DE LA COP1 A LA COP 28

Du 30 novembre au 12 décembre 2023, des représentants venant de près de 200 pays se sont réunis afin d’analyser et de discuter des conséquences du réchauffement climatique. Objectifs pour lutter contre l’évolution du climat, présentation des ambitions de chaque pays et rapport sur les progrès de chacun étaient au programme de ce sommet annuel. La 28e édition de la COP s’est déroulée pour la première fois sur fond de deux conflits humains à grande échelle et de températures toujours ascendantes. Cette année, la controverse autour du pays organisateur, les Émirats arabes unis, a fait couler beaucoup d’encre : ils sont après tout l’un des plus gros producteurs de pétrole au monde et leur économie s’est largement construite grâce à ce dernier. Cela nous permet donc de nous poser une question importante : est-il réellement possible de viser un abandon total des énergies fossiles alors que certains pays en restent économiquement dépendants et que leur utilisation quotidienne reste majoritairement nécessaire ?

Historique des COP

Depuis 1995, plus d’une centaine de nations se retrouvent dans l’optique de trouver des solutions concrètes afin d’enrayer le changement climatique. Dans un souci d’équité, les parties civiles et non gouvernementales sont également représentées. Le processus est long et fastidieux du fait de la complexité du sujet et des enjeux sociaux, environnementaux, économiques et diplomatiques. La COP1 à Berlin fixe des objectifs clairs et chiffrés concernant les émissions de gaz à effet de serre et force le monde à enfin reconnaître que les changements climatiques sont dangereux pour l’humanité. La COP3 à Kyoto voit la naissance d’un protocole extrêmement strict imposant aux pays signataires une méthodologie rigoureuse afin de réduire de 8  % leurs émissions de CO2 d’ici 2020, protocole que refusent de signer les deux plus grands émetteurs de gaz à effet de serre, les États-Unis et la Chine, endiguant ainsi les efforts internationaux. Cependant, la COP21 entre dans l’Histoire en parvenant à faire accepter un protocole en remplacement de celui de Kyoto : l’accord de Paris ratifie le fait que la communauté internationale s’attellera activement à contenir le réchauffement climatique en dessous de +2 °C (aujourd’hui, l’objectif est de +1,5 °C). C’est un effort collectif qui est désormais requis, dont les gouvernements ne sont plus les seuls acteurs : citoyens, entreprises, ONG et autres collectivités doivent aussi se sentir engagés. Durant la COP27 à Charm-el-Cheikh en Égypte, la communauté internationale décide de créer un fond « pertes et préjudices » afin de pouvoir aider les pays les plus vulnérables.

cop 28

Après tout, les pays les plus responsables des émissions de gaz à effet de serre ne sont pas les plus affectés par les conséquences du réchauffement. L’évolution du projet est lente et compliquée compte tenu du non-respect des promesses de certains pays développés, de la tension entre le Nord et le Sud et du besoin d’établir un fonds indépendant afin d’équilibrer le poids de chaque État dans les décisions prises. Aujourd’hui, les directives associées à ce fonds n’obligent aucunement les pays émetteurs à contribuer, elles ne font que le suggérer.

Quel est alors le bilan de la COP28 ? Cette dernière édition était tout particulièrement attendue par les grands mouvements écologistes qui accusent la conférence de faire du « greenwashing ». Autrement dit, de laisser les gouvernements et les compagnies se poser en sauveurs de la planète sans pour autant effectuer les changements nécessaires. Il est vrai qu’il est difficile de contester cet argument lorsque les EAU (Émirats arabes unis) ou encore l’Azerbaïdjan sont désignés comme pays organisateurs, deux états s’appuyant largement sur leur exploitation des énergies fossiles. La production de pétrole et de gaz de l’Azerbaïdjan représente près de la moitié de son PIB et 92,5  % de ses revenus en exportations en 2022. On peut aussi citer le discours très ouvert du secrétaire général de l’Opep, Haitham al-Ghais, qui a sommé sans détour les pays membres et associés de l’Organisation de refuser tout accord qui forcerait la sortie totale des énergies fossiles. Il était appuyé par Ayed al-Qahtani, directeur de la recherche de l’Opep, qui renchérit : « nous devons continuer à utiliser toutes les énergies, sinon le monde ne pourra pas faire face à la demande ».

Malgré ces propos, il est intéressant de constater la nuance qu’ils apportent à un discours qui se voudrait résolument écologique. Après tout, des économies entières se sont bâties et se bâtissent encore sur la production et l’exportation du pétrole et du gaz. Les Émirats en sont eux-mêmes l’exemple parfait : s’appuyant sur la pêche perlière et le commerce maritime à ses balbutiements, leur économie traverse des changements radicaux une fois l’exploitation pétrolière implantée. Dubaï, cité-État et joyau des EAU, devient très vite une plaque tournante de la finance, de l’immobilier, du tourisme et de la logistique. On comprend rapidement qu’il faut se diversifier économiquement pour survivre dans une ère post-pétrole. Au fil des années, le gouvernement émirien a mis en place ou modifié diverses législations multisectorielles permettant de favoriser des investissements plus importants tout en améliorant la qualité de vie des habitants. Aujourd’hui, les secteurs non pétroliers représentent 70  % du PIB et à Dubaï, le pétrole ne couvre que 1  % du PIB de la cité-État.

Au second trimestre 2023, les industries extractives au Nigéria représentent 6,57  % du PIB, dont 5,34  % occupés par l’exploitation du pétrole et du gaz. Le PIB du pays est dominé par l’agriculture, les technologies de l’information et des télécommunications, la construction, le commerce et les produits manufacturés. L’Arabie saoudite, second plus gros producteur de pétrole au monde, présente un PIB encore dépendant à 40  % de l’or noir. Sa réduction obligatoire visant le nombre de barils a eu un impact direct sur la recette pétrolière (-17  %), avec pour résultat la baisse du PIB de 4,4  % durant le troisième trimestre 2023. Les États pétroliers tels que le Venezuela, la Russie ou encore le Cameroun sont tous encore extrêmement dépendants du pétrole et des gaz naturels et ne survivraient pas à une totale transition hors des énergies fossiles, si cela était réellement possible.

En effet, ces ressources sont bien trop ancrées dans nos industries et notre vie quotidienne pour être ainsi supprimées du jour au lendemain. Preuve en est la décision finale de cette fameuse COP28 : le texte nouvellement adopté ne parle pas d’une « sortie définitive », mais plutôt d’une « transition » aux conditions peu contraignantes. On peut aussi citer la Norvège, pays considéré comme un exemple du mouvement écologiste… qui utilise encore le pétrole et ses dérivés à 39  % et le gaz naturel à 6  %, a ouvert 19 nouveaux projets d’exploitation en 2023 et voit sa production au plus haut depuis 15 ans. Mais avec la Russie sous sanction, l’Union européenne a décidé de se tourner vers la Norvège afin d’alimenter le vieux continent en gaz.

 Le Gabon

Dans ce contexte aux lignes quelque peu floues, qu’en est-il du Gabon et de son avenir dans le secteur ? Malgré ses nombreuses ressources naturelles et un écosystème florissant, le pays s’appuie encore trop fortement sur l’industrie pétrolière et gazière. Depuis près de 5 ans maintenant, l’or noir représente 80  % des exportations, 60  % des recettes fiscales et 45  % du PIB. Et pourtant, le Gabon est un pays sous-exploité, avec 80  % de sa population vivant dans les grandes villes (59  % dans Libreville), tandis que l’hinterland est peu à peu déserté. Toutefois, des initiatives comme la zone spéciale de Nkok sont un énorme pas en avant. Ce domaine de 1 126 ha abrite une zone industrielle, une zone résidentielle ainsi qu’une zone commerciale. On y retrouve 144 sociétés venant de 16 pays différents et couvrant jusqu’à 22 secteurs industriels. Dans ce paradis de l’industrialisation gabonaise, la transformation du bois rassemble à elle seule 84 entreprises !

Dans l’intérieur du pays, quand on parle d’agriculture, on remarque que malgré une terre très fertile et plusieurs villages possédant de petites exploitations, ce potentiel reste à développer. Gageons que les infrastructures routières en cours de réhabilitation seront le facteur essentiel à ce précieux projet qui facilitera le déplacement entre la grande ville et la campagne. De son côté, l’industrie de la pêche gabonaise abrite encore un fort potentiel. Le long du littoral, les eaux regorgent de poissons divers et le Gabon bénéficie d’une zone de pêche exclusive s’étendant sur 320 km au large des côtes. Les deux tiers des prises en poisson du pays se font grâce à la pêche traditionnelle, ce qui laisse beaucoup d’espace au Gouvernement pour mettre ses différents projets industriels en place, notamment une conserverie, des usines de production de farine de poisson et des installations de stockage réfrigérées.

Sur le sujet du tourisme, qui est souvent un élément polarisateur dans une économie, le Gabon n’a certainement aucune raison d’être timide. En effet, le pays a su préserver sa faune et sa flore de manière plus qu’admirable. Le Gabon reste un modèle de préservation environnementale. S'il est surnommé « le second poumon du monde » ! Après cette COP28 qui a souligné que les énergies fossiles ne pouvaient être totalement supprimées, mais que leur présence devait tout de même s’estomper progressivement, le moment est propice pour repenser la structure de l’économie gabonaise et mettre en avant des richesses qui méritent bien leur place au soleil.

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