LE CTL : PILIER DU TOURISME AU GABON
Le Gabon a fait son entrée dans la « Gold List 2022 » du site Condé Nast Traveler en décembre 2021 qui signale le pays comme l’une des 22 meilleures destinations en 2022. La stratégie nationale du tourisme au Gabon repose sur six fondamentaux : rénover le cadre institutionnel et légal du tourisme et renforcer la gouvernance touristique au Gabon ; mettre en valeur les ressources humaines ; créer l’offre touristique et une marque forte de la destination ; garantir un financement pérenne ; créer des zones d’intérêt touristique ; développer les infrastructures et mettre aux normes les équipements touristiques. Tels sont les grands axes clairement définis qui entrent en parfaite adéquation avec le PAT. Les études prouvent que si le Gabon investit dans l’écotourisme autant qu’il l’a fait dans le secteur pétrolier, il pourrait potentiellement connaître un succès plus important et plus durable à long terme, de l’ordre de 3 % du PIB.
Créé en 2018, le Club tourisme de Libreville (CTL) a pour vocation initiale de réunir l’ensemble des professionnels du tourisme, quel que soit le secteur concerné : hôtellerie, restauration, loisirs, etc. Le fondamental de ce club réside dans l’échange entre les opérateurs et le Gouvernement avec pour dénominateur commun le développement du tourisme. Cela nécessite de s’appuyer sur des lois qui régissent le domaine dans tous ses aspects. Créer un écosystème, travailler avec et pour le respect de l’environnement et des populations locales, promouvoir le Gabon et ses richesses, élargir l’économie circulaire sont autant de valeurs centralisées par le CTL. Madame Jocelyne Halajko, propriétaire de l’hôtel Nomad à Libreville, est aussi présidente élue du Club tourisme de Libreville. Comment traiter un sujet sur le tourisme sans aller l’interroger ? Nous la remercions de nous avoir reçus.
EE : Madame la Présidente, quelles sont les avancées notables que vous retenez depuis votre prise de fonction au CTL ?
Depuis ma prise de fonction en janvier 2019, nous avons réussi à créer une véritable solidarité entre les membres du CTL. Avant 2018, nous ne nous fréquentions pas et fonctionnions en vase clos. Mais aujourd’hui, la donne a changé, nous avons réellement créé un réseau de networking. Nous parlons d’une même voix et sommes à présent identifiés comme un interlocuteur de poids vis-à[1]vis des pouvoirs publics. Ce secteur a besoin de plus de visibilité pour réussir à sensibiliser un maximum d’acteurs ainsi que le grand public. La transversalité du tourisme touche en effet de multiples secteurs d’activités. L’impact de leur développement entraînerait une répercussion socioéconomique favorable non négligeable sur le pays.
EE : Si vous deviez mesurer la qualité de vos relations avec votre ministère de tutelle, comment l’exprimeriez-vous ? Selon vous, votre collaboration est-elle fructueuse, pourrait-elle l’être davantage ? Êtes-vous sollicitée pour des prises de décision, de position ?
Le CTL entretient des relations naturellement bonnes avec son ministère de tutelle. Une synergie bilatérale est essentielle pour que les objectifs visés respectivement soient atteints.
Cependant, il nous semble très opportun d’être davantage impliqués à l’avenir, notamment dans l’organisation de grands événements. Nous serions à même de collaborer et de contribuer à une organisation plus efficiente si nos propositions étaient prises en compte.
Par ailleurs, il s’avère que nos avis ne sont pas validés malgré une consultation. À titre d’exemple, en octobre 2019, nous avons été sollicités sur la nouvelle loi à l’Assemblée nationale. Nous avons élaboré et proposé un mémorandum portant sur 9 points litigieux qui n’a fait l’objet d’aucun retour.
Dans les grandes lignes, il s’agit :
1– Du principe de la libre concurrence : libéralisation des prix, fin de l’homologation des prix/affichage des prix ;
2– De la classification : classification obligatoire des hôtels et des restaurants par un organisme privé habilité.
3– Des titres administratifs dépendant de la compétence du guichet unique pour plus de flexibilité.
4– Des travaux et infrastructures. Ils doivent ressortir de la compétence du ministère chargé de l’Urbanisme et de la compétence du guichet unique dans ses modalités d’exécution.
5– Des autorisations d’ouverture d’établissement en conformité avec les engagements de la Charte nationale du tourisme.
6– De l’emploi et de la main d’œuvre : facilitation des autorisations d’emploi pour les étrangers, pour les postes de travail non pourvus au Gabon, renforcement des capacités du personnel local.
7– Des exonérations fiscalo-douanières : mesures incitatives cardinales retenues lors des Rencontres nationales du tourisme dédiées à la validation de la stratégie nationale du tourisme.
8– De la TVA à 5 % : mesure incitative cardinale retenue lors des Rencontres nationales du tourisme.
9– Des innovations proposées : création d’un guichet unique centralisateur de toutes les démarches administratives, création d’un fonds de garantie, d’une école de tourisme.
Nous sommes dans l’attente des décrets et gardons l’espoir qu’ils retiennent l’attention. Par conséquent, oui les issues de nos relations sont fructueuses, mais irrégulières. Les bases d’une coopération existent et la volonté d’avancer ensemble est incontestable depuis que nous avons un ministère dédié exclusivement au tourisme. Nous sommes persuadés que les relations public-privé sont amenées à être renforcées parce que ce sont les privés qui gèrent le tourisme. Un exemple récent : grâce à la contribution et à la participation du réseau CTL, notamment avec le soutien de Trans’Akanda, des enfants des écoles du Grand-Libreville sont invités à visiter le pavillon Gabon de l’exposition universelle de Dubaï implanté à la Baie des Rois. C’est une première approche qui a pour objectif de sensibiliser les enfants en leur faisant prendre conscience des immenses richesses naturelles du Gabon. La faune composée notamment d’éléphants, de baleines, de gorilles et une forêt riche d’espèces rares, etc. sont autant d’atouts d’une valeur inestimable. Ils sont davantage valorisés, vantés par les étrangers internationaux que par les Gabonais. Nous souhaitons inverser la tendance en incitant les nationavrir leur pays.
EE : Votre secteur a été particulièrement touché par la pandémie de covid-19. De quelle façon ? Quelles ont été vos actions pour défendre vos adhérents et quels sont les résultats de vos démarches ?
La pandémie de covid-19 a causé de nombreuses pertes en vies humaines, mais aussi la disparition de structures qui n’ont pas réussi à tenir le choc ! Sans réel accompagnement, les opérateurs ont dû se battre seuls pour survivre et bon nombre ont mis la clé sous la porte.
Nous avons obtenu quelques moratoires de payement avec la CNSS, la CNAMGS, la SEEG ou les impôts, mais aucun allègement des charges pour compenser les longs mois de fermeture imposés durant lesquels nous avons tous tenté de respecter les recommandations du chef de l’État : ne pas licencier.
Nous avons aussi tenté de modérer les relations avec les créanciers. Cela dit, la pandémie a permis de gonfler l’effectif du Club. L’union faisant la force, beaucoup ont espéré recevoir des indemnisations par le biais de notre association. Malgré nos efforts, nous n’avons rien obtenu.
EE : Aujourd’hui, combien le CTL compte-t-il de membres ? Outre l’hôtellerie, la restauration, quels autres corps de métier adhèrent au CTL ?
Aujourd’hui, le CTL compte environ 80 membres parmi lesquels, outre des hôtels et des restaurants, l’aéroport de Libreville, des compagnies aériennes, des agences de voyages et des agences d’événementielles, des centres de loisirs, des compagnies de transport, des écoles de formation professionnelle ainsi que le collectif des établissements de nuit. Tous ces opérateurs sont motivés par le même objectif : développer le tourisme au Gabon en améliorant l’offre touristique.
EE : Existe-t-il un office du tourisme au Gabon ?
Non, mais il existe une autre institution chargée des mêmes missions qu’un office national du tourisme. Il s’agit de l’Agence gabonaise de développement et de promotion du tourisme et de l’hôtellerie (Agatour). Son rôle est effectivement d’accompagner les opérateurs dans le développement et la promotion du tourisme en territoire gabonais.
Cependant, en juillet 2019, lors des rencontres nationales du tourisme, la création d’offices de tourisme a été prévue. Ces structures autonomes, une dans chaque province, seront placées sous la tutelle des conseils locaux et fédéreront l’ensemble des acteurs au niveau local. Avec les administrations compétentes, nous apporterons notre contribution, notre expérience nécessaire au bon fonctionnement de ces offices de tourisme.
C’est aussi pour cette raison que le CTL est appelé à devenir le CTG – Club tourisme du Gabon – pour pouvoir fédérer dans les neuf provinces du pays.
EE : Quels sont vos rapports avec la FEG (Fédération des entreprises du Gabon) ?
La FEG nous a contactés. À la suite d’une réunion de travail au cours de laquelle ses représentants ont expliqué le nouveau mode de fonctionnement de cette institution, nous avons décidé de devenir membres à titre collectif. « Ensemble, on est plus fort et on va plus loin. » Cette devise nous convient parfaitement. Nous ne doutons pas de leur volonté d’intégrer le secteur du tourisme dans leurs démarches. Ils sont conscients et convaincus du potentiel exponentiel du développement économique de ce secteur.
EE : Quels sont vos objectifs ?
Plaidoyer sur la réduction de la TVA ; rétablir un équilibre financier, car le secteur est dévasté ; contribuer à la consolidation de l’offre touristique ; créer un site web CTL ; participer au développement du tourisme local en créant des offres préférentielles pour les Gabonais, par exemple la visite des monts de Cristal avec Molbo tours ; mettre en place un bon système de formation professionnelle : un partenariat est en cours dans le cadre du Prodece (projet de développement de compétences), des formations sont dispensées, mais nécessitent d’être affinées ; travailler également à davantage de logique dans les contrôles, quels qu’ils soient : l’Agasa (Agence gabonaise de sécurité alimentaire) est un organisme officiel, légalisé et compétent chargé de superviser tous les contrôles d’hygiène sanitaire. Les agents professionnels remplissent leur rôle et mènent leurs missions dans les règles, ce qui nous convient parfaitement. En conséquence, nous estimons que les contrôles intempestifs de la mairie, du ministère de la Santé, de l’Agriculture, etc. sont abusifs ; continuer à travailler avec les autorités pour une entrée plus facile, mais contrôlée des touristes. En cela, le e.visa est une bonne avancée. Avant la pandémie, ce service était remarquablement efficace. Aujourd’hui, il faut le réactiver et ouvrir plus facilement les portes du Gabon. Pour cela, il faudrait une annonce officielle de la levée des mesures covid ; organiser un « stand Gabon » pour les salons afin d’offrir au Gabon une meilleure visibilité à l’international et travailler le sujet en synergie avec la tutelle et toutes les parties prenantes. L’exemple du pavillon créé pour l’exposition universelle de Dubaï, démontable et remontable, aujourd’hui visible à la Baie des Rois, pourrait être un bon support ; réussir à obtenir un accompagnement de l’État et des banques par l’obtention de crédits à taux réduits.
EE Souhaitez-vous ajouter une information ?
Juste une précision : le CTL n’est pas un syndicat, mais un club composé de professionnels du tourisme issus du secteur privé.
LE TOURISME EST-IL UN LEVIER DE CROISSANCE SOUS-ESTIMÉ ?
Le tourisme dans le monde selon WTTC, le Conseil mondial du voyage et du tourisme. La contribution du secteur des voyages et du tourisme au PIB mondial atteindra probablement 8,6 billions de dollars en 2022. Le tourisme est un puissant vecteur de croissance économique et de création d’emploi à travers le monde. Cependant, sa contribution au PIB mondial pourrait n’atteindre que 6,4 % en 2023 par rapport au niveau d’avant covid.
En 2019, avant que ne frappe la pandémie, le secteur des voyages et du tourisme a généré près de 9,2 billions de dollars pour l’économie mondiale. Mais en 2020, la pandémie a entraîné un arrêt presque complet du secteur et provoqué une chute massive de 49,1 %, représentant une perte considérable de près de 4,5 billions de dollars.
Les recherches du WTTC montrent que la contribution du secteur pourrait atteindre plus de 330 millions d’emplois au niveau mondial, soit 1 % en dessous des niveaux d’avant la pandémie et en hausse de 21,5 % par rapport à 2020, ce qui représente 58 millions d’emplois supplémentaires.