AFRIQUE ET BRICS : UNE ALLIANCE POUR LE DÉVELOPPEMENT DU CONTINENT ?

Dans un entretien accordé au Centre tricontinental (Cetri) en juin dernier, Agnès Adélaïde Metougou, activiste camerounaise, a présenté une alliance potentielle entre l’Afrique et les Brics comme «une opportunité pour rejeter les systèmes utilisés par les Occidentaux». Membre de la Plateforme dinformation et daction sur la dette (Pfiad), elle souligne que les Brics  Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud  visent essentiellement à relativiser lhégémonie des pays dEurope de lOuest, des États-Unis et du Japon. Si cette alliance semble prometteuse pour le continent africain, notamment en termes d’investissements dans le domaine des infrastructures. Elle soulève également des questions sur les impacts à long terme, les défis à relever et la nécessité d’un équilibre avec les relations traditionnelles établies avec l’Occident.

Les Brics ont manifesté des ambitions significatives pour l’Afrique, notamment en matière d’investissement dans les infrastructures, l’énergie et l’agriculture. La Chine a annoncé un soutien de plus de 51 mds de dollars à l’Afrique lors du Focac 2024. Ce type d’engagement devrait stimuler la croissance économique du continent et répondre à des besoins urgents en matière infrastructurelle. Dans le même temps, ces projets financés créent des emplois et sont appelés à faciliter le commerce intra-africain. Les Brics ne cachent pas leur vision pour le continent africain et la déclinent en plusieurs axes stratégiques. 

Un contrepoids aux formules occidentales

L’un des principaux arguments de l’alliance Brics-Afrique est la possibilité de créer une alternative aux modèles économiques des pays occidentaux. Cette dynamique pourrait favoriser une plus grande autonomie pour les États africains dans leurs choix économiques et politiques, ouvrant la voie à des solutions différentes. Cependant, cette vision optimiste doit être tempérée par la réalité. Les pays occidentaux, notamment les États-Unis et la France, continuent d’être des partenaires économiques et politiques importants pour de nombreux pays africains. Leur présence ne se limite pas à des aides conditionnelles, mais inclut également des investissements significatifs, notamment dans des programmes d’éducation.

Au Gabon par exemple, l’Agence française de développement (AFD) soutient à travers le projet Pise (Programme d’investissement dans le secteur de l’éducation) notamment la construction et la réhabilitation d’écoles. Elle a financé la construction d’établissements scolaires dans diverses régions, particulièrement dans des zones rurales pour améliorer l’accès à l’éducation. Coût du projet : plus de 171 millions de dollarsUS.

Quant aux états-Unis, en Afrique plus globalement, à travers des initiatives comme l’«African Growth and Opportunity Act» (Agoa), les États-Unis encouragent le commerce et l’investissement en offrant des préférences commerciales aux pays africains. D’autres programmes tels que le «President’s Emergency Plan for AIDS Relief» (Pepfar) visent à lutter contre le VIH/sida et d’autres maladies infectieuses. Les États-Unis investissent également dans l’éducation via des bourses d’études, des programmes d’échanges et des initiatives de formation professionnelle, pour améliorer les compétences des jeunes Africains. D’autres pays sont également très actifs, on peut citer l’Allemagne et le Japon parmi tant d’autres.

Défis à relever

Ce dynamisme de l’Europe et des États-Unis souligne donc la complexité de l’approche Brics-Afrique. Malgré les opportunités, plusieurs défis subsistent pour que l’alliance Brics-Afrique se distinguent. Les préoccupations en matière de gouvernance, de sécurité et de gestion des ressources naturelles demeurent cruciales. Par exemple, les investissements chinois, bien qu’importants, sont souvent critiqués pour leur manque de transparence et leur impact environnemental. De plus, la dépendance à l’égard des financements étrangers, qu’ils viennent des Brics ou de l’Occident, soulève la question de la souveraineté économique des pays africains. 

La jeunesse africaine, qui représente une part importante de la population, devra jouer un rôle clé dans la transformation économique. En utilisant les technologies numériques, cette génération peut s’organiser et revendiquer des changements, mais elle doit aussi être vigilante. La collaboration avec les Brics pourrait offrir des opportunités d’innovation, certes, mais elle nécessite également un encadrement rigoureux et objectif.

Les relations avec l’Occident : une équation à deux voies

Les échanges commerciaux entre les pays africains et les Brics ont atteint environ 500 mds de dollars en 2022, mais les relations avec l’Occident restent également robustes. Le volume des échanges entre l’Afrique et l’Union européenne était d’environ 300 mds de dollars, montrant que les pays occidentaux demeurent des partenaires économiques essentiels pour le continent. Les investissements directs étrangers en Afrique provenant des Brics ont été estimés à près de 50 mds de dollars en 2023. Cependant, il est crucial de ne pas négliger les investissements provenant des États-Unis et de l’Europe, qui continuent d’être des acteurs majeurs, soutenant également des projets d’infrastructure et des initiatives de développement durable. On a pu le voir au terme du premier Forum Gabon-France en mai dernier. Près de 1,3 md de dollars US de partenariats ont été signés. 

Une stratégie d’intégration équilibrée

Pour maximiser les bénéfices de cette alliance avec les Brics, les pays africains doivent essentiellement établir une stratégie d’intégration équilibrée, en s’assurant que leurs intérêts sont protégés et que leurs voix sont entendues dans les négociations. Cela implique également de renforcer les capacités locales par le biais de programmes de formation et d’éducation adaptés, afin de garantir que la population puisse tirer parti des opportunités économiques qui se présentent. 

Il est indéniable qu’une alliance entre l’Afrique et les Brics pourrait représenter une voie intéressante pour le développement du continent en offrant une alternative aux modèles occidentaux. Toutefois, il est impératif d’aborder cette dynamique avec prudence et de considérer les impacts à long terme. Les pays africains se trouvent à un tournant et doivent naviguer entre diverses influences pour forger leur avenir. En cherchant à établir des partenariats mutuellement bénéfiques, que ce soit avec les Brics ou avec l’Occident, le continent peut espérer un développement durable et inclusif qui lui permette de renforcer sa souveraineté économique et politique. L’avenir dépendra de la capacité des dirigeants africains à articuler une vision claire et cohérente tout en mobilisant la jeunesse et les ressources locales pour répondre aux défis contemporains.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *