LA DETTE AFRICAINE ATTEINT UNE PHASE DE STABILISATION, MAIS A QUEL PRIX ?
Antonio David, chef de division adjoint au département Afrique du FMI, présente des perspectives régionales encourageantes pour l’Afrique avec une stabilisation de la dette publique, bien que le coût élevé de celle-ci reste une préoccupation. Pour un quart des pays, le service de la dette dépasse 20 % des recettes fiscales, générant des tensions budgétaires.
Il s’agit d’un bilan mi-figue, mi-raisin pour l’Afrique subsaharienne. On observe depuis avril 2024 des perspectives économiques qui nécessitent des ajustements de politique économique pour qu’elles commencent à porter leurs fruits : certains déséquilibres, comme l’inflation, diminuent dans de nombreux pays. Environ la moitié des États ont réussi à stabiliser leurs taux d’inflation à des niveaux plus raisonnables. En 2023, deux tiers des pays ont pris des mesures pour assainir leurs finances publiques, renforçant leurs budgets.
Nous prévoyons une croissance économique de 4,4 % en 2025. Grâce à ces efforts, la dette a cessé d’augmenter, se maintenant autour de 58 % du PIB. Cette stabilisation est un signe encourageant, même si elle reste élevée. Certains pays, comme le Cameroun, ont pu accéder au marché des euro-obligations. Les déficits courants se sont également légèrement améliorés, passant de 4,2 % à 4,3 % du PIB en 2024. Cependant, des défis persistent, notamment dans des économies diversifiées comme l’Angola, l’Algérie et l’Éthiopie, où l’inflation reste à deux chiffres.
En outre, le ratio moyen des intérêts de la dette sur les recettes fiscales atteint 12 % en Afrique, mais il dépasse 20 % dans certains pays, signalant des difficultés budgétaires accrues. Les réserves de devises étrangères, souvent insuffisantes, couvrent moins de trois mois d’importations dans plusieurs pays.
En 2025, nous espérons une croissance de 4,4 %, légèrement supérieure à celle de 2024, mais encore insuffisante pour réduire significativement la pauvreté ou rattraper les économies émergentes. Un ajustement budgétaire de 0,6 % du PIB est également attendu, avec une hausse des recettes fiscales et des dépenses mieux maîtrisées.
Ces prévisions restent toutefois soumises à des risques comme les tensions sociales, les catastrophes naturelles, les fluctuations financières mondiales et à des problématiques de santé publique, notamment la pandémie de mpox.
Mais le retour des pays africains sur le marché des euro-obligations reflète un climat financier mondial plus favorable et les efforts des gouvernements pour stabiliser leur économie. Cependant, si les taux d’emprunt ont baissé, ils restent plus élevés qu’auparavant, souvent supérieurs à 10 % pour certains pays, alors que la moyenne historique se situait autour de 7 %.
Le FMI continue de jouer un rôle essentiel en tant que source de financement d’urgence, avec trois axes d’accompagnement : des conseils économiques, des financements directs et le renforcement des capacités. Des études montrent que la transparence des données financières peut permettre aux pays de bénéficier de financements à des taux plus avantageux.
Le modèle ivoirien peut être une source d’inspiration pour la sous-région. La Côte d’Ivoire démontre l’importance de politiques économiques prudentes. Depuis la crise de la covid-19 et celle de la guerre en Ukraine, le pays a réduit son déficit budgétaire et vise un objectif régional de 3 % du PIB d’ici 2025. Le succès ivoirien repose aussi sur une réforme fiscale soutenue par le FMI, qui vise à simplifier les impôts et à élargir l’assiette fiscale, améliorant ainsi la gestion de la dette. Des efforts pour renforcer le climat des affaires, lutter contre la corruption, et investir dans l’éducation et la santé font également partie des facteurs de réussite.