FINANCE, MINES, AGROBUSINESS… CES DIRIGEANTES QUI ONT REUSSI A BRISER LE PLAFOND DE VERRE
De Dakar à Lagos en passant par Johannesburg, trois dirigeantes africaines d’entreprises ont gravi les échelons. D’après Sandra Sancier-Sultan, senior partner chez McKinsey et autrice de l’étude Women Matter, « les femmes sont tout aussi ambitieuses que les hommes. Seulement, elles sont beaucoup moins confiantes ». Qu’est-ce qui permet aux femmes de s’imposer dans le monde du travail ? Comment devenir incontournable dans ce monde aux codes masculins ? Qu’est-ce qui construit la légitimité d’une femme dirigeante ? Ces questions, de nombreuses femmes se les posent au quotidien. Pour comprendre ce qui permet de briser le plafond de verre, trois d’entre elles ont diffusé des témoignages et des conseils.
Un monde d’hommes
Un point commun d’abord. Une ambition sans faille est à la source du succès de ces femmes africaines devenues dirigeantes. « Il faut se souvenir d’une chose : les femmes sont tout aussi ambitieuses que les hommes. Seulement, elles sont beaucoup moins confiantes. Quand on demande aux femmes cadres si elles parviendront un jour à briguer un poste de direction, 58 % d’entre elles seulement répondent positivement, contre 76 % d’hommes », rappelle Sandra Sancier-Sultan, senior partner chez McKinsey et autrice de l’étude Women Matter parue en 2016.
Pour certaines, ce manque d’assurance a été compensé par la patience. « À chaque fois que je me positionnais sur un poste de direction, un homme prenait la place. Jusqu’au jour où j’ai pu prendre celle de l’un d’eux, qui n’avait pas atteint ses objectifs », se rappelle la Nigériane Oluwatoyin Sanni, ex-PDG de United Capital Plc, une société d’investissement nigériane. La cheffe d’entreprise est désormais à la tête d’Emerging Africa Group, une fintech qu’elle a fondée pour faciliter l’investissement pour les petites entreprises continentales.
Parfois, c’est le soutien d’un homme qui rend la confiance possible. Et pourtant, comme Oluwatoyin Sanni, Anta Babacar Ngom Diack, directrice du groupe d’agrobusiness Sedima à Dakar, se rappelle « avoir grandi dans un monde d’hommes ». À la différence près que son père – fondateur de la société Sedima – l’a d’abord perçue comme son enfant plutôt que comme une fille. « Il a même investi plus pour mes études que pour celles de mes frères », remarque la jeune dirigeante de 39 ans, diplômée de l’université Paris-Dauphine et titulaire d’un MBA de Sciences Po.
Défier les stéréotypes
Pour d’autres, il a fallu s’adapter, quitte à se construire un personnage. « À 29 ans, j’étais à la tête d’une équipe commerciale composée uniquement d’hommes plus âgés que moi », se rappelle une dirigeante du secteur de l’enseignement supérieur privé, « j’ai donc essayé de masculiniser mon apparence en portant davantage de tailleurs ». Surtout, elle confie avoir fait appel à du coaching professionnel pour apprendre à asseoir sa crédibilité. Daphné Mashile-Nkosi semble, en revanche, ne jamais avoir douté. En tout cas, elle n’a pas attendu les résultats d’une étude sur la mixité pour imposer son leadership dans un secteur particulièrement masculin, celui de l’extraction minière. « J’ai décidé de travailler dans ce secteur, car je voulais défier les stéréotypes. J’étais tous les jours confrontée à un groupe d’hommes qui ne m’accordait aucune confiance. » De quoi forger sa résilience et la transformer en militantisme. « Je me suis dit que si j’échouais, ce serait l’échec de toutes les femmes d’Afrique. Je l’ai donc aussi fait pour ouvrir des portes aux générations futures », résume celle qui, à plus de 60 ans, est à la tête de l’entreprise sud-africaine Kalagadi Manganese. Celles qui ont réussi ont conscience qu’il leur faut désormais incarner un rôle de modèle. « J’ai grandi dans un environnement où il y avait peu de femmes auxquelles l’on pouvait se référer. Aujourd’hui, j’écris des livres pour pallier cela », conclut Oluwatoyin Sanni.
Aménagements
Ces dirigeantes africaines tentent à leur tour de rendre la vie des femmes et leur ascension plus aisée dans le monde professionnel. Chez Sedima, Anta Babacar Ngom Diack est parvenue à installer une crèche au sein même des locaux de l’entreprise. « Nous fonctionnons aussi sous forme de coaching, pour permettre aux femmes de s’affirmer et leur apprendre à ne pas se sentir coupables de tomber enceintes et de prendre un congé maternité », explique la directrice générale.
Lorsqu’elle dirigeait United Capital Plc, Oluwatoyin Sanni affirme qu’elle acceptait un aménagement des horaires pour les femmes qui souhaitaient rentrer plus tôt chez elles et accordait des congés maternité plus longs que ce qui se pratique habituellement au Nigéria.
Source : Jeune Afrique