L’AFRIQUE FACE AUX DEFIS DE L’URBANISATION

En 2050, la population africaine aura doublé et les Africains représenteront un quart de la population mondiale. Mais comment relever les défis d’une urbanisation fulgurante?

Au 21e siècle, les villes africaines émergent comme des centres de vitalité et de promesses économiques, témoignant d’un rythme d’urbanisation accéléré. Cette transformation rapide reflète le potentiel inégalé que détient le continent africain pour l’avenir mondial. Cependant, cette évolution pose des défis considérables en matière de durabilité urbaine. En effet, la plupart des mégapoles sont côtières du fait de leur passé colonial et commercial et plus de 70 % des villes africaines seraient hautement vulnérables aux chocs climatiques, selon la Banque africaine de développement (BAD). Avec une population mondiale projetée à près de 10 milliards d’habitants d’ici à 2050, une grande partie de cette croissance sera concentrée en Afrique, avec près de 2,4 milliards d’habitants.

Dans le contexte de l’expansion rapide des villes africaines, l’adaptation pour accueillir cette dynamique est une urgence. Comment les villes africaines peuvent-elles s’adapter pour accueillir cette population croissante tout en préservant les ressources naturelles et en atténuant les impacts du changement climatique? C’est dans cette tension entre forte démographie, impératifs économiques et enjeux environnementaux que réside la problématique cruciale de notre époque.

L’aménagement durable en première ligne contre le changement climatique

Face à l’urgence climatique, les villes africaines sont à la croisée des chemins. Malgré des signes alarmants – érosion côtière, inondations, îlots de chaleur –, la mobilisation reste insuffisante. Un rapport de l’IRD et d’experts ouest-africains souligne l’aggravation de la vulnérabilité des littoraux, exacerbée par une concentration humaine et économique intense. Avec plus de 60 % des zones côtières africaines menacées par l’élévation du niveau de la mer d’ici à 2050, il est impératif de repenser radicalement nos approches d’urbanisme. La survie de nos villes impose une planification ambitieuse, intégrant résilience et durabilité des infrastructures face à des défis climatiques sans précédent.

Repenser nos villes exige une réévaluation profonde de l’aménagement urbain, un levier fondamental pour préparer les territoires face au changement climatique et favoriser la préservation ou la création d’emplois à travers des modèles durables. Cependant, la mise en œuvre de cette vision est entravée par une planification lacunaire, des schémas directeurs anciens et non actualisés, ainsi que par le manque de plans d’action et d’identification des acteurs concernés. Il est essentiel de mettre à la disposition des autorités un outil de planification urbaine qui dressera pour les années à venir les grandes lignes du développement de nos grandes métropoles. L’orientation vers la création de chaînes de valeur africaines pourrait être une solution qui implique des efforts soutenus dans la formation et la sensibilisation aux métiers de la ville et de l’environnement, avec des programmes adaptés à chaque réalité, éléments essentiels au développement des industries locales.

Pour bâtir des villes durables ancrées dans notre identité, valorisées par les futures générations, l’utilisation de matériaux biosourcés tels que le bois, la terre et le granit est la clé. Ces ressources, en particulier dans les pays forestiers, offrent une opportunité de développement durable non seulement en créant des emplois, mais aussi en favorisant l’économie locale. L’architecte burkinabé Francis Kéré, récompensé à plusieurs reprises pour sa créativité, illustre parfaitement cette démarche en adaptant les techniques de construction aux spécificités africaines, promouvant ainsi un développement qui respecte l’environnement et renforce le tissu économique local.

Des modèles déjà existants en Afrique

Eko Atlantic au Nigéria, Diamniadio au Sénégal, New Cairo en Égypte, Baie des Rois au Gabon, Sèmè City au Bénin sont des laboratoires d’idées visant à calibrer une vision à long terme pour le développement urbain en Afrique. Ces projets reflètent l’engagement des États qui ont compris les enjeux de la transformation des pôles économiques et de l’attractivité de leur territoire, l’urgence de créer des pôles de transformation économique, de dynamisme et d’attractivité. Toutefois, ces initiatives sont confrontées à une multitude de défis propres à chaque pays et doivent surtout affiner l’idée que le concept de durabilité est parfaitement applicable à notre mode de vie. À l’instar de Zenata, un projet urbain novateur déjà labélisé Ecocity Label, la ville est conçue pour avoir un impact durable, avec un aménagement axé sur l’industrie visant à préserver les emplois locaux.

D’autres problématiques majeures, comme l’attractivité du marché immobilier en Afrique, sont des freins, avec un énorme déficit en financement pour les infrastructures chiffré à 108 mds de dollars par an. Il est important de noter qu’aucun pays d’Afrique centrale ne figure dans le top 5 sur le continent, malgré une superficie de 5,4 millions de kilomètres carrés et une population de 138 millions d’habitants, avec des capacités économiques sous-exploitées. Ces projets souffrent en premier lieu du manque de passerelles entre le monde financier et les développeurs immobiliers.

Cependant, l’Afrique présente des spécificités propres et les projets présents sur le continent dépendent en partie de l’accélération de la coopération Sud-Sud. L’objectif est de créer des lieux de vie, de culture, d’histoire, mais aussi de modernité qui incarnent les valeurs d’inclusivité et d’opportunités économiques pour les populations en s’inscrivant dans une perspective de durabilité et de progrès où les acteurs locaux exprimeront pleinement leur potentiel. Cette approche favorise le circuit court avec un impact carbone relativement faible. Cette ambition ne doit pas se cantonner aux grandes métropoles africaines, mais être le fruit d’une décentralisation qui donnerait aux petites villes l’opportunité de définir un cadre à leur développement avec des plans locaux d’urbanisme adaptés.

Une intégration difficile par le bas

L’accroissement de la population africaine est de l’ordre de 2,7  % par an depuis les années 2000, une urgence qui doit cependant être traitée comme une opportunité. En Afrique, l’urbanisation ne résulte pas principalement d’un exode rural, mais plutôt de la transformation progressive des villages en villes en raison d’une croissance démographique constante. En 2020, l’OCDE a souligné cette spécificité, notant l’émergence de milliers de villes de moins de 30000 habitants, souvent d’anciens villages avec des activités minières ou agricoles, abritant déjà une population totale de 210 millions d’habitants. Offrir une formation sur les enjeux spécifiques de l’urbanisation, même dans les zones rurales, est primordial. Sensibiliser aux défis urbains et aux impacts environnementaux encourage des comportements responsables et durables, favorisant ainsi des villes plus harmonieuses et résilientes.

Ce processus d’urbanisation aggrave les écarts entre zones rurales et urbaines. Environ 45  % de la population mondiale vit dans les zones rurales, tandis que seuls environ 20 % ont accès à l’électricité et à l’eau courante, en comparaison avec plus de 90 % dans les zones urbaines développées. Promouvoir une urbanisation durable nécessite des solutions adaptées aux besoins spécifiques de chaque région. Cela demande une approche holistique qui intègre les aspirations et les besoins des populations rurales dans les plans de développement urbains et nationaux. L’étude d’impact environnemental et social est essentielle pour les projets d’urbanisation. Il faut par conséquent établir des relations solides avec les communautés locales et intégrer activement les parties prenantes dans la conception des projets, ce qui facilite leur acceptation et leur durabilité à long terme.

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