. Ensuite, ils seront soutenus financièrement dans la réalisation de leur projet.

Au Gabon, en décembre 2022, un sujet a fait couler beaucoup d’encre. La filiale gabonaise d’Olam a cédé l’intégralité de ses parts à la SAG dont Meridiam détenait 50  %. Par voie de conséquence, Meridiam est aujourd’hui actionnaire à 100  %. Monsieur Déau, pour répondre à des questions restées sans réponse, acceptez-vous de nous informer clairement de ces positionnements respectifs qui inquiètent plus qu’ils ne rassurent ?

Le retrait d’Olam (Arise) correspond simplement à un recentrage stratégique de leur part. Il n’y a aucune raison de s’en inquiéter ni aucun problème pour le projet en lui-même, les partenaires ou le client. Meridiam a la capacité et l’expertise pour mener ce projet, et c’est d’ailleurs ce que nous faisons ici depuis plusieurs mois et dans beaucoup d’autres projets en Afrique ou à travers le monde. Vous savez, la plupart de nos collaborateurs sont des ingénieurs experts dans la réalisation, le financement et la gestion d’infrastructures durables. Et nous avons déjà réalisé plus de 2  500 km de routes à travers le monde. D’ailleurs, ce retrait est intervenu il y a plusieurs mois. Pour autant, le projet de route avance très bien et
conformément aux délais. Enfin, il a toujours été prévu que l’État devienne co-actionnaire du projet. Cette situation statutaire est provisoire.

Vous avez déclaré être susceptible de doubler vos investissements en Afrique. Quels sont les développements sur lesquels vous travaillez ? À quelle échéance ?

D’ici 3 ans, nous prévoyons en effet de porter à 10 mds d’euros nos investissements sur le continent africain, contre 5  mds d’euros aujourd’hui. Très récemment, nous avons acquis le parc éolien de Kipeto qui renforce notre présence au Kenya et plus globalement en Afrique. Il vient compléter notre portefeuille d’énergies renouvelables qui comprend déjà des actifs solaires, hydroélectriques, géothermiques et de biomasse. Ce projet doublera notre capacité de production et la portera à plus de 500 MW. Pour Meridiam, l’énergie renouvelable et décarbonée reste une des priorités en Afrique ainsi que la mobilité propre des transports, des biens et des personnes.

Avez-vous des prospectives sur et avec le Gabon ?

Nous sommes aujourd’hui présents et investis au Gabon sur quatre chantiers d’une importance capitale et pour quelques années. Nous sommes toujours à l’écoute de propositions de coopération nouvelle.

Après plusieurs années à Libreville, Emmanuel Mundela va céder sa place à Melat Mengesha. Pourquoi ce changement ?

La promotion de la parité dans nos projets et parmi nos employés est pour moi essentielle. Melat Mengesha est une femme brillante qui a intégré la société il y a plusieurs années. Sa formation internationale, sa culture panafricaine et européenne, ses diverses expériences du monde de l’assurance, de l’investissement et de la gestion de projets font de Melat une personne aussi compétente que passionnante. Je lui fais toute confiance pour les missions qui l’attendent et je sais qu’Emmanuel a passé ces derniers mois avec nos équipes à transmettre sa connaissance du terrain. Emmanuel Mundela va rejoindre nos équipes Afrique de l’Ouest au bureau de Dakar où de nombreux défis nous attendent. Je salue son travail profondément humain de ces dernières années et souhaite le meilleur à Melat Mengesha dans ses nouvelles fonctions.

Melat Mengesha, nouveau visage de meridiam afrique centrale

Melat Mengesha, 35 ans, est une professionnelle accomplie riche de plus de 10 ans d’expérience dans divers domaines, notamment l’assurance, la fintech, le conseil et l’investissement. Directrice générale adjointe de Meridiam Central Africa depuis avril 2023, elle succède à Emmanuel
Mundela en tant que directrice générale.

Après avoir commencé sa carrière chez CEGC Natixis en France, elle a rejoint Kifiya Financial Technologies en Éthiopie en tant qu’analyste financier senior. Avant de rejoindre Meridiam, elle a travaillé chez Cepheus Growth Capital Partners, un fonds de capital-investissement.

Melat Mengesha, née en 1988 à Addis-Abeba, est diplômée d’un MBA de l’École de commerce de Lyon et de l’université Paris-X-Nanterre. Elle est également active dans plusieurs conseils d’administration et associations professionnelles.

Engagée auprès de Women in Africa (WIA), Melat incarne la conviction que les femmes panafricaines sont des vecteurs majeurs du progrès du continent grâce à leurs actions et à l’impact qu’elles génèrent par leur esprit d’entreprise.

Historique d’un fonds engagé sur le long terme

Créée par  Thierry Déau en 2005, Meridiam est une société à mission (B Corp) spécialisée dans le développement, le financement et la gestion à long terme d’infrastructures publiques durables dans trois secteurs d’activités : les services publics essentiels, la mobilité durable et les solutions innovantes bas-
carbone. La société gère plus de 120 projets aujourd’hui en Europe, en Amérique du Nord et en Afrique et a investi plus de 80 mds de dollars depuis sa création.  En parallèle à des levées de fonds, Meridiam noue des partenariats public-privé, s’appuie sur des entreprises partenaires locales pour la construction et la gestion des projets dans les pays dans lesquels elle investit, ce qui se traduit par « du clé en main ». C’est ainsi qu’en 2006, Meridiam a remporté ses deux premiers projets : le tunnel de Limerick en Irlande et l’autoroute A5 en Autriche, tous deux mis en service en 2010. En 2014, Meridiam réalise une levée de fonds de 300 millions d’euros dédiés à la transition énergétique et en 2015, la Banque européenne d’investissement annonce sa participation dans ce fonds. En 2016, Meridiam réalise le bouclage de son premier fonds africain et ouvre en parallèle son premier bureau à Dakar. La société a depuis lancé un deuxième fonds dédié aux investissements en Afrique, deux fois plus important que le premier. Après avoir réalisé plus de 5 mds d’euros d’investissements sur le continent, son ambition est de doubler ses montants à 10 mds d’euros dans les trois prochaines années. Meridiam compte quatre bureaux aujourd’hui en Afrique : Dakar, Libreville, Addis-Abeba et Johannesburg. En 2018, consécutivement à la COP21, Meridiam choisit d’aller encore plus loin en matière de responsabilité environnementale, sociale, et de gouvernance (ESG), et décide que tous ses projets d’infrastructures devront contribuer concrètement aux objectifs de développement durable de l’ONU.  En 2019, Meridiam obtient le statut de société à mission. La société affiche plusieurs spécificités liées à ses activités. Elle s’engage sur le long terme pour au moins vingt-cinq ans et se positionne comme développeur, de la conception à l’ingénierie de projets et comme investisseur et gestionnaire puisque le fonds exploite lui-même les projets qu’elle finance… Aujourd’hui, Meridiam ce sont onze bureaux dans le monde, plus de 380 employés et plus de 237 000 emplois directs et indirects générés.

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