INSUFFLER UNE NOUVELLE DYNAMIQUE, C’EST MON ROLE

Madame Laurence Ndong Ministre des Nouvelles technologies de l‘information et de la communication, porte-parole du gouvernement de la Transition

Laurence Ndong est gabonaise, née le 19 octobre 1971, mariée et mère de 5 enfants. C’est une femme engagée politiquement. Enseignante chercheuse, pasteure, présidente d’associations, conférencière, elle est experte en approche genre et développement. Son parcours académique mérite d’être connu. Avant d’être nommée ministre des Nouvelles technologies, de la communication et porte-parole du gouvernement de Transition, elle a étudié à l’université des sciences et techniques de Masuku (USTM) puis à l’école normale supérieure (ENS) de Libreville. En 2002, elle s’installe en France en rapprochement d’époux. En 2008, elle y obtient un doctorat en didactique des sciences (sciences de l’éducation) à l’université René Descartes où elle devient enseignante-chercheuse. Elle est par ailleurs détentrice depuis 2022 d’un master 2 en droit, économie, option management des organisations publiques de l’Institut de préparation à l’administration générale (IPAG) de l’université de Poitiers.

Toujours très active dans les milieux caritatifs, elle a notamment fondé l’association « Joseph » pour faciliter l’accès des jeunes Gabonais à l’éducation, puis l’association « Veuvage-Droits-Accompagnement et Perspectives » pour aider les conjoints survivants et leurs enfants. Elle est pasteure en second du ministère au Centre international pour l’Évangile et la louange (CIEL), fondé en 2006 avec son époux, le pasteur Cyril Ndong. Laurence Ndong est membre du comité d’édition de la Bible de méditation par les femmes africaines, publiée par la Société biblique universelle.

Très engagée politiquement, comme en témoigne son ouvrage intitulé Gabon, pourquoi j’accuse paru aux éditions L’Harmattan en 2016, elle est rentrée début septembre 2023 au Gabon pour servir son pays en tant que ministre des Nouvelles technologies de l’information et de la communication, porte-parole du gouvernement. 

Depuis le 12 septembre 2023, Madame Laurence Ndong est ministre des Nouvelles technologies de l’information et de la communication, porte-parole du gouvernement de la Transition. Elle a pour missions d’élaborer les politiques publiques dans les domaines de l’économie numérique, de la communication et de la poste. À ce titre, elle veille à la mise en œuvre de la stratégie globale du département et à la visibilité de l’action gouvernementale. Cette vision stratégique ambitionne de faire du numérique l’un des piliers de la croissance économique, de l’inclusion sociale et de la souveraineté nationale. C’est à ce titre que nous l’avons rencontrée et nous la remercions vivement pour sa disponibilité et pour sa contribution qui permettra d’éclairer l’opinion sur ce pan important de l’action du gouvernement de la Transition. 

Madame le Ministre, après quatre mois à la tête de votre ministère et en votre qualité de porte-parole du gouvernement, quel bilan dressez-vous à 100 jours ?

Notre appréciation des 100 jours s’inscrit dans la droite ligne du bilan exhaustif dressé par le CTRI qui conduit notre transition et qui a donc la primauté sur le gouvernement, selon les dispositions de la Charte de la Transition. Cependant, il est important de considérer que nous avons trouvé le pays dans un état chaotique, marqué par des dysfonctionnements systémiques et structurels avec des manquements et des besoins à tous les niveaux. Nous sommes conscients que les nombreuses actions concrètes entreprises depuis notre arrivée ne suffisent pas encore à répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens. Mais nous restons déterminés à restaurer la dignité et à offrir le bien-être à nos compatriotes qui nous témoignent leur confiance. Rien ne nous détournera de ces objectifs.

Concernant notre action au sein de notre département ministériel, pour vous donner quelques exemples, nous avons placé l’humain et les conditions de travail au cœur de notre stratégie. C’est ainsi que dès notre arrivée, nous avons comblé les postes vacants en formalisant par des nominations les responsabilités que de nombreux collaborateurs occupaient de façon informelle. Conformément à la loi, dans les entités sous tutelle, nous avons revalorisé les salaires des collaborateurs les moins rémunérés en nous assurant qu’aucun d’entre eux ne soit payé en dessous du revenu minimum mensuel (RMM) qui est de 150  000 F  CFA, avec effet dès la fin du mois de novembre 2023. Puis, nous avons rénové les locaux du ministère et fourni du matériel de travail à l’ensemble des services de notre administration. Nous avons aussi mis en place un comité de pilotage qui regroupe l’ensemble des directeurs généraux de l’administration centrale et ceux des entités sous tutelle, ce qui n’existait pas avant notre arrivée, l’objectif étant de créer de la transversalité, de la cohérence et de la cohésion dans la mise en œuvre des actions stratégiques des trois pans de notre département ministériel (numérique, communication, poste). Nous en voyons déjà les résultats. En outre, Gabon Culture, qui était à l’arrêt consécutivement à la panne d’un équipement important, a été remis en service après le remplacement dudit équipement par un neuf. De plus, nous avons signé dernièrement une convention avec Tech 241, qui est un regroupement de patrons d’entreprises du secteur du numérique, afin de lui assurer la collaboration, l’accompagnement du ministère et la garantie de l’accès à la commande publique sur les marchés en dessous de 150  millions de F  CFA, conformément à la décision du chef de l’État. La Société d’incubation du numérique du Gabon, qui regroupe les startups de notre écosystème, a, elle aussi, bénéficié de la contribution de notre département ministériel. En effet, nous sommes engagés dans la promotion de la qualité de l’offre de nos startups nationales et cela a permis à certaines d’entre-elles d’être connues et d’obtenir des marchés importants depuis notre arrivée. Nous allons poursuivre nos efforts.

Conformément aux instructions du président de la Transition, nous avons inscrit au budget 2024 l’augmentation de la subvention d’aide à la presse écrite qui est portée à 500  millions de F  CFA au lieu de 150  millions de F  CFA en 2023.

Enfin, concernant des épargnants de la PosteBank, en lien avec la volonté des plus hautes autorités, nous avons inscrit une dotation spéciale de 10 mds de F  CFA en vue du début de leur remboursement en 2024. Pour conclure, notre plus grande fierté parmi les réalisations des 100 premiers jours réside dans l’octroi à titre exceptionnel par le chef de l’État de 500 postes budgétaires afin de régulariser prioritairement les situations administratives de nos personnels des médias publics et des services internes. Cette mesure a été accordée sur la base du plaidoyer que nous avons fait après le diagnostic établi au terme des rencontres sectorielles et des visites de terrain. Elle va renforcer notre politique qui consiste à mettre l’homme au centre de la stratégie de restauration et de développement de notre secteur.

Depuis le 30 août 2023, le Gabon vit à l’ère d’une transition placée sous la présidence du général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema. En très peu de temps, les bailleurs de fonds (Banque mondiale, Banque africaine de développement, AFD, etc.) ont révisé positivement leur analyse. Un lobbying a-t-il été mené auprès de ces institutions ? 

Redonner confiance aux partenaires bilatéraux et multilatéraux du Gabon était une de nos priorités. C’est la raison pour laquelle, dès notre arrivée, nous avons pris notre bâton de pèlerin afin d’expliquer aux nations amies et aux partenaires au développement le bien fondé de ce coup de libération. Il vous souviendra que le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema a fait un certain nombre de déplacements en Afrique et dans le monde en se rendant auprès de ses pairs de la sous-région, notamment en Guinée équatoriale, au Congo, au Rwanda, au Tchad, en Centre-Afrique et au Cameroun. Dans le même ordre d’idées, il a reçu la visite à Libreville de plusieurs chefs d’État et de gouvernement ainsi que de nombreux émissaires de ses homologues.

De plus, il a pris part à Brazzaville au Sommet des trois bassins sur la protection des forêts tropicales, où son intervention a été fortement appréciée. À Dubaï il a participé à la Cop28 aux côtés de ses homologues du monde entier. En marge de cette conférence, il a eu l’occasion d’échanger, entre autres, avec le président français sur la transition politique au Gabon et sur la coopération entre nos deux pays qui reste au beau fixe. À Ryad, dans le cadre du sommet Arabie saoudite-Afrique, le président a saisi l’opportunité de cette rencontre internationale pour échanger avec ses pairs, notamment avec le président ivoirien, sur les motivations du coup de libération, les objectifs de la transition et le caractère inclusif de celle-ci. En septembre dernier, au tout début de la Transition, le Premier ministre, chef dugouvernement,  M. Raymond Ndong Sima avait, quant à lui, participé à Cuba au sommet du G77. Puis il s’était rendu à New-York pour prendre part, au nom du Gabon, à la session annuelle de l’assemblée générale des Nations unies. Il a saisi cette occasion pour expliquer la démarche du Comité de transition pour la restauration des institutions et les missions du gouvernement de la Transition, tout en réaffirmant le respect des engagements internationaux de notre pays.

En tant que porte-parole du gouvernement, j’ai moi-même été au Royaume de Belgique, où j’ai présenté la situation du Gabon aux autorités locales, à l’Union européenne et à l’Organisation des États d’Afrique des Caraïbes et du Pacifique (OEACP), conformément à la démarche du CTRI et à la position du gouvernement, sous l’impulsion du président de la Transition. Au cours de ce séjour européen, j’ai eu l’occasion, en France, de porter la voix du gouvernement et d’expliquer la vision et l’action des autorités gabonaises sur les plateaux de radio et de télévision, notamment RFI, France 24, Brut, Vox Africa, Deutch Welle, VOA, Africa 24, BBC Afrique, Africa Radio et les magazines Jeune Afrique et Challenge.

L’objectif de toutes ces démarches du président de la Transition, est de réaffirmer le respect de nos engagements internationaux, de renforcer la coopération avec nos partenaires et d’expliquer le bienfondé de la transition politique dans notre pays. Après les positions de principe de nos différents partenaires et au regard de l’évolution des relations diplomatiques avec ces derniers au cours des trois derniers mois, nous avons la conviction de les rassurer progressivement et que notre plaidoyer est entendu.

Dans cet élan, nous avons tenu à respecter les engagements du Gabon en apurant nos échéances vis-à-vis de nos créanciers principaux que sont la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, l’Agence française de développement et la Banque islamique de développement. Au total, nous avons payé 380 mds de F CFA au titre des arriérés du service de la dette.

Dans le même temps, plus spécifiquement en lien avec notre secteur, toujours sur le plan international, nous avons pu rétablir et normaliser les relations avec l’Union internationale des télécommunications (UIT) et avons fait de même pour Smart Africa.

Dans la même démarche et grâce au leadership de notre pays et au dynamisme de notre écosystème dans le numérique, nous avons intégré, en novembre 2023, le conseil d’administration de l’Alliance pour l’innovation et l’entrepreneuriat au service du développement du numérique, membre de l’UIT, qui travaille sur trois axes principaux : le développement d’un réseau de centres d’accélération, la création d’un laboratoire de transformation numérique et la mise en place d’un conseil d’innovation numérique multipartite.

Si l’on peut considérer que les trois premiers mois vous ont permis de faire un diagnostic global de la situation du pays, quelles sont les projections réalisables du CTRI pour les trois prochains mois, notamment sur le plan infrastructurel, économique et social ? Quelles sont les priorités ?

Vous n’êtes pas sans savoir que le 13 novembre dernier, le CTRI a dévoilé le chronogramme officiel de la transition politique au Gabon. Ce chronogramme vise à impliquer activement le peuple gabonais dans le processus de démocratisation des institutions à travers une série d’étapes cruciales en vue de la matérialisation des six objectifs ambitieux de la transition, à savoir : 1) la restauration de la stabilité ; 2) la réforme institutionnelle ; 3) la lutte contre la corruption ; 4) le développement durable ; 5) l’éducation, la santé, l’habitat, la route ; ainsi que 6) le dialogue national et la consultation publique. Voilà résumés les grands projets auxquels le CTRI s’attèlera dans les prochains mois.

Sur le plan économique, le gouvernement a lancé une opération de réappropriation par les nationaux de leur économie marquée entre autres par : 1) la régularisation des artisans miniers dans l’arrière-pays qui a suscité un grand engouement chez les jeunes avec plus 1 000 cartes délivrées par le ministère des Mines ; et par 2) la décision du gouvernement d’octroyer aux seules entreprises gabonaises les marchés publics dont le montant est inférieur ou égal à 150 millions de F CFA.

Sur le même plan, la réalisation des infrastructures routières constitue un pilier important de la restauration du Gabon. De nombreux axes dans plusieurs villes et localités ainsi que la première section de la Transgabonaise, projet phare de ce pilier, seront livrés à la fin du premier semestre 2024.

Dans le cas spécifique du ministère des Nouvelles technologies de l’information et de la communication, le Gabon sera bientôt doté d’un data center, infrastructure essentielle à sa souveraineté numérique. Il mettra aux normes son domaine de référence du code pays « point ga » (.ga) et favorisera le branchement de tous les opérateurs à notre point d’échange Gabix*. Cela se traduira par une meilleure maîtrise de notre cyberespace.

Malgré des avancées prometteuses, dans presque tous les secteurs d’activité, qu’ils soient privés ou publics, des mouvements syndicaux entravent le bon fonctionnement de nombreuses entités. Comment abordez-vous cette problématique dans votre secteur ?

Les mouvements syndicaux sont à un pays ce que le pouls est au corps humain. Cela signifie que c’est à travers l’agitation ou l’accalmie du front social qu’un gouvernement peut mesurer la santé économique et social de son pays. Il est difficile de remporter la bataille sur le front social en quatre mois, en dépit de notre volonté d’y parvenir. Toujours est-il que depuis plusieurs semaines, le Premier ministre M. Raymond Ndong Sima a entamé des échanges avec les partenaires sociaux qui souhaitent un dialogue inclusif. Cette démarche vise naturellement à trouver des solutions pérennes aux revendications syndicales légitimes et à mettre un terme à ces débrayages qui peuvent retarder l’action gouvernementale.

À ce propos, il est important que les partenaires sociaux comprennent les enjeux du moment en faisant preuve de responsabilité, de patience et de compréhension. Dans un contexte de transition, il est bon que chacun mette du sien pour converger vers l’atteinte des objectifs communs que nous nous sommes fixés. L’épisode des agents de la SEEG doit interpeler les partenaires sociaux qui doivent comprendre que nous vivons un moment particulier qui exige une attitude particulière. C’est pourquoi je suis de ceux qui pensent que la période de transition doit s’accompagner d’une trêve sociale.

Je souhaite personnellement illustrer cela par ce qui s’est passé dans le secteur dont j’ai la charge. Ayant eu vent d’un mouvement de grève en gestation pour revendiquer le 13e mois comptant pour les années 2015 et 2016, j’ai convoqué une rencontre avec le syndicat des agents de la Poste il y a quelques semaines afin de leur expliquer la situation de la Poste et de les convaincre de leur nécessaire implication dans le processus de redressement de cette institution afin de continuer à garantir leurs salaires.

À l’issue de cette rencontre, ils ont accepté de renoncer à leur mouvement de grève afin de contribuer à l’effort de redressement de leur entreprise.

C’est ce que j’appelle faire preuve de responsabilité. C’est le lieu ici de féliciter ces compatriotes qui, dans un contexte particulier, ont renoncé à un droit personnel pour le bénéfice du plus grand nombre. C’est vers cela qu’il faut aller. Cependant, au-delà du dialogue social nécessaire et utile pour créer un climat social apaisé, il y a bien évidemment les efforts que chaque département ministériel doit entreprendre pour apporter des solutions aux revendications légitimes des travailleurs gabonais.

Comment comptez-vous juguler la problématique des fake news sur les réseaux sociaux ?

Je vous remercie pour cette question pertinente qui nous permet d’aborder un aspect très important de nos missions ministérielles. À l’ère du numérique, force est de constater qu’un nombre important de Gabonais s’est détourné des canaux d’information officiels pour s’informer uniquement par le biais des réseaux sociaux. C’est regrettable et cela ne doit pas favoriser et normaliser la promotion et la diffusion de fausses informations, communément appelées fake news, dont se rendent coupables les utilisateurs souvent compulsifs des réseaux sociaux. Ces pratiques ont causé de nombreux drames à travers le monde.

C’est donc une problématique suffisamment importante pour que nous nous en préoccupions. La Haute autorité de la communication (HAC), notre instance de régulation, prévoit déjà des sanctions contre les médias auteurs de fake news et de dérives de toutes sortes.

Il faut reconnaître que les dispositions juridiques prises à cet effet présentent encore quelques limites, notamment le sort réservé aux particuliers qui conçoivent et propagent les fakes news. Cependant, les publications assimilées à de la diffamation peuvent être sanctionnées d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 1 million de F  CFA, conformément à l’article 287 du Code pénal.

Dans le cadre du ministère des Nouvelles technologies de l’information et de la communication, nous entendons réviser le Code de la communication en vue d’y intégrer une part coercitive en cas de manque au code de déontologie. L’objectif visé est de promouvoir la responsabilité, la transparence et l’éthique dans l’utilisation des différents canaux de communication.

Par ailleurs, sur le même sujet, le Gabon entend signer et ratifier la Convention de Malabo sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel et conséquemment, s’est déjà doté d’une loi sur la cybersécurité et la lutte contre la cybercriminalité ainsi que d’une loi sur les transactions électroniques, toutes deux en attente des décrets d’application.

Madame le Ministre, lors d’une de vos visites, notamment à l’Institut africain d’informatique (IAI), vous avez déploré l’état de vétusté des bâtiments et le manque d’entretien global du site qui l’abrite. Quelle solution pensez-vous apporter à cette situation ? 

Il est important de noter que, bien que localisé à Libreville, l’IAI n’est pas la propriété du Gabon. L’IAI a été créé par la Convention de Fort-Lamy du 29 janvier 1971. Les États membres ont la responsabilité de verser chaque année une contribution financière. Malheureusement, la plupart d’entre eux ne respectent plus cet engagement depuis plusieurs années, au point que les ressources nécessaires au fonctionnement de l’Institut ne sont plus au rendez-vous. En conséquence, à ce jour, on enregistre 26 mois de salaires impayés. Nous savons que bon nombre de ces pays membres ont créé des écoles nationales d’informatique. Cela nous pousse à constater que la Convention de Fort-Lamy n’est plus respectée. En ma qualité de présidente du conseil d’administration de l’IAI, j’ai l’intention de saisir les administrateurs des pays membres afin de trouver ensemble des solutions viables.

Vous êtes présente sur tous les fronts et n’hésitez pas à appuyer des initiatives en signant des conventions de partenariat avec les acteurs de votre écosystème. Comment votre ministère va-t-il pouvoir répondre à tant de sollicitations ? 

Nous allons y répondre grâce (1) aux ressources humaines dont nous disposons ; (2) à notre nouvelle vision ; (3) à la mise en œuvre de notre stratégie ; (4) à la mobilisation des moyens financiers avec le soutien du chef de l’État, du Premier ministre, des partenaires au développement, en collaboration avec (5) les acteurs de l’écosystème.

Madame le Ministre, nous savons que votre ministère est issu de la fusion de l’ancien ministère de l’Économie numérique et de celui de la Communication et des Postes. Comment cette fusion s’est-elle opérée ?

Le département ministériel dont j’ai la charge est composé de trois pans distincts : les nouvelles technologies de l’information, la communication et la poste.

Ces trois secteurs sont désormais regroupés dans un seul ministère qui compte quelque 400 collaborateurs. Lorsque j’ai pris mes fonctions, à ma grande surprise, 60  % de l’organigramme était vacant et cette situation handicapait le fonctionnement optimal du ministère.

Nous avons donc tenu à pourvoir l’ensemble des postes vacants de notre organigramme pour mettre au travail tous les collaborateurs de ce ministère qui est composé de quatre directions générales et des directions centrales qui ont des missions support.

Cette organisation exige que l’ensemble des postes soit pourvu si l’on veut mettre à contribution le personnel à disposition pour atteindre les objectifs fixés à notre ministère. Nous sommes heureux d’avoir pu responsabiliser des collaborateurs compétents, engagés et dévoués à ces fonctions non pourvues jusque-là.

Il était important de responsabiliser et de donner à chacun de ces collaborateurs l’opportunité d’exprimer pleinement ses compétences pour assurer le développement de nos services dans le domaine du numérique, de la communication et de la Poste.

Cependant, il faut souligner que du fait du gel prolongé des recrutements, il y a un besoin de formation, de stages et de recyclage du personnel. Toutes choses qui ont nui au développement de nos ressources humaines. Or, l’évolution dans ces secteurs est constante avec, en permanence, l’émergence de nouvelles technologies, de nouvelles méthodes et de nouveaux outils auxquels il faut s’adapter. En conséquence, nous avons à cœur d’organiser dès 2024 un plan de formation et de remise à niveau des agents dans ces trois secteurs.

À l’heure où les questions du genre sont particulièrement d’actualité, quelle est la situation dans notre secteur d’activité ? 

Vous évoquez là un sujet qui me touche particulièrement. En étant le directeur général adjoint de la Promotion de la femme, j’avais à charge de promouvoir l’approche genre dans les programmes de développement.

Pour revenir à votre préoccupation, la question du genre ne se pose pas dans le périmètre de la communication. Vous constaterez la présence de nombreuses femmes dans le paysage audiovisuel, qui occupent des postes de direction au ministère et au sein des médias publics. Nous avons par exemple des femmes aux directions générales de la communication, de Radio Gabon, de Gabon 24   ; aux présidences des conseils d’administration de l’Agence gabonaise de presse et de Radio Gabon.

En revanche, dans le périmètre du numérique, il y a un déficit évident de compétences féminines. Nous allons intégrer cette préoccupation au sein du Centre gabonais de l’innovation qui sera bientôt mis en place, ainsi qu’avec le programme Smart Africa Digital Academy (Sada) de l’Alliance Smart Africa. Ces deux initiatives vont intéresser davantage de femmes aux métiers du numérique.

En effet, une étude a permis de constater que les jeunes garçons touchent à un ordinateur avant l’âge de 15 ans tandis que les jeunes filles n’y ont accès qu’entre 15 et 19 ans. C’est un fossé qu’il faut combler et il est nécessaire d’instaurer une politique d’équité pour que les jeunes filles soient initiées à l’informatique et au numérique au même titre que les jeunes garçons.

 Quelles sont vos perspectives à court, moyen et long terme ? 

Dans mon propos liminaire, j’ai évoqué la vision de mon département ministériel et ses objectifs stratégiques. À ce propos, au cours de la transition qui va durer deux ans, nous mettrons en œuvre un certain nombre de réformes et de projets structurants.

Au titre de la communication, en ce qui concerne les textes réglementaires, le Code de la communication sera révisé et une réflexion sur le statut particulier du journaliste sera initiée. Sur le plan des infrastructures, comme je vous l’ai déjà dit, nous envisageons la réhabilitation des stations provinciales de Radio Gabon et la mise en place d’un réseau de radios communautaires et leur couverture sur l’ensemble du territoire grâce à l’implantation optimale des nouveaux équipements de la télédiffusion du Gabon (TDG) déjà livrés à 80 %.

Quant à la subvention d’aide à la presse écrite privée, elle sera portée à 500 millions de F  CFA en 2024 et nous entamerons cette année le remboursement des épargnants de la PosteBank.

Un effort particulier sera fait pour le renforcement des capacités et la formation du personnel, avec une priorité pour les journalistes.

Enfin, s’agissant du numérique, nous comptons doter notre pays d’un Code du numérique, texte important pour le développement de ce secteur. Aussi, on ne peut concevoir une politique de digitalisation sans infrastructures. Celle-ci repose sur trois piliers : les infrastructures, les services et les usages de ces services.

En effet, il nous manque encore les infrastructures nécessaires à une digitalisation optimale garantissant l’amélioration de notre connectivité, la baisse des coûts, la création des données critiques et stratégiques, le stockage, la sécurisation et la souveraineté de celles-ci. C’est donc notre priorité. Nous allons renforcer les infrastructures de connectivité sur l’ensemble du territoire par le déploiement du backbone national dans les provinces de la Nyanga et la Ngounié qui ne sont pas encore couvertes par la fibre optique. Lorsque nous y serons parvenus, il faudra également réaliser « le dernier kilomètre » par la connexion des foyers et des administrations dans les zones concernées. Pour les zones rurales, il est prévu le déploiement du service universel. Dans la programmation de 2024, ce programme concerne 200 villages.

Une autre de nos priorités consiste à réduire le coût d’internet et de la téléphonie mobile. Sans entrer dans des explications techniques, il s’agit là aussi d’un problème infrastructurel qui oblige les opérateurs de ce secteur à stocker les données à l’extérieur et à facturer les coûts relatifs à leur transport.

De plus, nous prévoyons de digitaliser toute l’administration gabonaise par la création d’un identifiant unique. Cet identifiant unique est la clé de tout processus de digitalisation, car il permet la mise en œuvre de toutes les solutions numériques et digitales. En effet, nous avons signé avec la Banque mondiale un accord de prêt d’un montant de 44 mds de F CFA pour mettre en œuvre cette politique ambitieuse que nous avons baptisée « Gabon Digital ».

À titre d’exemple, pour les futures élections, il sera indispensable de procéder à un recensement de la population et de doter chaque Gabonais d’une carte d’identité nationale et d’une carte d’électeur. Ces données une fois acquises et stockées devront être sécurisées.

De même, pour accompagner la digitalisation, le département ministériel dont j’ai la charge développe un programme d’innovation et d’entrepreneuriat numériques afin de mettre en place un écosystème capable d’accompagner la transformation numérique du Gabon à travers des startups autour du Centre gabonais de l’innovation et de la Société d’incubation numérique du Gabon. Voilà résumés les chantiers de demain dans le domaine du numérique.

Nous avons la volonté, la compétence, la stratégie et les financements pour atteindre nos objectifs et pour accomplir les missions assignées à notre département ministériel.

*Gabix : Gabon Internet Exchange est un groupement d’intérêt économique (GIE) constitué de 12 opérateurs de service internet gabonais

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