L’UE SOUTIENT LES EFFORTS DU PAYS
Avant de rejoindre le Gabon le 1er septembre 2023 en qualité d’ambassadrice de l’Union européenne (UE), Mme Cécile Abadie a travaillé pour les institutions de l’Union européenne pendant plus de 20 ans, dans le domaine des relations extérieures et de la coopération. Après des études supérieures en économie internationale et une expérience dans la recherche et l’enseignement, elle rejoint la Commission européenne en 2002, puis le Service européen pour l’action extérieure, service diplomatique de l’UE, dès sa création en 2011. Cécile Abadie a occupé notamment les fonctions de chef de coopération au Liban, chef de la section politique, presse et communication au Maroc, ainsi que chef adjoint de la division « Sanctions ». Mme Cécile Abadie est française, mariée et mère de deux filles.
Excellence, Madame Cécile Abadie, depuis le 26 janvier 2024, date à laquelle vous avez remis vos lettres de créance au président de la Transition gabonaise, Brice Clotaire Oligui Nguema, vous affichez votre volonté de rester un partenaire fiable et attentif. Les défis à relever sont nombreux et prometteurs parce que les échanges sont marqués par un réel dynamisme, ouverts et constructifs. Madame l’Ambassadrice, ce court laps de temps depuis votre arrivée en terre gabonaise vous permet-il de nous communiquer votre analyse et de définir le positionnement de vos perspectives ?
Les contacts établis avec de nombreux acteurs, institutionnels, du secteur privé ou de la société civile, montrent une convergence de vue sur deux priorités : relever les défis socioéconomiques auxquels le pays fait face et donner à cette période de transition politique toute sa chance pour un nouveau contrat social et un modèle de gouvernance plus inclusif et plus transparent.
J’ai donc un double objectif.
D’une part, je souhaite dynamiser le partenariat UE-Gabon et notamment faire en sorte que le Gabon puisse bénéficier des outils d’appui aux investissements développés par l’UE dans le cadre de sa stratégie Global Gateway.
D’autre part, nous avons dépêché une mission de Bruxelles pour engager un dialogue sur l’analyse des besoins en ce qui concerne la transition politique. C’est un processus endogène, mais si un appui ciblé peut œuvrer à son succès, c’est un accompagnement que nous sommes prêts à proposer.
Où en sont les initiatives engagées par votre prédécesseur ?
L’UE a effectivement commencé à privilégier des domaines spécifiques d’intervention pour avoir un réel impact et a engagé des initiatives dans le domaine de la transition et la croissance vertes, dans une approche équilibrée combinant génération de revenus pour les Gabonais et appui aux efforts continus du Gouvernement en termes de préservation de la biodiversité. Ces initiatives avancent bien.
Cela concerne notamment notre appui avec la Banque européenne d’investissement (BEI) au nouveau Centre de tri et de valorisation des déchets du Grand Libreville (CTVD), projet essentiel tant en termes d’aménagement urbain que de santé publique et de protection de l’environnement, et devenu urgent pour suppléer à la saturation de la décharge de Mindoubé.
Pour une meilleure gestion des ressources forestières, nous pouvons par exemple mentionner le programme Natur’Africa en appui à la gestion des parcs nationaux, avec un soutien aux filières économiques locales au profit des communautés avoisinantes et à la recherche sur les conflits homme-faune.
Je souhaite consolider cette action avec de nouvelles initiatives. Nous travaillons déjà à un nouveau programme sur les chaînes de valeur liées à la forêt et prévoyons avec la BEI le développement d’études sur l’érosion côtière à Libreville et Port-Gentil, véritable défi face à la montée des eaux et l’intensification des inondations.
En ce qui concerne les actions socioéconomiques de proximité, l’UE avait également lancé des appels à projets pour soutenir la société civile. Encore une initiative qui se concrétise maintenant : à l’occasion de la Dizaine de l’Europe prévue du 2 au 12 mai prochain et à laquelle j’invite déjà le public librevillois, nous lancerons deux nouveaux projets portés par des organisations de la société civile en faveur de la protection et la promotion des droits des personnes les plus vulnérables (femmes, enfants, personnes âgées et personnes handicapées).
Attirer les investissements nécessaires au développement économique et social du Gabon constitue un enjeu essentiel de la coopération entre l’Union européenne et le Gabon. Quelle stratégie adoptez-vous pour concrétiser la venue d’IDE ? Dans quels secteurs d’activités ? Avec quels outils ?
Pour la diversification de son économie, le Gabon doit pouvoir attirer les investisseurs privés et trouver des appuis pour les investissements publics, sans alourdir le service de la dette. L’UE a développé un instrument financier adapté : le Fonds européen pour le développement durable (FEDD).
Cet appui peut prendre différentes formes. Il peut s’agir d’une subvention à l’investissement, qui réduit le besoin d’emprunt total du pays partenaire pour un projet d’investissement donné, ou permet de réduire le montant total du service de la dette. Il est aussi possible de financer une assistance technique. Concrètement, un don de l’UE peut être combiné à un prêt d’une institution financière et de financement du développement européenne en vue de mobiliser des investissements supplémentaires en faveur de projets de développement. Une garantie peut aussi être proposée pour encourager des investissements plus risqués, y inclus de la part d’investisseurs privés.
Les secteurs privilégiés sont la numérisation, le climat et l’énergie, les transports et la santé. Les investissements doivent être durables d’un point de vue environnemental et social. Au Gabon, ce mécanisme est mobilisé pour le Centre de traitement et de valorisation des déchets. Mais nous avons d’autres pistes prometteuses, qui répondent à un intérêt mutuel, sur lesquelles le dialogue doit se poursuivre.
Les institutions de l’Union financière européenne ont pour volonté de renforcer l’autonomie stratégique de l’Afrique. Au vu de ces objectifs louables, notamment en matière de protection des forêts et de lutte contre les changements climatiques, dans la volonté de faciliter l’employabilité pour lutter contre le chômage, quelles sont les prévisions, à court, moyen et long terme ?
Il est beaucoup question d’autonomie stratégique en Europe, mais nos partenaires veulent aussi la leur, pour développer une résilience aux chocs, économiques et climatiques, et être moins dépendants, notamment du cours des matières premières. Pour de nombreux partenaires en Afrique, le défi est donc de développer une économie à plus forte valeur ajoutée, basée sur une exploitation durable des ressources. C’est à cet objectif que les appuis aux investissements que je souhaite promouvoir au Gabon devront répondre.
Par ailleurs, nous travaillons actuellement à l’identification d’un programme visant à consolider une économie verte au Gabon en soutenant le développement de chaînes de valeur efficaces, durables et équitables liées à la forêt, un des piliers de l’économie gabonaise confronté à des défis de logistique, de gouvernance, de fiscalité et de formation professionnelle.
La zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) représente un levier de développement et d’autonomisation évident pour le continent. Quel est votre positionnement ?
L’UE voit l’intégration régionale comme un élément essentiel de son identité comme acteur global de premier plan et en fait une priorité de sa coopération internationale. L’UE entend privilégier et développer l’importance et le rôle des communautés économiques régionales africaines qui peuvent œuvrer à leur niveau à la facilitation du commerce des biens et services.
En Afrique centrale, l’UE a accompagné depuis longtemps ce travail, avec la CEEAC et les pays de la sous-région, pour une meilleure connectivité, une harmonisation des normes et le développement de chaînes de valeur régionales. La stratégie régionale Zlecaf pour l’Afrique centrale vient d’être finalisée par le comité technique de la CEEAC compétent. Cette stratégie offrira un socle commun à tous les pays de la CEEAC pour la levée de contraintes au commerce au sein de la région.
Le mois d’avril, et plus particulièrement le 17, le Gabon réserve une attention toute particulière aux femmes. Dans ce domaine de l’égalité des genres, l’UE a-t-elle une politique affichée ?
La stratégie 2020-2025 de l’UE en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes est multidimensionnelle et poursuit plusieurs objectifs, que ce soit mettre fin à la violence basée sur le genre, lutter contre les stéréotypes sexistes, assurer une égalité de participation et de chances sur le marché du travail ou encore l’équilibre entre hommes et femmes en matière de prise de décision et dans le domaine politique. Ces priorités pour une Europe respectueuse de l’égalité entre les hommes et les femmes au sein de l’UE se déclinent aussi dans notre action extérieure. Au Gabon, ce sujet a toujours fait l’objet d’un dialogue ouvert avec les institutions. Nous avons aussi accompagné et continuerons d’accompagner les actions menées par la société civile dans ce domaine.
À l’occasion de la journée internationale des Droits des femmes, le 8 mars, j’ai invité des femmes inspirantes d’horizons divers pour discuter des défis qui se posent au Gabon, par exemple sur l’autonomisation économique ou le fléau des violences intrafamiliales. J’ai aussi été à la rencontre d’étudiants, jeunes hommes et femmes engagés, pour avoir également leur perspective. Cet agenda est porté avec vigueur par de nombreux acteurs dans la société gabonaise. L’UE souhaite les accompagner dans leurs actions et relayer leurs préoccupations.