CHINE ET AFRIQUE, UN NOUVEAU PACTE SOCIO-ÉCONOMIQUE ET DES DESTINS LIÉS

Du 4 au 6 septembre se tenait à Beijing le Forum sur la coopération Chine-Afrique 2024 (Focac). Les chefs d’État et ministres de 53 pays africains étaient présents, tous portés par l’ambition de redynamiser la coopération sino-africaine. Portées par la volonté de promouvoir une plateforme efficace pour la coopération Sud-Sud et une intégration renforcée, les deux parties ont opté pour un plan d’action centré sur la modernisation et la construction d’une communauté de destin sino-africaine. Après les résultats pour le moins mitigés des routes de la soie, qui ont mené l’empire du Milieu à réviser sa copie et Xi Jinping à revoir ses ambitions africaines à la baisse, comme nous l’évoquions en avril dernier, il était question pour les deux parties de redéfinir leur pacte socio-économique, voire culturel, leurs ambitions mutuelles.

L’approche de la Chine vis-à-vis du continent africain a toujours été dynamique, évolutive. Dans les années 90, elle cherchait essentiellement à établir des relations diplomatiques par le biais d’une stratégie fondée sur le respect de la souveraineté nationale et la non-ingérence dans les affaires intérieures. Au début des années 2000, la Chine a intensifié ses investissements sur le continent, notamment dans les infrastructures, les mines et l’énergie, avec des actions et un discours portés sur la promotion de la coopération économique entre pays en développement. La création en 2006 du Forum de coopération Chine-Afrique en a été la résultante. L’empire du Milieu a promis des prêts, des dons et des investissements.

De cette initiative ont émergé, début 2010, les routes de la soie. Ces dernières se traduisent par l’intégration de projets africains dans cette stratégie globale visant à créer des corridors économiques et des infrastructures. Le plan d’action de Johannesburg concrétise cette ambition : 60 mds de dollars US d’investissements et de financements en faveur du développement du continent, et un soutien accru à l’industrialisation et à la modernisation de secteurs divers. Des pays comme l’Éthiopie ont vu leurs infrastructures se développer. La Chine y a investi massivement dans les routes, les chemins de fer et les zones industrielles, tout comme en Angola, au Nigéria ou en RDC qui a reçu des investissements colossaux dans le secteur minier, notamment pour le cuivre et le cobalt.

Résilience et durabilité, la Chine adapte sa stratégie au contexte

D’une simple diplomatie, l’approche chinoise a donc progressivement migré vers une approche intégrée englobant commerce, investissement et coopération au développement. Cependant, début 2020, l’Empire réduit la voilure. Il passe de plus de 170 mds de dollars US de prêts souverains à destination du continent à 994 millions de dollars, soit près de 100  % de prêts en moins. La raison principale? Une volonté d’adapter sa stratégie aux préoccupations environnementales, mais également une réaction face à des crises comme celle de la covid-19, l’envoi d’aides et de vaccins visant également à renforcer les liens. Ce reprofilage de la stratégie chinoise en Afrique a d’ailleurs été renforcé ces dernières semaines au dernier Focac qui s’est déroulé à Beijing. 

Un cadre d’échanges autour des Brics

Face aux priorités post-covid-19 des gouvernements africains et à la montée de tensions à travers le monde, la Chine a décidé de s’aligner derrière son bloc. Bien qu’elle mette en avant une volonté de renforcer les liens sino-africains à travers des initiatives concrètes, notamment dans les infrastructures, la santé, l’agriculture, la formation professionnelle, le soutien à l’industrialisation et à la modernisation, l’objectif de ce Focac 2024 était bien d’inviter les nations africaines à rejoindre la «coalition» des 51 mds de dollars promis dès 2025 et qui intègrent des lignes de crédit, de l’aide et des investissements directs à l’image des 2,5 mds de dollars US annoncés pour le financement, la construction et l’exploitation d’un barrage hydroélectrique de 600 MW à Booué, avec construction d’un ou plusieurs réseaux de lignes de transport électriques.

Bien qu’elle reste engagée sur le continent avec la poursuite de la mise en œuvre des «Neuf projets» et du plan d’action de Dakar (2022-2024), la Chine qui a réaffirmé sa volonté de ne pas conditionner son aide à des exigences politiques, entend offrir au continent, à travers les Brics, une plateforme pour revendiquer une voix plus forte sur la scène internationale tout en poursuivant des objectifs de développement autonome et durable. On est donc dans une approche encore plus dynamique, d’autant que la génération Z, qu’elle entend soutenir à travers diverses formations, porte ces enjeux. Plus que jamais orientée vers des domaines stratégiques tels que l’industrialisation, les infrastructures et la santé, la Chine, qui met l’accent sur la connectivité et l’intégration régionale, ambitionne donc un peu plus de s’aligner sur les priorités de développement du continent. 

10 initiatives multisectorielles stimuleront la coopération

Les 10 initiatives à venir, englobant des domaines variés comme l’apprentissage mutuel, le commerce, la chaîne industrielle, l’agriculture et la sécurité, outre l’importance désormais accordée à la coopération en matière de développement vert et d’adaptation au changement climatique, pourraient complètement bouleverser les échanges entre la Chine et le continent africain. Les programmes éducatifs et les échanges culturels prévus, incluant la création de centres de formation et des initiatives pour autonomiser les femmes et les jeunes, pourraient provoquer une intensification dans les années à venir. Un soutien fort est une nouvelle fois annoncé pour les projets d’infrastructures et d’intégration économique en Afrique, incluant la construction de routes et de parcs industriels ainsi que la connectivité financière.

En matière de santé publique, de sécurité alimentaire et de développement agricole, trois domaines dans lesquels le continent Africain est à la peine, des initiatives spécifiques sont également prévues. La Chine manifeste une attention particulière aux besoins fondamentaux des pays africains. Toutes ces ambitions démontrent la stratégie de la Chine visant à renforcer son influence en Afrique tout en contribuant au développement du continent. Le partenariat proposé au terme de ce Focac 2024 se veut multidimensionnel et axé sur des résultats tangibles. Le renforcement des liens économiques, culturels et sociaux entre la Chine et les pays africains a été érigé en priorité. La montée en puissance des Brics, dont la Chine est le maillon fort, et qui permet aux pays africains de diversifier leurs relations internationales tout en renforçant leurs liens avec les puissances émergentes, est un atout!

La coopération avec la Chine dans le cadre des Brics pourrait ainsi offrir aux pays africains des opportunités d’accéder à des ressources et à des marchés plus vastes. Au regard de cet ensemble d’éléments, on peut s’attendre à une explosion des financements chinois en Afrique, surtout si les initiatives mises en avant lors du Focac 2024 se concrétisent et si les pays africains répondent favorablement à ces propositions. Cette dynamique pourrait renforcer les relations sino-africaines et devrait contribuer au développement économique du continent à moyen et long terme. Toute chose qui confirme l’analyste de Global China Initiative qui constatait il y a quelques mois l’émergence d’une «véritable refonte de la coopération entre la Chine et l’Afrique», «les acteurs chinois semblant moins se concentrer sur les prêts et le financement que sur une diversification des axes de coopération, par le biais du commerce et des investissements».

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