LE POTENTIEL TOURISTIQUE GABONAIS N’EST PLUS A DEMONTRER

Une biodiversité exceptionnelle préservée dans des parcs nationaux qui représentent près de 10 % de la superficie du territoire, plus de 800 km de côtes bordées de plages magnifiques, une pluralité culturelle riche de sa cinquantaine de groupes ethniques, un territoire recouvert de forêts faisant du Gabon le gardien d’une partie du Bassin du Congo.

Les multiples stratégies gouvernementales dans ce secteur depuis plusieurs décennies n’ont pas permis de relever le défi d’un positionnement économique significatif. Malgré les orientations exécutives dirigées vers l’écotourisme depuis les années 2000, le tourisme représente toujours une part marginale du PIB, de l’ordre de 4 %, et les projets peinent à se concrétiser.

Après la forte inflexion observée en 2020 en raison des restrictions liées à la pandémie, l’augmentation progressive du nombre de visiteurs au Gabon a permis une légère remontée du chiffre d’affaires du secteur, notamment celui des hôtels de classe internationale, de plus de 40 %, à 19,4 mds de F CFA en 2022 

(TBE – tableau de bord de l’économie- 2022). En 2023, l’activité du secteur a connu une tendance globale baissière en raison notamment de la situation sociopolitique. 

Néanmoins, les efforts stratégiques actuels pour parer les écueils observés, conjugués au dynamisme des initiatives privées, offrent des opportunités intéressantes dans ce secteur d’activité qui appelle une réelle valorisation.

Un positionnement sectoriel axé autour de la promotion de la destination Gabon à travers le développement de l’écotourisme, du tourisme d’affaires et événementiel

Le Plan national de développement de la Transition (PNDT 2024-2026) cherche à «positionner le tourisme comme un outil de lutte contre la pauvreté, de développement économique pour les zones rurales ainsi qu’un instrument favorisant la conservation et la valorisation du patrimoine naturel du pays». L’ambition finale est l’évolution vers une offre touristique fiable, avec un objectif quantitatif annuel de touristes fixé à 600000 d’ici 2029.

La feuille de route sectorielle, présentée en novembre 2023 par le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Pascal Ngowet Siffon, priorise la valorisation des richesses naturelles du Gabon et l’actualité gouvernementale en ce domaine est plutôt dense. Une mission d’identification du potentiel touristique du pays et une caravane test en décembre 2023 ont jeté les bases de l’organisation en cours du secteur, misant sur l’exploration et la mise en valeur de l’important patrimoine touristique gabonais, qu’il soit naturel, culturel ou historique, tout en sensibilisant la population à l’enjeu sectoriel.

C’est en ce sens qu’une convention a été signée fin 2023 entre le ministère du Tourisme et de l’Artisanat avec l’ONG française Tourisme sans frontières, visant sous plusieurs formes l’implication des populations locales dans le développement touristique durable dans les provinces. Par ailleurs, une caravane touristique est prévue dans tout le pays en juillet 2024, en prélude à la mise en place de zones dites d’intérêt touristique (ZIT), créées par la Loi N° 034/2020 du 22/03/2021 portant réglementation du secteur tourisme en République gabonaise. L’Agatour, agence gabonaise de développement et de promotion du tourisme et de l’hôtellerie, a la charge de l’opérationnalisation de ces ZIT. Le gouvernement marque sa volonté de rendre les sites touristiques accessibles à la population locale.

La création de circuits touristiques par bateau de croisière est également en réflexion, afin de valoriser le potentiel des côtes gabonaises. Un partenariat pourrait être mis en place en ce sens avec la compagnie chypriote Swan Hellenic Cruise Ships qui propose déjà une escale gabonaise dans ses offres de croisière.

Luxury Green Resort (LGR), filiale du Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS) pour la promotion de la destination Gabon, a été créé en 2012 avec l’objectif de développer le tourisme dans les parcs nationaux. LGR veut faire du Gabon une des destinations privilégiées sur le segment de l’écotourisme en forêt pluviale. Œuvrant comme un fonds d’investissement sectoriel, LGR détient déjà deux structures hôtelières en dehors de Libreville (Pongara Lodge et Loango Lodge, situés respectivement dans le parc national de Pongara et dans la réserve de Wonga Wongué), ainsi que l’Hôtel de la Sablière dans la capitale. Avec un positionnement haut de gamme, LGR ambitionne de s’implanter dans d’autres parcs nationaux au Gabon, dont celui de La Lopé qui est d’ailleurs, avec celui de l’Ivindo, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Les infrastructures hôtelières détenues ou créées par LGR peuvent faire l’objet de concessions à des investisseurs gabonais ou étrangers qui seraient intéressés par l’exploitation et le développement des sites.

Dans le même ordre d’idées, l’Agence nationale des parcs nationaux du Gabon (ANPN) délivre directement des concessions dans les parcs nationaux aux investisseurs qui auraient la volonté de développer le potentiel touristique des sites au sein des parcs.

Les obstacles au développement sectoriel

Le coût de la destination reste élevé sur le marché international du tourisme. Au-delà du prix des billets d’avion pour se rendre au Gabon, l’enclavement de nombreux sites touristiques occasionne en effet des surcoûts opérationnels.

Le dénuement des sites à l’intérieur du pays freine le développement du secteur, les capacités hôtelières et de restauration y étant restreintes en nombre, créant des situations de quasi-monopole dans certaines régions, ce qui limite de facto l’application de tarifs concurrentiels. Dans les villes principales, l’offre est variée en qualité, mais reste limitée en quantité.

Une montée en gamme de l’offre de formation des employés du tourisme s’avère par ailleurs nécessaire afin de répondre aux objectifs sectoriels et répondre aux standards internationaux.

La question de la gestion des complexes hôteliers construits par l’État et progressivement abandonnés pour diverses raisons reste d’actualité, ainsi que le sort qui sera réservé aux hôtels du groupe Wali Hotels & Resorts, dont le Radisson Blue, en activité, et l’ancien Méridien Re-Ndama, à l’abandon. La question de la gouvernance sectorielle sera très certainement abordée dans le contexte de transition que traverse le Gabon, afin de sécuriser à suffisance les futurs projets touristiques. Le renforcement du cadre juridique des investissements, en dehors des parcs nationaux, pourrait également permettre une plus grande sécurisation de l’action des promoteurs du tourisme.

Enfin, les bailleurs sont pour l’instant peu impliqués au Gabon dans le secteur du tourisme. La Banque africaine de développement s’est récemment montrée disposée à financer des projets nationaux en vue de la redynamisation du secteur et un partenariat pourrait être signé prochainement en ce sens avec le ministère du Tourisme et de l’Artisanat.

Le dynamisme des initiatives privées

Les initiatives, qu’elles proviennent des sociétés d’État, de particuliers, d’ONG, d’entreprises locales, d’investisseurs étrangers ou issues des politiques RSE des sociétés du secteur extractif, engendrent un dynamisme sectoriel de plus en plus prégnant, que ce soit au sein des parcs nationaux ou en dehors.

Début août 2023, un accord de partenariat a été signé entre l’État gabonais (FGIS, FMCT, LGR) et le groupe Kasada, la plate-forme d’investissement dédiée au secteur hôtelier en Afrique. Créée avec le soutien de Qatar Investment Authority, le fonds souverain du Qatar, et le groupe Accor, Kasada est orientée vers l’ensemble des segments du secteur et cible autant des projets d’hôtels à construire que la reprise d’hôtels existants. En 2021, Kasada avait ainsi racheté un portefeuille de huit hôtels en Côte d’Ivoire, au Cameroun et au Sénégal. Au Gabon, dans le cadre du partenariat signé, le fonds de private equity interviendra dans l’identification, l’évaluation, la structuration et le pilotage de projets hôteliers, de leur conception à leur réalisation, en débutant par l’étude et la réalisation du complexe hôtelier prévu sur le site de la Baie des Rois. Ce projet s’inscrit dans la programmation d’aménagement urbain de la zone d’investissement spécial (ZIS) Baie des Rois et est piloté par la FMCT (Façade maritime du Champ triomphal), filiale du FGIS.

La contribution RSE des entreprises du secteur extractif directement en faveur du tourisme est encore timide et plutôt orientée vers la protection de la nature et de la biodiversité. Néanmoins, on retiendra la création en 2021 de la Fondation Lékédi Biodiversité par Comilog-Eramet, qui permet aux touristes de visiter le parc de la Lékédi à Bakoumba, structure créée dans les années 90 par l’opérateur minier, qui accueille des animaux victimes du braconnage et sensibilise les visiteurs aux enjeux de la biodiversité. TotalEnergies Gabon quant à elle, contribue financièrement à la mise en œuvre de plusieurs programmes initiés et pilotés par des ONG au Gabon, notamment dans les domaines de la recherche scientifique, de l’éducation environnementale et de la formation pour le développement du tourisme dans le parc national de La Lopé.

En mars dernier, Gabon Oil Company a manifesté son intérêt pour le développement du tourisme sur le site de Wonga Wongué, ancienne réserve présidentielle ouverte au public depuis janvier 2024, à proximité de l’un de ses champs en exploitation.

L’action globale des entreprises dans les provinces pour les besoins de leur exploitation forestière, minière ou pétrolière, favorise grandement le développement du tourisme de manière indirecte : entretien des routes forestières, aménagement de ponts, etc. Sans ces infrastructures, plusieurs zones du pays seraient en effet inaccessibles.

De nombreuses autres interventions visent à promouvoir la destination Gabon et à favoriser le tourisme en lien avec la préservation de l’environnement et la découverte de la biodiversité du pays, s’adaptant à la demande. La société gabonaise Koussou Voyages s’est ainsi diversifiée dans le voyage nature et d’aventure dans tout le pays, accompagnant régulièrement des journalistes pour des documentaires sur la nature ou des expéditions sportives. Sette Cama Adventures, repris récemment par un opérateur sud-africain, est spécialisé dans la pêche de loisirs. Ronda Tour, agence de voyages gabonaise, organise de courts séjours autour de Libreville (observation des baleines, visite de l’île Mbanié). En résumé, l’offre est relativement variée et adaptée au potentiel géographique de chaque zone exploitée.

Ces initiatives sont complétées indirectement par l’action des ONG de préservation de la nature qui, pour certaines, ont une vocation de développement du tourisme dans leur champ d’action, en fonction des financements obtenus. À travers les projets de recherches sur la biodiversité ou la préservation de la faune, des organismes internationaux tels que le Smithsonian Institute à Gamba ou le Max Planck Institut à Loango favorisent également le développement de sites touristiques à travers leur activité.

Des perspectives positives

Les initiatives récentes qui se succèdent tendent à donner une nouvelle dynamique sectorielle. Les projets sont nombreux et leur mise en œuvre pourrait se concrétiser à court et moyen terme, drainant des besoins importants : infrastructures énergétiques adaptées à l’environnement local, solutions «vertes» répondant aux injonctions du label écotouristique, formation des employés du secteur et infrastructures routières qui permettraient de désenclaver bon nombre de villages.

Dans le même temps, les efforts de promotion touristique s’accentuent et pourraient permettre à la destination Gabon de se faire une place non négligeable sur le marché international. 

Source : 2AD Consulting Newsletter mai 2024

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