LE RÔLE DES GRANDES ENTREPRISES DANS LA DIVERSIFICATION DE L’ÉCONOMIE GABONAISE
À l’heure où nous parlons de diversification de l’économie gabonaise, condition sine qua non au développement durable de notre pays, il paraît indispensable d’y associer la construction d’un secteur privé formel solide. En parallèle, de plus en plus d’entreprises, notamment les multinationales présentes sur le territoire, s’engagent aujourd’hui dans une démarche de développement durable à travers leurs politiques de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Ces politiques permettent aux sociétés d’agir en dehors de leurs activités principales pour impacter positivement l’environnement social, environnemental et économique dans lequel elles exercent.
Au Gabon, jusque dans les années 90, l’État et le secteur pétrolier étaient les principaux pourvoyeurs d’emploi dans le pays. Depuis, le taux de chômage est passé de 20 % en 1997 à 28 % en 2020 (CIA World Factbook). Les raisons de cette dégradation de l’accès à l’emploi incluent le ralentissement du recrutement dans le secteur public, les crises successives dans le secteur pétrolier ainsi que dans les autres secteurs pourvoyeurs comme le BTP, le secteur du bois et même les industries. Nous faisons face à une crise de l’emploi sans précédent. La transformation économique nécessaire au développement durable de notre pays nécessite la création et le développement d’un tissu fort d’entreprises formelles locales. Il s’agira de champions nationaux, mais également d’un ensemble de petites et moyennes entreprises à même de générer une richesse durable pour le pays. C’est en cela que la RSE prend tout son sens. Le développement d’un tissu de PME sur le plan national bénéficie à l’ensemble de l’économie formelle. D’une part, l’État augmente son assiette fiscale, et donc ses recettes. D’autre part, les grandes entreprises disposent non seulement d’un maillage renforcé et diversifié de sous-traitants à l’échelle locale, mais allègent également la charge fiscale et l’obligation d’emploi qui pèsent sur elles. Les emplois ainsi générés permettent d’apaiser le climat social et de produire une croissance inclusive, notamment pour les jeunes, cette jeunesse qui représente 60 % de la population et dont 30 % sont au chômage aujourd’hui. Cette croissance inclusive est bénéfique pour tous. Il est donc juste qu’elle soit synonyme d’efforts collectifs, le collectif étant ici représenté par l’ensemble de nos efforts individuels. Nous pouvons parler du rôle de l’État dans l’amélioration de l’environnement des affaires : facilitation de la création d’entreprises ; mise en œuvre d’un système fiscal adapté qui permette à ces entreprises de se développer durablement ; accès équitable à la commande publique ; et pour finir, disponibilité d’une offre diversifiée de financements pour les entreprises. En tant que génératrices d’une part importante du PIB national, les grandes entreprises portent elles aussi une grande part de responsabilité dans cette démarche. C’est le moment idéal de prendre conscience du rôle qu’elles ont à jouer face à l’urgence économique et sociale que représentent le chômage et la baisse du pouvoir d’achat.
Pendant de nombreuses années, la démarche RSE des majors a été dirigée vers la construction d’infrastructures et la préservation de l’environnement. La nécessité du moment requiert que nous redirigions ces efforts vers l’humain, pour l’aider à s’engager lui-même dans le développement durable de la société. Chaque entreprise de ce pays qui concourt à la création et au développement d’un réseau solide d’entreprises autour d’elle contribue à cette croissance inclusive et durable. Et ce, par la création d’une manne d’emplois dans de nouveaux secteurs qui créeront la richesse d’une économie formelle.
La réussite d’une telle démarche va demander davantage que des actions isolées de part et d’autre. Les grands maux nécessitent la mobilisation de grands moyens. Le pouvoir, l’influence et la capacité à se mobiliser des grandes entreprises n’est plus à démontrer. La réponse du secteur privé à la crise sanitaire nous en donne un aperçu. Une PME qui fournit des produits et services à une grande entreprise, c’est l’opportunité pour cette PME de développer ses compétences et sa gouvernance ; c’est l’accès à un marché souvent significatif ; enfin, c’est également un meilleur accès au financement, que ce soit par des conditions de règlement adaptées ou des facilités bancaires. Les PME représentent déjà 80 % des emplois en nombre dans notre pays. Nous ne pouvons qu’imaginer l’impact de l’engagement de tels efforts en vue de cette diversification que nous attendons tous. La conjonction de nos responsabilités sociales individuelles pour renforcer notre responsabilité collective au service du développement durable de la société : n’est pas cela, le principe même de la mise en œuvre d’une stratégie de RSE efficace ?