COOPÉRATION BILATÉRALE GABON – TURQUIE : INTERVIEW DE S.E MONSIEUR CAN INCESU, AMBASSADEUR DE TURQUIE AU GABON

Les deux pays se sont engagés mutuellement à renforcer leur coopération bilatérale. En effet, depuis le début de cette année 2025, ils ont procédé à la signature de huit protocoles d’accord. Ces accords scellés couvrent des secteurs clés visant la diversification et la modernisation de l’économie gabonaise, la coopération renforcée dans les domaines de l’énergie, des hydrocarbures, du pétrole et du secteur minier, la mise en œuvre d’une aide financière. Ils entérinent également la création d’un conseil d’affaires Gabon-Turquie et des actions de coopération en matière de santé militaire et d’éducation, de formation professionnelle et d’enseignement technique. Pour ce qui est du secteur minier, le protocole de partenariat incite à une intensification des explorations et du développement des ressources minérales. Le Gabon, qui dispose de vastes réserves de manganèse, de fer et d’or, ambitionne ainsi de mieux structurer la chaîne de valeur minière avec l’appui de partenaires extérieurs. Avec ces accords, Ankara se positionne parmi les partenaires privilégiés du Gabon.

Commentconsidérez-vous les relations diplomatiques et économiques entre la Turquie et le Gabon?

La réponse est sans ambiguïté : elles sont excellentes. La récente visite officielle du président de la République gabonaise, S.E.M. Brice Clotaire Oligui Nguema, en Turquie, du 30 juillet au 2 août, ainsi que sa rencontre fructueuse avec le président turc, S.E.M. Recep Tayyip Erdoğan, témoignent de cette dynamique positive. Selon des sources turques, cette visite a été marquée par une impression générale de succès. Sur le plan diplomatique, on observe une complémentarité significative : alors que la Turquie soutient une vision d’Afrique forte et indépendante sur la scène internationale, le Gabon aspire à diversifier ses partenariats économiques et politiques. Du côté économique, la présence des entreprises turques au Gabon atteint des niveaux sans précédent. Cependant, l’intérêt croissant suscité par la visite du président Oligui Nguema laisse entrevoir que le potentiel d’exploitation de cette relation ne peut que progresser. 

Dans quels secteurs les entreprises turques sont-elles aujourd’hui particulièrement impliquées au Gabon?

Un des développements les plus stratégiques est sans conteste la reprise de l’industrie sucrière par l’entreprise turque MFB. Lors du forum d’affaires à Istanbul le 1er août, S.E.M. le Président a convié le fondateur, Monsieur Mehmet Faruk Baştürk, à partager son point de vue sur les opportunités qu’offre le Gabon. La production de sucre à partir de la canne à sucre locale est essentielle pour garantir l’autosuffisance alimentaire du pays et soutenir la prospérité des agriculteurs gabonais ainsi que des industries alimentaires, présentes et futures, dépendant du sucre. De plus, MFB a également acquis une minoterie locale et investit dans son amélioration pour accroître la production. D’autres secteurs voient aussi une forte présence turque, tels que l’énergie et la construction. Par exemple, Karpoweship fournit de l’électricité à Libreville depuis le début de l’année, tandis que l’entreprise Aksa s’inscrit dans le développement de centrales thermiques. Par ailleurs, le projet de centrale photovoltaïque à Mouila, porté par la société Desiba, est en bonne voie. Dans le secteur de la construction, des entreprises de renom comme Summa et FB Group contribuent à des projets notables dans la ville, témoignant de l’engagement turc envers le développement infrastructurel du Gabon.

   

Quels sont concrètement les projets d’investissement turcs en cours ou à venir dans le pays?

Parmi les initiatives notables, j’ai déjà souligné la sucrerie de MFB et la minoterie, qui représentent des investissements purs. De plus, il existe des projets dans le secteur de l’hôtellerie, dont deux hôtels de trois et cinq étoiles aux normes internationales à la Baie des Rois, à Libreville.  Les nouveaux contrats liés à la fourniture d’électricité et à la construction se mettent en place rapidement, souvent dans le cadre de partenariats public-privé, impliquant ainsi un investissement significatif de la part des entreprises turques. Je suis convaincu que cette liste de projets va rapidement s’enrichir et se diversifier vers de nombreux autres secteurs, notamment grâce aux échanges fructueux de S.E.M. le Président de la République en Turquie.

La Turquie est un acteur majeur du commerce international. Quelle place le Gabon occupe-t-il dans sa stratégie africaine?

Le Gabon se distingue comme une économie dynamique en Afrique, se classant parmi les pays de l’Union africaine au revenu par habitant le plus élevé, juste derrière deux nations insulaires de l’océan Indien. Les niveaux de vie des consommateurs turcs et gabonais sont comparables, ce qui est un atout majeur pour les échanges commerciaux. Nous nous réjouissons donc de voir nos marques d’électroménager, de meubles, d’habillement et de décoration s’implanter de plus en plus sur le marché gabonais, notamment à travers des magasins arborant leur propre enseigne. Sur le plan stratégique, les petites et moyennes entreprises (PME) constituent la force motrice de notre économie et nous nous attachons à créer des synergies entre nos PME et celles du Gabon. Nous organisons régulièrement des salons thématiques pour encourager la participation des entrepreneurs gabonais. De plus, nous coorganisons tous les deux ans un grand forum économique et d’affaires Turquie-Afrique avec l’Union africaine, qui se tiendra cette année les 16 et 17 octobre à Istanbul. Nous invitons toutes les entreprises gabonaises intéressées à y participer pour explorer de nouvelles opportunités de collaboration.

   

Quels mécanismes de coopération bilatérale pourraient être renforcés pour améliorer les échanges?

La commission mixte et le conseil d’affaires, qui existent depuis longtemps, sont des piliers établis de notre coopération. D’ailleurs, ce dernier a récemment été renouvelé lors du forum d’affaires bilatéral à Istanbul, le 1er août. Cependant, je pense que nous avons l’opportunité de consolider davantage ces mécanismes, notamment grâce à l’élan dynamique insufflé par les échanges entre les présidents Erdoğan et Oligui Nguema lors de la visite officielle. En renforçant notre collaboration dans des domaines comme l’énergie, l’agriculture et le commerce, nous pourrions maximiser les bénéfices mutuels et ouvrir de nouvelles avenues pour des partenariats fructueux entre nos deux nations.

Comment la Turquie perçoit-elle le potentiel logistique du Gabon en Afrique centrale?

Le Gabon, en tant que plaque tournante géographique de la région, présente un potentiel logistique indéniable. Nous saluons les efforts déjà déployés pour redynamiser Libreville en tant que hub majeur du transport aérien régional. De plus, le développement des infrastructures portuaires, routières et ferroviaires est essentiel pour renforcer l’intégration du marché centrafricain. Ces initiatives auront sans aucun doute un impact positif sur l’attractivité du pays pour les investissements directs, facilitant ainsi les échanges commerciaux et stimulant le développement économique de la région.

À votre avis, quels sont les leviers pour porter nos relations à un niveau supérieur?

Le levier principal réside dans l’esprit de dialogue sincère et amical qui a prévalu lors de la rencontre entre les deux présidents et leurs délégations à Ankara. Cet esprit constituera notre guide dans les futures collaborations, quels que soient les mécanismes et formats de réunion choisis. En cultivant cette atmosphère de confiance et d’ouverture, nous pourrons explorer de nouvelles opportunités de coopération, renforcer nos échanges bilatéraux et instaurer des partenariats durables qui bénéficieront mutuellement à nos pays.

FORUM D’AFFAIRES ET ÉCONOMIQUE TURQUIE – AFRIQUE (TABEF) 16 & 17 OCTOBRE 2025 AU CENTRE DES CONGRÈS D’ISTANBUL

Sous les auspices du ministère du Commerce de la République de Turquie, en coordination avec l’Union africaine, la cinquième édition du Tabef sera organisée par le Conseil des relations économiques extérieures de Turquie (DEİK).

Le forum sera honoré de la présence de S.E. M. Recep Tayyip Erdoğan, président de la Turquie, et de S.E. M. João Gonçalves Lourenço, président de la République d’Angola et président actuel de l’Union africaine. 

Le thème principal du forum est «Renforcer les relations Turquie-Afrique pour des gains mutuels», avec des secteurs prioritaires comprenant l’agriculture et l’alimentation, les énergies renouvelables et l’exploitation minière, le transport et la logistique, l’automobile, le textile, le bâtiment et les travaux publics, la défense et les technologies numériques.

Plus de 4000 participants turcs et africains

Le forum rassemblera plus de 4  000 professionnels venus de 48 pays du continent et de Turquie, y compris des représentants de la Banque africaine de développement (BAD), de l’Afreximbank, de la Turk Eximbank, des institutions financières internationales et régionales, de plusieurs ONG, des chambres de commerce et d’industrie, des présidents des conseils d’affaires Turquie-Afrique et leurs homologues africains, des associations professionnelles et entrepreneurs turcs et africains, des missions diplomatiques en Turquie et des médias turcs et africains.

Objectif du forum commercial Turquie-Afrique : 75 milliards de dollars US

Le volume commercial de la Turquie avec l’Afrique est passé de 5,4 mds de dollars USD en 2003 à 32,8 mds de dollars US l’an dernier, avec pour objectif final d’atteindre 50 puis 75 mds de dollars US. La Turquie souhaite renforcer ses relations économiques avec les pays africains selon le principe gagnant-gagnant, contribuant à l’intégration, au développement économique et à la croissance industrielle du continent. Les exportations turques vers l’Afrique ont atteint 21,5 mds de dollars US en 2024, tandis que la même année, les importations turques en provenance d’Afrique totalisaient 11,3 de mds dollars US.

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