INAUGURATION DU 1ER CARREFOUR MARKET DE NTOUM

Votre partenariat avec le groupe Carrefour en 2020 marque un tournant. Qu’est-ce que cette alliance a changé concrètement dans votre manière de travailler, de recruter, d’approvisionner, voire de penser le métier de distributeur?

Votre partenariat avec le groupe Carrefour en 2020 marque un tournant. Qu’est-ce que cette alliance a changé concrètement dans votre manière de travailler, de recruter, d’approvisionner, voire de penser le métier de distributeur?

Le partenariat avec Carrefour, scellé en 2020, a opéré une véritable transformation de notre modèle. Ce n’est pas seulement un changement d’enseigne, c’est surtout un saut qualitatif. Nous avons intégré une centrale d’achat performante et de renom, modernisé nos outils de gestion et digitalisé nos opérations. Le personnel a été formé à de nouvelles méthodes, plus rigoureuses, centrées sur la qualité, l’hygiène et le service client. Aujourd’hui, huit de nos points de vente portent l’enseigne Carrefour Market. Celui du centre-ville est devenu une vitrine, avec des franchises internationales comme Paul, Gémo ou Mango. C’était inimaginable il y a encore dix ans. Ce partenariat nous a poussés à penser plus grand, à viser l’excellence et à repenser notre rôle dans l’écosystème commercial gabonais. 

L’ouverture du Carrefour Market à Ntoum semble inaugurer une nouvelle ère d’expansion au-delà de Libreville. Pourquoi avoir choisi cette localité? Quels sont vos critères pour évaluer les opportunités dans le pays?

Ntoum a été choisi pour sa position stratégique en périphérie de Libreville, mais aussi parce qu’il répondait à une double demande : celle des consommateurs et celle des pouvoirs publics. C’est un magasin de 1200 m², pour un investissement de plus de 5 mds de FCFA, qui générera à terme plus de 100 emplois directs. Ce projet n’est pas un simple point de vente, c’est une extension de notre vision : rapprocher la grande distribution des populations, y compris en dehors des grandes villes. Nous avons déjà des projets en gestation à Moanda et Mouila, avec la volonté d’accompagner l’aménagement du territoire. 

Ce développement territorial exige des moyens, mais nous croyons fermement à l’avenir commercial de l’intérieur du pays. Nous ne doutons pas que l’État nous soutiendra dans nos démarches. 

On sait que la logistique intérieure reste un défi au Gabon : routes fragiles, coûts élevés, respect de la chaîne du froid. Comment comptez-vous sécuriser vos approvisionnements et garantir la qualité de service dans ces zones?

Les défis logistiques au Gabon sont réels, mais pas insurmontables. Pour garantir un service de qualité, même dans les provinces, nous avons mis en place un partenariat stratégique avec une entreprise spécialisée dans la logistique et le transport frigorifique. Nous investissons aussi dans nos propres capacités de stockage et de distribution, afin de limiter les ruptures et maintenir la fraîcheur des produits. Chaque ouverture en province est précédée d’une étude logistique approfondie, d’une réflexion profonde. Notre objectif est que l’expérience client soit la même à Ntoum qu’à Libreville, sans compromis sur la qualité. Cela suppose rigueur, anticipation et adaptabilité, mais c’est indispensable si l’on veut construire un réseau national de distribution moderne. 

Cette montée en gamme avec Carrefour a nécessité de lourds investissements technologiques et structurels. Avez-vous déjà mesuré, en retour, l’impact sur votre chiffre d’affaires, vos marges ou votre productivité?

Ce que je peux dire, c’est que la modernisation a considérablement amélioré notre efficacité opérationnelle. Grâce aux outils digitaux, à la formation du personnel et à une meilleure gestion des flux, nous avons gagné en réactivité et en maîtrise des coûts. La satisfaction client s’en ressent, tout comme la fidélité. Nos marges se sont stabilisées malgré l’inflation, et nous avons renforcé notre pouvoir de négociation avec les fournisseurs. Le partenariat avec Carrefour nous a aussi permis d’élargir notre gamme, de mieux cibler les attentes des consommateurs et d’offrir un environnement d’achat plus confortable. C’est un retour sur investissement qui se mesure autant en valeur ajoutée qu’en performance économique, sociale et, par voie de conséquence, sociétale.

Avec plus de 1000 collaborateurs aujourdhui, comment structurez-vous votre politique RH? Quel est le dispositif interne pour former vos équipes aux standards Carrefour, notamment en gestion, hygiène ou digitalisation?

Le capital humain est la clé de notre croissance. La montée en gamme imposée par Carrefour nous a poussés à repenser entièrement notre politique RH. Nous avons mis en place un dispositif interne de formation continue, axé sur la gestion, l’hygiène, le service et la digitalisation. 

Nos cadres intermédiaires jouent un rôle essentiel pour faire vivre cette nouvelle culture d’entreprise. Nous investissons aussi dans la motivation, la mobilité interne et la reconnaissance du travail bien fait. Former, fidéliser et responsabiliser nos équipes est devenu un levier stratégique. Un bon magasin, ce ne sont pas seulement des rayons pleins et un système informatique performant, ce sont surtout des hommes et des femmes engagés, bien formés, qui incarnent nos valeurs.

Vos activités ne se limitent pas à la vente. Vous générez aussi de l’emploi indirect, des flux logistiques, des revenus fiscaux. À combien évaluez-vous votre contribution économique globale au Gabon?

Notre impact économique va bien au-delà de la vente au détail. Chaque année, nous versons environ 12 mds de FCFA à l’État gabonais, dont 10 mds au titre des droits de douane, 366 millions à la CNSS, 123 millions à la Cnamgs, 588 millions d’impôts, 6 mds de TVA… Mais au-delà de la fiscalité, nous contribuons activement à l’économie locale par la création d’emplois (1250 personnes à ce jour), les flux logistiques, les prestations de service et les partenariats avec des PME. Nous faisons travailler des transporteurs, des techniciens, des prestataires en sécurité, en maintenance, etc. C’est tout un écosystème que nous faisons vivre. Nous sommes un maillon essentiel de la chaîne de valeur alimentaire au Gabon. Être un grand distributeur, c’est aussi assumer une responsabilité envers la collectivité.

Le débat sur la souveraineté alimentaire prend de l’ampleur. Aujourd’hui, quelle est la part de produits locaux dans vos rayons? Selon vous, quels sont les obstacles qui freinent la montée en puissance des filières gabonaises?

Le «made in Gabon» est un axe stratégique pour nous. Aujourd’hui, plus de 80 % de nos fruits et légumes sont d’origine locale. Nous avons référencé plus de 700 produits gabonais, allant des confitures aux thés en passant par les épices et les boissons artisanales. C’est un choix volontaire, pas simplement une opportunité commerciale. Nous voulons encourager les filières locales à monter en qualité et en régularité pour qu’elles puissent intégrer durablement la grande distribution. Les défis sont encore nombreux : volumes insuffisants, logistique, normes de qualité. Mais nous avançons avec les producteurs et notre objectif est clair : faire de l’ancrage local un avantage compétitif durable.

Le partenariat avec Carrefour implique une montée en gamme, mais le contexte local impose de rester accessible. Comment conciliez-vous ces deux impératifs, surtout face à la concurrence de proximité d’enseignes de hard discount?

Chaque enseigne a son positionnement. Le hard discount répond à un besoin spécifique. Nous, nous visons un public plus large : des clients à la recherche d’un bon rapport qualité-prix, qui veulent des produits sûrs, bien présentés, dans un cadre agréable. La montée en gamme ne signifie pas que l’on devient élitiste. Cela signifie que l’on garantit la qualité, la sécurité et le confort d’achat. Nous proposons régulièrement des promotions, des cartes de fidélité et adaptons nos gammes à tous les budgets. C’est un équilibre à trouver et nous y travaillons chaque jour. Notre ambition n’est pas de vendre moins cher que tout le monde, mais de vendre mieux, au juste prix.

Enfin, après plus de 50 ans de carrière, quel regard portez-vous sur le futur de la distribution au Gabon? Quelle est votre ambition à moyen terme : régionalisation, diversification ou digitalisation accrue de vos services?

Le Gabon a un potentiel énorme en matière de distribution. Nous voulons faire entrer la grande distribution dans toutes les provinces. Le pays se structure, les besoins évoluent et les attentes des consommateurs deviennent plus exigeantes. Notre ambition est de poursuivre notre expansion en allant dans d’autres villes, voire, à terme, dans la sous-région. Nous expérimentons déjà des solutions innovantes, comme la livraison à domicile avec Gozem, et renforçons notre présence digitale pour mieux interagir avec notre clientèle. L’avenir passera par la décentralisation, la digitalisation et une plus forte intégration des produits locaux. Après près de 50 ans d’activité, je reste convaincu que nous ne voyons que le début de ce que peut devenir la grande distribution au Gabon.

 Historique 

Pour mieux comprendre pourquoi l’enseigne Prix Import s’est associée au groupe Carrefour, il est nécessaire d’analyser le développement économique du groupe menée par M. Bernard Azzi. 

Comment depuis 1981 (45 ans), Monsieur Bernard Azzi a-t-il construit, pierre par pierre, ce qui est aujourd’hui un empire de la distribution principalement alimentaire? Ce monsieur, Libanais autodidacte, arrive à Port-Gentil le 14 avril 1975. Deux ans plus tard, il s’installe à Libreville. Après quelques tentatives peu rentables, il ouvre son propre commerce à Mont Bouët. C’est grâce à cette expérience commerciale baptisée Comiga (Commerce et importation gabonaise) qu’il fait son chemin dans la vente de produits alimentaires en demi-gros. Il se fait remarquer particulièrement en important les premières dames-jeannes au Gabon (contenants en verre d’une vingtaine de litres dans lesquels les vins se conservent bien). Bien entendu, confiseries, biscuits, pain, etc., occupent de plus en plus les rayons, l’heure pour lui de passer à la vitesse supérieure et de solliciter Unilevers. La confiance et la complicité issues de cette collaboration l’amènent ensuite à s’installer au Port Môle et c’est en 1989 qu’il achète et transforme en petite surface, au centre-ville, un bâtiment construit en 1958 par Bernabé.

Voici en bref le début de l’histoire de Bernard Azzi qui, après avoir commencé l’aventure avec deux amis, emploie à ce jour plus de 1000 collaborateurs et gère une dizaine de magasins dans tout Libreville. En 2020, au regard de la progression des activités de ces magasins, de la multiplication des références proposées, des besoins exprimés par leurs clients et pour répondre à son ambition de devenir le moteur de la distribution agroalimentaire, il va au-devant du groupe Carrefour, passage obligé pour prétendre atteindre la grande distribution.

Aujourd’hui, Prix Import est une franchise du groupe Carrefour. Ce changement est considérable : introduire des modèles types, adopter des technologies avancées, copier des savoir-faire, respecter des normes d’hygiène, travailler avec des scanners, gérer les stocks supervisés par un système informatique complexe, bref, moderniser l’ensemble des process… Ils sont loin le petit comptoir de quartier, le magasin du Port Môle et la supérette du centre-ville. Aujourd’hui, Carrefour Prix Import se délocalise et implante un Carrefour-Prix Import-Market à Ntoum. Nous avons cru comprendre qu’il ne s’agit que du début de l’expansion… Les Échos de l’Éco sont toujours chaleureusement accueillis par Bernard Azzi qui a accepté de répondre à nos questions.

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