La place du plastique en Afrique : En recycle-t-elle autant qu’elle en consomme ?
Sur 430 millions de tonnes de plastique produites chaque année dans le monde, 19 à 23 sont rejetées dans les cours d’eau et les océans. La crise du plastique et de ses dérivés semble ne connaître aucune limite. En 2021, une étude publiée par WWF South Africa démontrait que 79 % du plastique mondial étaient tout simplement jetés, alors que seulement 9 % étaient recyclés et 12 % incinérés. Les systèmes de recyclage en place ne peuvent pas tenir la cadence et l'Afrique en subit les conséquences.
Pourtant, l’Afrique ne produit que 7 % des plastiques mondiaux et n’en consomme que 4 %. Alors, pourquoi est-elle désormais la plaque tournante des déchets plastiques ?
Tout simplement parce que depuis que la Chine a fermé ses portes au plastique venant des pays occidentaux et que plusieurs pays d’Asie lui ont ensuite emboîté le pas, les gros pays consommateurs ont décidé de jeter leur dévolu sur l’Afrique.
Malheureusement, le continent ne possède pas les technologies nécessaires au traitement et au reconditionnement de ces déchets. Mais 80 à 100 millions de tonnes du plastique présent en Afrique sont aussi le résultat d’un consumérisme et d’une urbanisation en constante évolution sur le continent noir. Difficile dans ces conditions de protéger l’environnement et la santé des populations locales.
D’ici 2030, les importations de plastique auront doublé en Afrique du Sud, en Tunisie, au Maroc, en Égypte et au Nigéria (qui en produit déjà 4,7 millions de tonnes par an). Les conséquences n’en seront que plus néfastes. La pollution plastique n’affecte pas seulement les écosystèmes marins et terrestres, mais aussi les êtres humains. Le plastique peut contaminer les sources d’eau douce et les nappes phréatiques, mais aussi causer des problèmes respiratoires.
Cependant, les États africains ne restent pas sans réagir face à cette situation et plusieurs initiatives ont déjà été prises à travers le continent. On peut citer l’Afrique du Sud en figure de proue : la nation arc-en-ciel se démarque grâce à ses infrastructures de recyclage et de collecte, et ses campagnes de sensibilisation auprès des populations locales. Les résultats parlent d’eux-mêmes : en 2020, 70 % des déchets plastiques ont été collectés, dont 45 % traités en décharge ou incinérés et 14 % recyclés. Depuis que le Rwanda a pris la décision d’interdire les sacs plastiques à usage unique en 2008, une trentaine d’États africains ont décidé de suivre cet exemple. Plus de 71 entreprises de recyclage de plastique sont installées en Afrique. Le Nigéria et l’Afrique du Sud se distinguent tout particulièrement. La société civile n’est pas en reste quand il s’agit d’actions solidaires. Au Kenya, une association de ramasseurs d’ordures a vu le jour dont les membres collectent jusqu’à 60 % des déchets qui sont ensuite recyclés. Au Rwanda, chaque dernier samedi de chaque mois, les communautés prennent part à un nettoyage communautaire national nommé « Umuganda ». Au Burkina Faso, la coopérative Yamba-Det recycle le plastique apporté par les populations locales afin de le faire fondre avant de le transformer en bancs, en tables, en tuiles, etc. En Gambie, la militante et entrepreneuse sociale Isatou Ceesay utilise son ONG One Plastic Bag in the Gambia afin d’éduquer les enfants quant à l’importance de préserver notre environnement et de lutter contre le plastique, tout en apprenant aux femmes comment recycler ce dernier sous la forme de pochettes, sacs ou porte-clés afin de générer un revenu. NAMé Recycling, une société belgo-
camerounaise fondée en 2016, est devenue le leader du recyclage plastique au Cameroun avec ses deux usines et son réseau couvrant l’ensemble du territoire. Depuis 2019, elle travaille en tandem avec la Sobraga.
Les bouteilles collectées au Gabon sont recyclées au Cameroun avant d’être transformées en matière première secondaire, passant ainsi de matière secondaire à matière première.
Au Gabon, les activités informelles et gouvernementales visant la collecte de plastique et son recyclage ont le vent en poupe. Cela va du particulier gardant toutes ses bouteilles afin de les revendre à la marchande de lait caillé du coin aux petites associations qui nettoient leur rue deux à trois fois par mois. La Sobraga s’implique aussi dans de nombreux projets à but écologique : installation de bacs de tri, jeux-concours sur Facebook favorisant la collecte de bouteilles plastique à une échelle citoyenne, défis visant les établissements scolaires, tournois sportifs comprenant un volet recyclage, don de matériel aux associations pour encourager le nettoyage du littoral, etc. Ce sont un peu plus d’une trentaine de tonnes de bouteilles en plastique qui sont ainsi collectées et transformées chaque mois. Vivo Energy Gabon s’associe très souvent avec diverses associations afin de les épauler (notamment l’association des Amis de la Lowé qui s’implique dans la reforestation de la mangrove) et organise des événements ludiques dans les écoles (par exemple avec le collège
Bessieux lors de la journée internationale de la Terre) mettant en avant des programmes qui entrent dans le cadre de l’écocitoyenneté et du développement durable.
Dans certains quartiers, des jeunes investissent dans l’achat d’une poubelle afin de récolter les déchets de leurs voisins avant d’aller eux-mêmes les déposer à la décharge. Un business plutôt rentable puisque certains réussissent même à investir dans un tricycle motorisé avec remorque. L’influenceuse Créol a organisé des séances de nettoyage des plages à plusieurs reprises avec ses abonnés et en partenariat avec Ecomob. Ce groupe créé par l’Organisation internationale de la francophonie est impliqué dans de nombreuses initiatives et autres rencontres écologiques dans toutes les communes de Libreville. Par ailleurs, saviez-vous que le Gabon avait sa propre Miss Public Environment ? Luce Nicha Djaba Bamoissi est la face officielle d’un avenir plus vert pour notre pays !
Cette année s’est également tenue la seconde édition du « Challenge bouteilles plastiques », un concours poussant les citoyens à collecter les bouteilles en plastique transparent (PET) afin de viser le titre de « meilleur collecteur ». En 2022, le succès a été plus que retentissant avec plus de 4 millions de bouteilles recueillies. 4 millions de bouteilles qui ont été acheminées jusqu’à la ZIS de Nkok afin d’être recyclées par Jia Ming Plastics, première usine de recyclage de déchets plastiques au Gabon. Inaugurée en 2021, cette usine s'engage dans la lutte contre la pollution en visant les 600 tonnes de plastique recyclé par mois. Ce dernier est transformé en bouteilles PET* et en feuillards utilisés dans l'industrie forestière afin d'emballer le bois à l'export, réduisant ainsi l'empreinte carbone du pays.
Les initiatives pour lutter contre la pollution plastique ne manquent certainement pas à travers le continent. Mais même si beaucoup sont appliquées avec difficulté ou restent complètement inconnues, il est évident qu’un effort commun entre les gouvernements, les entreprises, les ONG et la société civile permettrait de conscientiser les populations locales, d’améliorer leur santé, de protéger l’environnement et de créer des économies durables à plusieurs niveaux. L’Afrique possède les outils nécessaires pour créer un avenir plus vert : il ne reste plus qu’à explorer comment exploiter nos propres points forts.
*PET : polyéthylène-téréphtalate