LE FER EN ZONE CEMAC, MOTEUR DE LA DIVERSIFICATION ET DE L’INDUSTRIALISATION
L’Afrique centrale, longtemps dépendante des hydrocarbures, s’ouvre aujourd’hui à une nouvelle ère minière avec le fer, ce minerai essentiel à la sidérurgie et à l’industrie lourde. Dans la zone Cemac, les gisements identifiés représentent un potentiel considérable, susceptible de transformer non seulement les économies nationales, mais aussi la dynamique industrielle régionale. Alors que la demande mondiale en acier continue de croître et que la production d’acier brut s’est élevée à 1,883 milliard de tonnes en 2024, les pays de la Cemac voient désormais dans le fer un moteur de diversification économique, de création d’emplois et de développement des infrastructures. Les projets récents et en cours illustrent pleinement cette ambition : réhabilitation des chemins de fer, construction d’usines intégrées, partenariats stratégiques avec des investisseurs internationaux… autant de signes que le fer pourrait devenir la véritable colonne vertébrale de l’industrialisation d’Afrique centrale.
Au Congo-Brazzaville, le projet de Mayoko-Moussondji est emblématique. Avec des réserves estimées à 917 millions de tonnes, ce gisement a été attribué en 2023 au groupe turc Ulsan Mining. La production devrait démarrer en 2026 à 3 millions de tonnes par an, avec un objectif de 5 millions de tonnes d’ici 2028. La réussite de ce projet dépend fortement de la réhabilitation du rail Mayoko–Pointe-Noire, long de 465 km et sur lequel Ulsan investit plus de 737 millions d’euros. L’entreprise prévoit également une usine intégrée combinant pellets, fer de réduction directe et aciérie ainsi qu’une centrale électrique de 120 MW. Ce plan illustre une volonté de transformer le minerai sur place plutôt que de se limiter à l’exportation brute, et de positionner le Congo comme un pôle sidérurgique régional.
Le Gabon concentre deux gisements majeurs. Le projet de Baniaka, développé par l’Australien Genmin Limited en partenariat avec la société chinoise Shico, recèle 758,7 millions de tonnes à 36,7 % de teneur en fer. La production initiale est prévue à hauteur de 5 millions de tonnes par an avec un objectif de 10 millions à moyen terme. Le gisement de Belinga, exploité par l’Australien Fortescue Metals Group via Ivindo Iron SA, est estimé à environ 1 md de tonnes à haute teneur. Fortescue détient 80 % de la joint-venture, le fonds ATIF 20 % et l’État gabonais 10 %. Une première expédition a été réalisée en 2023, marquant le début de l’exploitation. Ces deux gisements illustrent la stratégie du Gabon : valoriser ses ressources de fer avec une transformation locale et créer de la valeur ajoutée au lieu d’exporter uniquement du minerai brut.
Le Cameroun possède également des ressources importantes avec les gisements de Mbalam-Nkout (220 millions de tonnes) et Mamelles (340 millions de tonnes), encore en développement. Ces projets s’appuient sur l’amélioration des infrastructures portuaires et ferroviaires pour permettre l’exportation vers l’Asie et l’Europe. La République centrafricaine (RCA) détient le gisement de Topa (moins de 500 millions de tonnes). Le Tchad et la Guinée équatoriale présentent un potentiel prospectif intéressant : la Guinée équatoriale cartographie d’ailleurs le Rio Muni pour attirer les investisseurs et diversifier son économie. Au regard de tous ces éléments, la Cemac pourrait devenir un acteur majeur du fer mondial grâce à ses réserves abondantes, avec le Congo et le Gabon qui à eux deux représentent 3 mds de tonnes confirmées, à la modernisation de ses infrastructures ferroviaires et portuaires, à l’industrialisation locale avec sidérurgie et production de pellets, et enfin, grâce à l’intérêt croissant des investisseurs internationaux, notamment chinois et turcs. L’objectif désormais est d’achever les infrastructures critiques, d’assurer la stabilité des investissements, de développer les compétences locales et de renforcer le cadre réglementaire et environnemental.
En mêlant tous ces éléments, le fer de la Cemac pourrait ainsi constituer la nouvelle colonne vertébrale de l’industrialisation régionale. Le Congo et le Gabon montrent la voie avec des projets avancés et des partenariats internationaux solides, tandis que le Cameroun, la RCA, le Tchad et la Guinée équatoriale préparent le terrain pour exploiter ce métal stratégique. Si les conditions sont réunies, la région pourrait devenir un acteur clé du marché mondial du fer, transformant le minerai en moteur de développement durable et industriel.

