IL NE PEUT EXISTER UNE EGALITE DES GENRES SANS RAPPORT DE COMPETENCES EGALES

Au Gabon, pour les femmes, la loi progresse. Il faut le reconnaître, dans ce pays, les lois en faveur des femmes font bouger les lignes, leurs droits sont reconnus. Malgré cela, au quotidien, au travail comme en famille, trop de femmes continuent de subir des discriminations de genre, les diktats du patriarcat ou la misogynie.  Pourtant, depuis huit ans, la législation évolue : 2015, loi relative à la suppression des lois discriminatoires en matière de succession dans le Code civil ; 2016, loi pour l’instauration de quotas d’accès des femmes et des jeunes aux élections et des femmes aux fonctions supérieures de l’État ; 2018, révision de la Constitution pour y consacrer le principe de parité ; 2019, loi relative à la modification du Code pénal pour renforcer la pénalisation de la violence, quelle qu’elle soit, y compris sexuelle. Ces réformes ont été inspirées par la nécessité de mettre « le corpus juridique interne en conformité avec les conventions internationales et le souci constant du bien-être de la femme gabonaise ». Nous avons choisi 5 portraits de femmes gabonaises aux parcours très différents. Elles sont inspirantes, déterminées, courageuses et exemplaires pour les jeunes filles qui liront ce que ces femmes sont devenues et comment elles y sont parvenues.

EE : Qu’est-ce qui vous a amenée à choisir cette profession ?

Claudette : Le journalisme est une vocation. C’est l’envie de défendre les causes des autres et de dénoncer les maux de la société, d’où ma double vocation dans ma jeunesse : je voulais être soit être magistrate soit journaliste. Je l’avais toujours notifié dans mes cahiers d’amitié du secondaire et autour de moi, si bien que mon admission au concours au (Cesti) n’a nullement surpris les personnes qui me connaissaient.

Le journalisme est un métier de passion qui demande d’être exercé à plein temps tant les sujets d’actualité abondent et sont aussi riches et variés les uns que les autres.

Ida Flore : Je me suis lancée dans les études de QHSE grâce à une camarade qui, ayant remarqué l’exigence que j’avais envers moi-même, m’a conseillé de suivre cette formation disant que j’allais m’y plaire, et elle avait raison. La sécurité est un élément clé pour la réussite professionnelle comme personnelle. 

Bella Verdiane : Je pense que c’est mon amour pour la nature et le bricolage. Déjà enfant, je me souviens que j’étais une bonne bricoleuse et mon père m’emmenait souvent à la menuiserie où je jouais avec les morceaux de bois. J’ai été bercée dans ce milieu, mon père m’a transmis sa passion pour le bois et le travail du bois. Je pense avoir naturellement hérité de ses connaissances. À présent, j’ai aussi les compétences requises pour exercer ma profession. J’en suis très heureuse et fière.

Naelle Princilia : J’ai choisi cette profession, car je souhaitais découvrir comment fonctionne une locomotive et comment conduire un train. C’est une passion qui m’anime depuis toujours. J’ai fait le nécessaire pour y arriver et cela n’a pas toujours été facile. 

Katuiscia Daisy : Mon amour pour le domaine des sciences et de la technologie, et ma passion pour les défis.

Aude Kombila : J’ai pour ainsi dire toujours travaillé dans la gestion de projets. Et en faire mon métier à part entière était devenu une évidence. Il est vrai que la gestion de projets est au cœur des métiers de la communication, mais j’ai véritablement pu toucher du doigt la discipline dans le cadre de mes missions au sein de la FMCT lorsque j’y étais chargée d’études, puis au FGIS dans le domaine de l’hôtellerie. Pouvoir véritablement voir le résultat de mes actions dans des constructions, dans le dur, me changeait du monde de la communication. Et cela devenait important pour moi de donner du sens à mes projets. Ce choix s’est confirmé par la suite, lorsque j’ai travaillé dans le domaine de la santé où j’ai pu participer à la création, au lancement et à la direction du 1er laboratoire RT-PCR privé de Port-Gentil et au lancement d’une polyclinique avec tous les projets d’ordre numérique et organisationnel que cela implique. Aujourd’hui, je continue de gérer des projets dans le domaine de l’aéronautique.

Comment conciliez-vous votre vie personnelle et votre vie professionnelle ?

Claudette : J’ai façonné ma vie en parallèle de ma vie professionnelle. Ma famille sait que je n’ai ni jour férié ni week-end, je peux travailler à tout moment et voyager n’importe quand. Mais cet agenda professionnel chargé ne m’empêche pas de jouer mon rôle de mère attentionnée ! Je le suis, car je maintiens à la maison le même rythme de travail que j’ai en milieu professionnel, je fais le ménage et cuisine même au feu de bois pour faire plaisir aux miens lorsque c’est nécessaire (rire). Je précise que j’ai reçu une éducation traditionnelle qui met l’accent sur le rôle de la femme au foyer.

Ida Flore : Je suis toujours parvenue à gérer les deux vies. Comme je le dis souvent, les femmes sont multitâches (à la maison, elles sont infirmière, enseignante, psychologue, cuisinière…). Être active professionnellement ne nous empêche pas de prendre soin de notre maisonnée, même si on a toujours l’impression de courir, on y arrive.

Bella Verdiane : J’ai opté pour ne pas apporter systématiquement des dossiers chez moi, pour consacrer du temps à ma famille et à mes amis. Ce n’est pas toujours évident, mais j’ai défini mes priorités et je refuse de manquer des événements familiaux ou simplement festifs qui me construisent autant que les activités de ma vie professionnelle. C’est un métier physique et je m’applique à me reposer pour récupérer et être opérationnelle à 100 %. À titre personnel, seule ou avec des amis, je fais beaucoup de randonnées en nature, je suis une addicte de sport, je voyage et je médite. Je pense renouveler ainsi mon énergie et je reprends le travail avec encore plus de motivation. Mon job évolue et c’est aussi ce qui me passionne. Les nouveaux modes et l’adaptation de nouvelles technologies nous créent un meilleur équilibre dans la vie professionnelle qui se répercute sur la qualité de vie personnelle. 

Naelle Princilia : Pour avoir un équilibre entre les deux, il m’a fallu avoir une bonne communication avec mes enfants et un maître de l’organisation pour conjoint.

Katuiscia Daisy : En sachant accorder du temps à l’une sans léser l’autre. Trouver le bon équilibre, ce n’est pas facile, mais il faut y arriver. Je planifie mes tâches (en tenant compte des imprévus), je délègue lorsque cela est nécessaire et m’accorde également du temps pour me reposer et me détendre. Il y a des journées très chargées, mais dans l’ensemble cela se passe très bien. 

 L’exercice de votre fonction intrigue-t-il votre entourage ?

Claudette : À ce niveau, les appréciations sont diverses. Certains vous admirent, vous encouragent et ils le manifestent lorsqu’ils vous rencontrent. D’autres vous accablent de préjugés et de qualificatifs erronés. On fait avec, l’essentiel est de se connaître soi-même et de garder la tête haute, quels que soient les obstacles. En me référant à mes enseignements rudimentaires en philosophie, je sais que le bien et le mal, le oui et le non vont ensemble. 

Ida Flore : Une femme QHSE en bleu de travail et rangers ce n’est pas banal, mais je crois que c’est maintenant mon projet associatif qui les interpelle le plus. Cet engagement inquiète parfois mes proches, car ils sont soucieux de ma sécurité, mais globalement, je suis bien soutenue et maintenant totalement comprise. C’est mon combat.

Bella Verdiane : Non, mon entourage, du moins ceux qui me connaissent, n’est ni étonné, ni choqué ou intrigué par mon activité. Je crois plutôt provoquer une prise de conscience et de l’éveil chez certaines personnes. Selon moi, celles où ceux qui sont intrigués de me voir exercer ma fonction sont tout simplement des personnes qui n’ont pas encore compris qu’une femme peut exercer dans un secteur d’activité totalement différent, ou prétendument réservé aux hommes. Mon métier ne s’oppose absolument pas à ma féminité. 

Naelle Princilia : Très souvent, mon entourage s’étonne de voir une femme aux manettes d’un train et me félicite. C’est donc très positif. 

Katuiscia Daisy : Oui, ils se demandent comment je parviens à m’épanouir autant dans un milieu professionnel aussi masculin. C’est le milieu que j’ai choisi en tant que femme ! La crainte de ma famille était que je ne trouve pas de temps pour ma vie de femme et de mère. Mais tout va bien. 

 Comment vous sentez-vous dans ce milieu particulièrement masculin ?

Claudette : Je me sens très bien et je n’ai aucun complexe d’infériorité vis-à-vis de mes collègues hommes dans la mesure où ce sont nos références académiques et nos compétences professionnelles qui constituent le dénominateur commun qui nous permet d’occuper ces fonctions et non une approche sexiste ou genrée. À ce propos, je fais mienne cette citation de Simone de Beauvoir dans son livre intitulé le deuxième sexe tome 2, « On ne naît pas femme, on le devient ». Nous sommes avant tout des êtres humains, mais de sexe différent.

 Ida Flore :  Je dois toujours travailler deux fois plus pour prouver que je suis à la hauteur et légitime. Je suis donc exigeante envers moi-même, mais également fière de montrer que la femme a autant de potentiel que l’homme. 

Bella Verdiane : Je suis à l’aise, dans mon élément. La mixité dans cet univers particulièrement masculin est un atout, une richesse, un puits de développement. Nous nous apportons beaucoup mutuellement. Nous partageons beaucoup et, même si ce n’est pas rose tous les jours, cette position que j’occupe aujourd’hui m’a amenée à mieux comprendre les hommes et leur quotidien. Le but n’est pas de se dire qu’en tant que femme on peut faire plus ou comme les hommes, quel que soit le secteur d’activité. Non, pour moi c’est de pouvoir travailler ensemble et de faire évoluer les mentalités dans notre société pour contribuer au développement de notre nation.

Naelle Princilia : À présent, je suis à l’aise dans ce milieu. J’ai accepté de laisser s’exprimer ma personnalité féminine avec les forces et les faiblesses que Dieu m’a données plutôt que d’imiter le comportement ou le langage de la gent masculine qui domine dans le domaine de la conduite de train. 

 Katuiscia Daisy : Très bien, quand on est passé par le lycée technique, le genre masculin ou féminin n’existe plus, on devient simplement des collègues du domaine technique. 

 Avez-vous des regrets ?

Claudette : C’est de ne pas être capable de changer l’ordre du monde, mais d’être obligée de changer l’ordre de mes désirs. Ça veut dire qu’on pose le plus souvent des actes pour plaire aux autres tandis que l’on reçoit en retour de la méchanceté et de l’ingratitude. 

Ida Flore :  Pas du tout, je suis passionnée par tous les volets de ma vie, j’avance et je veille sur mes filles. 

Bella Verdiane : Non, au contraire, je suis très contente d’être différente dans mon choix de vie professionnelle et surtout d’en avoir acquis les compétences, certes au prix de quelques difficultés, mais aujourd’hui je regarde devant et ne crains pas l’inconnu. 

Naelle Princilia : Personnellement aucun regret, au contraire. Le seul, mais je n’y suis pour rien, c’est de constater qu’il y a peu de femmes dans la conduite de trains au Gabon. 

 Katuiscia Daisy : Je n’ai aucun regret, que des remerciements à mes parents pour leur rigueur dans mon éducation et pour m’avoir autorisée à passer le concours d’entrée au lycée technique, point de départ de ce que je suis aujourd’hui. Mais également un merci à tous mes enseignants du secondaire et à l’université pour la formation et la patience. Je tiens également à remercier mes aînés (hommes et femmes) du milieu professionnel pour leur encadrement et leur franche collaboration.

Aude Kombila : Quitter le Gabon a été très difficile, car cela signifiait quitter famille et amis, quitter un climat et des paysages magnifiques, quitter ma maison, quitter mon pays. Mais cela m’a permis d’ouvrir de nouvelles portes. J’ai pu intégrer des « entreprises-écoles » où la formation et le bien-être au travail sont au cœur des préoccupations. J’ai pu découvrir de nouvelles cultures d’entreprise, des politiques différentes de management d’équipe. Je vis au quotidien des défis professionnels toujours plus intéressants. Alors non, au niveau professionnel, je n’ai aucun regret.

 Quelles sont vos ambitions ?

Claudette : Mes ambitions restent les mêmes qu’au début de ma carrière, c’est-à-dire servir mon pays avec passion, dévouement et patriotisme partout ou le besoin se manifestera.

Ida Flore :  Que mes actions aient un impact économique et social à l’échelle de la province (l’Ogooué-Maritime) et du pays. Que le Gabon devienne un exemple en Afrique en matière de droits des femmes et que cessent les violences envers les enfants et les femmes. 

Bella Verdiane : Mes ambitions aujourd’hui sont de me réaliser, de pouvoir atteindre les objectifs que je me suis fixés : être un exemple et un modèle de réussite dans ce domaine d’activité. Nous avons des modèles de réussite de femmes dans la politique, la médecine, l’agriculture, les affaires, en cosmétique et j’en passe. Mais pas vraiment dans ce secteur d’activité, surtout sur le plan technique. J’aimerais que les choses changent, qu’elles s’améliorent et que les femmes puissent entrer dans tous les modèles de réussite et dans tous les corps de métiers. Je crois que nous sommes sur la bonne voie. Cependant, nous sommes confrontées à la difficulté de mon cœur de métier qui est l’accès à des matières premières de qualité. Acheter des essences de bois supérieures à la normale est un défi non seulement financier, mais aussi complexe, car elles sont réservées à une poignée de leaders dans ce domaine. Ce marché est très ouvert, mais pour les petits industriels comme nous qui ne sommes que des artisans, les conditions sont particulièrement difficiles. 

Naelle Princilia : Mon ambition est de former des conductrices et conducteurs compétents et compétitifs sur le plan international.

 Katuiscia Daisy : Je voudrais continuer à me développer davantage, à acquérir une expérience de leadership et à évoluer positivement dans ma carrière. Faire partie des leaders. 

 Que vous apporte votre autonomie financière dans votre vie ?

Claudette :   C’est là tout l’enjeu de l’existence humaine, que l’on soit un homme ou une femme, rien ne vaut cette liberté de pouvoir planifier ses dépenses en fonction de ce que l’on gagne à la sueur de son front et au mérite. Je ne peux qu’être une femme comblée. J’aime cette citation de Simone de Beauvoir : « C’est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle ; c’est le travail qui peut lui seul garantir une liberté concrète ».

Ida Flore :   Une liberté qui n’a pas de prix, même si ce n’est pas simple tous les jours !

Bella Verdiane : Mon autonomie financière me permet de vivre dans la dignité, bien que je ne sois pas encore arrivée au niveau que j’attends, je gère des actions qui sont importantes et essentielles pour moi et pour mon épanouissement, j’investis dans mes projets, je me façonne et me réalise chaque jour. 

Naelle Princilia : Mon autonomie financière me permet de participer à l’épanouissement de ma famille, d’investir pour le futur et aussi de me faire plaisir. Permettez-moi de vous communiquer quelques phrases qui boostent mon quotidien : « Un peu de sommeil, un peu d’assoupissement, un peu croiser les mains pour dormir et la pauvreté te surprendra ». « Aucun problème présent devant toi n’est supérieur à toi ». « En toute circonstance, garde ta tenue de travail (c’est-à-dire maintiens toujours tes compétences de technicien) ». 

 Katuiscia Daisy :  La liberté d’action. Mes parents m’ont appris l’importance du travail et de ne pas dépendre des autres. C’est pourquoi j’aborde mon travail avec beaucoup de sérieux et d’amour. Je me fie volontiers à cette citation de Michelle Obama : « Le succès ne se mesure pas à la quantité d’argent que vous gagnez, mais par l’impact que vous avez sur la vie des gens ». 

Aude Kombila : Mon ambition est bien sûr d’évoluer dans mon domaine de compétences. Mais le cœur de mes préoccupations s’articule autour de mes filles. Mon objectif est de garantir le bien-être de mes enfants en accordant une attention particulière à leur éducation, à leur santé en leur offrant un environnement culturellement riche. J’ai à cœur de transmettre à mes deux filles l’importance de l’indépendance (pas uniquement financière) et cela passe par le travail, la persévérance, la confiance en soi et l’estime de soi.

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