L’ACTUALITÉ DES PAYS DE LA CEMAC

Alors que les économies d’Afrique centrale naviguent entre volatilité des matières premières et besoins de diversification, les pays de la Cemac affichent une volonté renouvelée de stimuler la croissance et de renforcer leur attractivité. Du Tchad, qui combine discipline budgétaire et ouverture commerciale, au Gabon, qui mise sur l’offshore pétrolier et une gestion financière rigoureuse, chaque État déploie des stratégies adaptées à ses forces et ses défis.

Tchad : entre resserrement budgétaire, accords commerciaux et dynamisme des exportations

Le Tchad semble amorcer une nouvelle dynamique économique alliant discipline budgétaire, ouverture commerciale et renforcement de ses secteurs exportateurs. Dans un contexte marqué par la volatilité des prix du pétrole et la nécessité de consolider les finances publiques, le gouvernement a lancé plusieurs mesures stratégiques visant à améliorer l’efficacité de son action et à stimuler la croissance économique.

Le resserrement budgétaire constitue la première étape de cette stratégie. Le gouvernement tchadien a annoncé une réduction significative de ses effectifs diplomatiques, incluant la fermeture de certaines ambassades et le rappel de diplomates, afin de réaliser des économies estimées à plus de 5 mds de F CFA. Cette initiative illustre la volonté des autorités de rationaliser les dépenses publiques et de concentrer les ressources sur les secteurs prioritaires pour le développement national. Au-delà de la simple économie, cette mesure permet de renforcer la discipline financière et d’envoyer un signal clair aux investisseurs sur la capacité du pays à gérer ses finances avec rigueur.

En parallèle, le Tchad mise sur l’ouverture commerciale pour stimuler son économie. La signature récente d’un accord d’exemption de visa avec le Bénin illustre cette approche pragmatique. Cet accord facilite l’accès au port de Cotonou, un point névralgique pour le commerce tchadien, et permet de réduire les délais et coûts liés aux formalités administratives. Il renforce ainsi la compétitivité du Tchad dans la sous-région et favorise le développement des échanges commerciaux transfrontaliers, un levier essentiel pour diversifier les sources de revenus de l’État.

Le pays tire également parti de la croissance de ses exportations. En 2024, les exportations de bétail ont bondi à 220 mds de F CFA, représentant 8 % des exportations totales, et s’imposent désormais comme la deuxième source de recettes d’exportation après le pétrole. Ce dynamisme traduit le potentiel du secteur agricole et de l’élevage comme moteurs de diversification économique. Il illustre également la capacité du Tchad à valoriser ses ressources naturelles locales et à sécuriser des revenus stables pour l’économie nationale. L’articulation de ces trois initiatives alliant rationalisation des dépenses, facilitation du commerce et dynamisation des exportations démontre une approche cohérente de développement économique.

Cette nouvelle approche place par ailleurs le Tchad sur une trajectoire où discipline budgétaire et croissance économique peuvent aller de pair, tout en renforçant sa présence régionale et son attractivité pour les investisseurs. Un package combinant rigueur et ouverture qui pourrait constituer un modèle pour d’autres économies africaines confrontées à des contraintes similaires, tout en donnant au Tchad les moyens de mieux gérer sa dépendance au pétrole et de bâtir une économie plus résiliente et diversifiée.

Guinée équatoriale : 24 blocs pétroliers et une approche sismique pour relancer la production et limiter le déclin naturel

La Guinée équatoriale met les bouchées doubles pour relancer son secteur pétrolier en déclin. Dans le cadre du cycle d’octroi de licences EG Ronda 2026, prévu d’avril à novembre 2026, le gouvernement propose 24 blocs d’exploration, dont 2 terrestres et 22 offshore. Cette initiative vise à attirer massivement les investisseurs étrangers et à inverser le déclin de la production nationale qui est tombée à 55 000 barils par jour en 2023, par rapport à 241 000 barils par jour en 2010, selon la revue statistique 2024 de l’Opep.

Pour préparer ce grand retour, la Guinée équatoriale a signé un accord de 60 millions de dollars avec la société britannique Searcher Seismic pour mener une campagne sismique offshore. Ce programme, qui combine relevés sismiques 2D et 3D ainsi que retraitement de données anciennes, permettra d’identifier les zones les plus prometteuses avant l’attribution des licences. Selon les autorités, il s’agit d’un signal clair de sérieux et de préparation, destiné à rassurer les majors sur la qualité des blocs mis en promotion.

Parmi les blocs les plus attractifs, EG-06 et EG-11, situés à proximité du champ de Zafiro, ont déjà suscité l’intérêt de grands groupes comme Chevron, Panoro Energy et Kosmos Energy. Chevron, pour sa part, a annoncé le développement du projet gazier Aseng, dans le bloc I du bassin de Douala, avec un investissement initial de 690 millions de dollars. L’objectif est d’assurer un approvisionnement régulier en gaz naturel liquéfié (GNL) destiné aux marchés internationaux tout en consolidant la présence du pays sur le marché énergétique.

La Guinée équatoriale ambitionne ainsi de devenir un hub gazier régional, une position qui pourrait placer le pays en concurrence directe avec le Gabon, également engagé dans le développement de ses infrastructures offshore et de son secteur gazier. Le projet EG-27 LNG, estimé à 4,5 mds de dollars, prévoit la production de 2,4 millions de tonnes métriques de GNL par an pendant 20 ans, en partenariat avec Afreximbank, et illustre la stratégie du pays pour attirer des capitaux et renforcer sa compétitivité régionale.

Le cycle EG Ronda 2026 sera lancé officiellement lors de l’African Energy Week 2025 à Cape Town où le gouvernement présentera l’ensemble des opportunités aux investisseurs internationaux. Transparence, sécurité juridique et préparation technique via la campagne sismique sont au cœur de cette démarche. La Guinée équatoriale espère ainsi redonner de la visibilité à son secteur pétrolier, séduire de nouveaux investisseurs et se positionner durablement comme un acteur incontournable de l’énergie en Afrique centrale.

Cameroun : 500 MDS de F CFA générés par le cacao au premier trimestre, des exportations en hausse et un déficit commercial réduit

Le Cameroun affiche une dynamique économique prometteuse, portée par des exportations en forte progression et un déficit commercial en nette réduction. Au premier trimestre 2025, les revenus générés par le cacao brut ont atteint 500 mds de F CFA, représentant près de 45 % des recettes d’exportation du pays. Cette performance s’explique par la hausse des prix mondiaux et une demande soutenue malgré des volumes relativement stables. Le cacao reste donc un moteur clé pour les finances publiques, contribuant à renforcer la stabilité économique et la capacité d’investissement de l’État.

Le déficit commercial, longtemps un point de tension pour l’économie camerounaise, a été ramené à 32,7 mds de F CFA, contre 273 mds de F CFA sur la même période en 2024. Cette amélioration de 88 % résulte d’une augmentation de 35,3 % des exportations qui ont atteint 1 118 mds de F CFA alors que les importations n’ont progressé que de 4,7 %, s’établissant à 1150 mds de F CFA. Ces chiffres traduisent l’efficacité des mesures gouvernementales visant à renforcer la compétitivité des secteurs exportateurs et à mieux contrôler les flux commerciaux. Parallèlement, le gouvernement vise une croissance économique comprise entre 4,5 % et 8,1 % d’ici 2030, en s’appuyant sur des investissements dans les infrastructures, l’agriculture et l’industrie. Cette stratégie vise à diversifier l’économie, réduire la dépendance aux matières premières et créer davantage d’emplois. Les initiatives incluent également le soutien à l’entrepreneuriat régional, notamment dans l’Extrême-Nord, où la Banque africaine de développement (BAD) a accordé un prêt de 136 millions d’euros pour stimuler l’activité économique et la création de PME.

Ces mesures reflètent une volonté de construire une économie plus résiliente, capable de capter de nouvelles opportunités tout en consolidant ses acquis. L’amélioration des exportations et la maîtrise du déficit commercial sont autant de signaux positifs pour les investisseurs et la communauté économique régionale. Si le Cameroun parvient à maintenir cette dynamique, le pays pourrait se positionner comme un acteur économique majeur en Afrique centrale, capable de soutenir une croissance durable et inclusive.

Centrafrique : potentiel forestier et perspectives de croissance

La République centrafricaine continue de chercher des leviers pour stimuler sa croissance économique, avec un accent particulier sur ses ressources naturelles et la structuration de ses secteurs clés. En 2025, la croissance du pays est estimée à 2,7 %, avec des perspectives de doublement à moyen terme si des réformes économiques et structurelles sont mises en œuvre, notamment dans l’approvisionnement en énergie, l’agro-industrie et le développement des services privés.

Le secteur forestier représente un pilier central de l’économie centrafricaine. En 2023, les exportations de bois ont généré 50 millions de dollars US alors que le potentiel réel aurait pu atteindre 120 millions de dollars US avec une meilleure organisation et une lutte efficace contre l’exploitation illégale. Le secteur emploie plus de 400 000 personnes et représente environ 13 % des exportations, confirmant son rôle stratégique dans la création de revenus et d’emplois. Pour maximiser ce potentiel, le pays met en œuvre des mesures visant à structurer davantage le secteur, attirer des investisseurs et renforcer la sécurité juridique des projets. Parallèlement, des efforts sont engagés pour développer l’énergie solaire et hydraulique, afin de sécuriser l’approvisionnement énergétique et de soutenir l’industrie locale. Cet ensemble d’initiatives prometteuses devrait contribuer à réduire la dépendance aux importations et à améliorer la compétitivité de l’économie.

L’approche adoptée combine valorisation des ressources locales, amélioration de l’infrastructure et réformes institutionnelles. Si la Centrafrique réussit à exploiter pleinement ses atouts forestiers et énergétiques, le pays pourra augmenter ses recettes d’exportation, stimuler l’emploi et créer un environnement économique plus stable. Cette trajectoire offre un cadre de croissance durable, même si cette dernière reste dépendante de la mise en œuvre efficace des réformes et de la sécurisation du climat des affaires.

Gabon : relance de l’offshore, stratégie économique et financement 2026

Le Gabon se positionne pour renforcer sa production pétrolière offshore tout en consolidant sa stratégie économique et financière pour 2026. Lors de l’African Energy Week à Cape Town, le ministre du Pétrole et du Gaz, Sosthène Nguema Nguema, a rappelé que le pétrole représente plus de 45 % du PIB et demeure un levier stratégique pour la croissance du pays. Face à la maturité des champs et au déclin progressif de la production depuis la fin des années 1990, le Gabon mise sur l’offshore profond et très profond pour inverser cette tendance, avec plusieurs découvertes récentes comme Bourdon DBM-1, Diaman, Leopard-1B, Ivela-1 et Boudji.

Le pays allie cette stratégie énergétique à une logique budgétaire rigoureuse pour 2026. Le projet de loi de finances (PLF 2026) s’inscrit dans une approche de budget base zéro, avec un objectif ambitieux de croissance du PIB de 7,9 %. Les plafonds des dépenses d’investissement par ministère sont fixés à 3 321,5 mds de F CFA, dont 3 204,5 mds destinés à des projets de développement prioritaires. Le financement repose sur un équilibre entre 60 % en monnaie locale, mobilisée via le marché financier régional, et 40 % en devises étrangères, en accord avec les partenaires internationaux, afin de préserver la soutenabilité de la dette. Cette stratégie vise à faire de l’investissement le moteur principal du développement, à renforcer la mobilisation des recettes et à préserver la crédibilité de l’État. Chaque dépense est désormais justifiée par son impact attendu, garantissant discipline et efficacité dans l’allocation des ressources publiques.

Sur le plan du climat des affaires, le Comité national économique et financier (CNEF) a souligné les dysfonctionnements persistants liés à la réglementation des changes. Les retards dans les transferts internationaux et les difficultés pour rapatrier les bénéfices constituent un frein à l’attractivité du pays pour les investisseurs. Le comité a recommandé à la BEAC de simplifier les procédures et d’assurer un approvisionnement régulier en devises dans les bureaux de change agréés, tout en renforçant parallèlement la lutte contre les réseaux illicites.

Le CNEF a par ailleurs salué les avancées législatives avec la future nomination d’un médiateur financier, l’élaboration de la stratégie nationale d’inclusion financière et l’adoption de deux lois visant à pénaliser le défaut de remboursement des crédits et à réserver les postes de direction des institutions financières aux Gabonais. Ces mesures renforcent la confiance des investisseurs et structurent un environnement économique plus sûr, complémentaire à la relance du secteur pétrolier offshore.

Congo : réformes fiscales et recours au marché régional, un double défi pour 2026

Le gouvernement congolais et les acteurs du secteur privé ont engagé le 30 septembre 2025 à Brazzaville un dialogue autour des orientations fiscales du projet de loi de finances 2026. Conduite par le ministre des Finances, du Budget et du Portefeuille public, Christian Yoka, et sa collègue des Petites et Moyennes entreprises et de l’Artisanat, Jacqueline Lydia Mikolo, cette rencontre illustre une nouvelle approche d’ouverture, deux semaines avant la présentation du texte au Parlement. L’objectif était de présenter les réformes envisagées et d’intégrer les propositions du monde des affaires afin d’élaborer un cadre fiscal plus adapté.

Au cœur de ces échanges figurent les nouvelles directives de la Cemac, que le Congo s’apprête à transposer. La réforme la plus marquante concerne la disparition de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), remplacé par quatre impôts distincts : sur les traitements et salaires, les revenus fonciers, les revenus des capitaux mobiliers et les bénéfices d’affaires. Inspirée du système comptable Ohada, cette refonte vise à simplifier le dispositif fiscal, à élargir l’assiette et à renforcer le civisme fiscal tout en mettant fin aux abus observés sous l’ancien régime. Le secteur privé a salué cette démarche participative, mais a formulé plusieurs recommandations, notamment l’adoption de contrôles fiscaux basés sur les risques, la révision des droits d’accise, la détaxation de certains produits et la généralisation de la télédéclaration.

Parallèlement à cette réforme fiscale, le Trésor public congolais a lancé le même jour une émission de bons du Trésor assimilables (BTA) d’un montant de 5 mds de F CFA et d’une durée de 26 semaines, arrivant à échéance le 2 avril 2026. Cette opération s’inscrit dans une stratégie de diversification des financements et de dynamisation du marché monétaire régional. Avec une dette intérieure estimée à plus de 1 106,5 mds de F CFA en 2025, soit près de 13 % du PIB, Brazzaville doit composer avec un niveau d’endettement élevé. Dans ce contexte, même un appel limité à l’épargne contribue à assurer la continuité du refinancement et à maintenir la confiance des investisseurs.

Entre réforme fiscale et gestion de la dette, le Congo aborde donc 2026 avec l’ambition de moderniser son système fiscal pour élargir ses recettes et préserver sa crédibilité financière sur le marché régional.

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