DES CHIFFRES QUI S’EXPLIQUENT

En introduction à la conférence de presse organisée le 20 juin par le FMI dans la salle de conférence d’Arambo, Monsieur Mays Mouissi, ministre de l’Économie, a prononcé un discours dans lequel il retrace les éléments d’analyse du FMI, y apporte des éléments de compréhension qui constituent un bon complément à l’interview de Monsieur Charles M’Ba, ministre des Comptes publics.

L’analyse du Fonds monétaire international montre qu’après quatre années mouvementées, les perspectives pour l’Afrique subsaharienne s’améliorent, bien que timidement. La reprise est lente et la croissance passerait de 3,4% en 2023 à 3,8 % en 2024 avant d’atteindre 4 % en 2025.

Les déséquilibres macroéconomiques et budgétaires ont tendance à s’atténuer avec une baisse notamment de l’inflation, vue comme un déséquilibre entre l’offre et la demande des biens, sur fond de signaux positifs d’ouverture des marchés internationaux.

Cependant, tout n’est pas encore rose. La pénurie de financements se poursuit pour les États de la région qui doivent encore continuer à supporter des coûts d’emprunt élevés et procéder à des remboursements de dette importants et imminents. En conséquence, les perspectives de croissance demeurent exposées à des risques plutôt baissiers.

Dans ce contexte, les économies de la Cemac s’inscrivent dans une dynamique de reprise avec une hausse du PIB de 3,4 % en 2024 et de 3,1% en 2025 contre 2,7 % en 2023, selon le FMI.

Pour sa part, la dette a tendanciellement augmenté dans la Cemac et le taux d’endettement est estimé à 51,3% du PIB en 2024, contre une moyenne de 35,2% du PIB sur la période 2011-2019.

En ce qui concerne le Gabon, notre pays, il est important de rappeler que les changements institutionnels opérés depuis le 30 août 2023 sont un facteur à prendre en compte dans notre lecture des données présentées par le FMI et qui peuvent faire l’objet d’échanges. Certaines de ces statistiques sont projetées dans une logique du «laisser faire», c’est-à-dire à politique inchangée. 

De manière spécifique, le rapport prévoit pour le Gabon une croissance de 2,9 % en 2024, ce qui est proche des prévisions opérées en décembre 2023 dans la loi de finances. Pour le ministère de l’Économie, le PIB devrait croître plus rapidement en 2024, avec une accélération de la croissance économique à 3,6 %, tirée par la consolidation du secteur pétrole (4,6 % contre 2,3 % initialement projetés) et le renforcement des activités hors pétrole (3,5 %). De même, la tendance à moyen terme a également été révisée positivement pour refléter la volonté affirmée des autorités de la Transition de mettre sur les rails plusieurs projets et réformes structurelles de nature à redynamiser l’activité économique.

Pour ce qui concerne les prix, après 3,6% en 2023, l’inflation devrait décélérer pour se situer à 2,4 %, retrouvant ainsi un niveau conforme à la norme communautaire. C’est dans ce cadre que le gouvernement a mis en œuvre, en concertation avec les différents acteurs, une mercuriale de prix en lien avec la stratégie de lutte contre la vie chère. 

Sur le volet des finances publiques, le gouvernement de la Transition pense que la transparence doit être mise au service d’une meilleure gouvernance économique. 

La problématique se doit d’être bien cernée et comprise par toutes les parties pour permettre à tous et à chacun de contribuer à trouver la solution la plus adaptée. 

Nous avons donc pris, en toute responsabilité, l’option de déclarer des dépenses qui jusque-là n’étaient pas communiquées, même si cela donne à certains acteurs le sentiment que la dette a augmenté en l’espace de six mois.

Permettez-moi de rappeler qu’à partir de la formation du gouvernement de transition, mon collègue des Comptes publics et moi-même avons été chargés de dresser une sorte d’état des lieux des finances publiques de notre pays. À côté de cette approche interne, nous avons sollicité un regard extérieur. C’est ainsi qu’en marge des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale tenues à Marrakech, au Maroc, en octobre 2023, nous avions demandé aux responsables du FMI d’accélérer le déroulement d’une mission au titre de l’article IV à Libreville. À l’issue de ladite mission, qui s’est déroulée du 24 janvier au 6 février 2024, un rapport a été publié. Il indique que les niveaux des déficits budgétaires ont été révisés à la hausse, notamment pour les années 2022 et 2023. Cette situation reflète essentiellement la volonté des nouvelles autorités d’imprimer une plus grande transparence, même si elle se traduit par une position budgétaire apparente beaucoup plus fragile.

Concernant particulièrement les chiffres sur la dette du Gabon, il faudrait prendre en compte deux dimensions: celle du champ ouvert et celle de l’évolution observée. Sur le champ de l’analyse, la Direction générale de la dette administre les obligations du Trésor et les conventions de dette conclues entre l’État et l’acteur concerné. Compte tenu de ce que le gouvernement souhaitait avoir une exhaustivité des engagements de l’État, les données traitées par le FMI intègrent, en plus des statistiques de la Direction générale de la dette, la dette TVA, les instances du Trésor, les arriérés de salaire ainsi que les bons du Trésor. C’est ce qui donne un taux d’endettement de 70,5% du PIB à la fin décembre 2023 selon le FMI.

Sur la seconde dimension, relative à l’évolution de la dette, l’exercice de réalité des chiffres a permis de noter que le taux d’endettement en 2022, selon le FMI, était de 63,6% du PIB. Pour leur part, les engagements administrés par la DGD induisent un taux d’endettement de 58,2% du PIB en 2023 contre 55,9% en 2022.

Encore une fois, le rapport de l’article 4 avait pour objet d’aider le gouvernement de transition à faire le point sur la situation de nos finances publiques jusqu’en 2023. Donc, contrairement à ce qui se dit, la dette n’a pas explosé en 6 mois.

Plus spécifiquement, du 1er septembre 2023 au 30 avril 2024, les remboursements de la dette publique conventionnée ont représenté 798 mds de F CFA dont 588,7 en principal et 209,3 en intérêts. Sur la même période, les tirages effectués se sont établis à 485 mds de F CFA, soit un désendettement net de 104 mds. 

Je ne voudrais pas donner l’impression d’une bataille de chiffres. Ce qui nous intéresse, ce sont les perspectives. Comment concilier les défis du nécessaire développement d’un pays où tout est à reconstruire avec des marges budgétaires relativement limitées? Comment la dette publique peut-elle continuer à être un outil au service du développement compte tenu de notre histoire récente?

Les premiers éléments de réponse à ces interrogations résident dans les réformes économiques à mettre en œuvre.

En ce qui concerne les recettes, la dynamique impulsée dans les régies financières des douanes et des impôts se traduit depuis septembre 2023 par des performances comparativement aux prévisions de la loi de finances 2023 et même par rapport aux objectifs du budget 2024. Dans certains postes douaniers, les recettes ont même été multipliées par 10.

Le travail va se poursuivre, notamment avec un accent sur les systèmes d’information et la digitalisation. Dans ce sens, un projet pilote sur la TVA est en cours pour compléter le dispositif existant, notamment DigiTax qui a été renforcé aux impôts. Plus généralement, le gouvernement de transition a lancé d’importantes réformes structurelles pour améliorer la gestion des finances publiques. Il a pris des mesures pour : intégrer toutes les recettes et tous les paiements dans le compte unique de Trésor en vue de le rendre pleinement opérationnel rapidement, ce qui facilitera la gestion des ressources fiscales; intégrer les systèmes de gestion des ressources du gouvernement (recettes, Trésor, budget; promouvoir la digitalisation dans les services publics, y compris les paiements d’impôts. 

Enfin, nous avons créé une direction générale des participations pour aider le gouvernement à faire le monitoring des participations de l’État. 

Quant aux charges budgétaires, notre objectif n’est pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux. Nous portons un accent sur l’efficacité de la dépense. Toutefois, il me paraît important de rappeler que dans notre pays, les recrutements, les avancements catégoriels, les concours d’entrée dans les grandes écoles en lien avec l’administration publique ont été suspendus depuis plusieurs années. De même, le traitement des pensions de retraite n’a pas été à la hauteur des attentes de nos aînés.

Cette situation était de nature à dégrader le climat social, altérer la performance des agents et l’efficacité du service public. Sans qu’il soit question d’ériger l’État en principal pourvoyeur d’emplois pour résorber le chômage à la place du secteur privé, le gouvernement de transition se devait de corriger ce fait et de donner un souffle nouveau à notre administration qui était en sous-effectif dans certains secteurs sociaux sensibles comme la santé et l’éducation. 

À côté de cela, avec mon collègue des Comptes publics, nous travaillons pour que les produits de la dette aient la bonne affectation dans des projets dont l’impact est démontré, notamment en poursuivant les réformes visant à renforcer les processus d’investissement public tout en améliorant son taux d’exécution.

Concernant les comptes extérieurs et monétaires, nous poursuivons nos efforts aux côtés de la Banque centrale afin de renforcer les réserves de change à travers l’application de la réglementation des changes. Il n’est nul besoin de rappeler qu’il est bien que tous les acteurs du secteur productif participent au renforcement de la position monétaire.

Je souhaitais prononcer ces propos introductifs à la conférence donnée par le représentant résidant du FMI, Monsieur Agou Gomez. Je vous remercie.

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