LES FEMMES, ACTRICES SOUS-ESTIMEES DE LA CROISSANCE ECONOMIQUE AFRICAINE
Accéder au marché du travail, aux financements des banques, gérer ses propres biens… la route vers l’égalité de genre en Afrique est encore longue. Malgré quelques progrès, les discriminations de genre subsistent sur le continent africain, notamment dans la sphère économique.
Si l’inclusion grandissante des femmes dans la vie économique, politique et sociale de l’Afrique est devenue une réalité au cours des dernières années, des disparités persistent. Ainsi, selon un rapport du Forum économique mondial de juin 2023, « le taux de parité de genre développé se situe en moyenne à 68 % en Afrique, contre 76,3 % en Europe et 75 % en Amérique du Nord ». Un fait qui impacte l’économie où « les femmes ne génèrent qu’un peu plus de 33 % du produit intérieur brut (PIB) du continent, ce bien qu’elles représentent plus de la moitié de la population du continent », indique une récente étude du McKinsey Global Institute. Preuve donc que des efforts restent à fournir et que du chemin reste à faire pour arriver à une égalité entre les genres en Afrique.
En septembre 2018 déjà, le président de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina, alertait que le statu quo ne peut plus durer sur le continent et qu’« aucun pays ne peut véritablement aller de l’avant au 21e siècle s’il laisse de côté la moitié de ses talents », plaidait-il alors devant un parterre de personnalités durant la conférence FinDev Canada. En effet, indique la secrétaire générale sud-africaine du Parlement international de la jeunesse Thokozile Nhlumayo, « le rôle des femmes dans la sphère économique a toujours été négligé. Même encore aujourd’hui, bien qu’elles accomplissent de grandes choses, elles continuent à être privées de nombreux droits, sous-représentées et, triste constat, sous-protégées dans leurs activités économiques ». En somme, déplore la lauréate du programme Women In Africa (WIA) Young Leaders, « le statu quo n’est toujours pas favorable aux femmes en Afrique ». Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Inégalité, une réalité toujours présente
Ainsi, dans une étude publiée en mars 2023 portant sur l’égalité des genres en temps de crise, l’Organisation européenne de coopération économique (OCDE) dresse le constat amer que, malgré des avancées dans des pays comme l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, la Namibie, voire le Rwanda et le Gabon, « l’Afrique de manière générale, avec un résultat de 41, révèle un niveau de discrimination supérieur à la moyenne mondiale (30) dans les domaines de la famille, des libertés civiles, de l’intégrité physique et de l’accès aux ressources ».
Au niveau conjugal, observe la Nigériane Mariam Momodu, associée en droit des sociétés et droit commercial chez Dentons Canada LLP, « les femmes paient souvent le prix invisible du travail à la maison. Résultat : les hommes disposent en moyenne de 10 % de plus de temps que leur conjointe pour se consacrer à leurs activités entrepreneuriales et professionnelles ». Côté financier, elles ne sont pas mieux loties non plus.
Ainsi, révèle l’avocate considérée par le cabinet McKinsey comme l’une des 40 dirigeantes de la prochaine génération au Nigéria, « lorsqu’on se réfère au financement en capital-risque, seulement 7 % des femmes africaines ont accès à ce type d’investissement, alors qu’elles constituent plus de 20 % des fondateurs d’entreprises ». Une injustice historique due au fait qu’elles ont toujours été exclues et marginalisées, ajoute la militante issue de la Nation arc-en-ciel, qui a conduit aujourd’hui « à ce que les hommes disposent de six fois plus de capital que le sexe opposé dans le secteur de l’entrepreneuriat sur le continent ».
Les femmes, une opportunité économique pour l’Afrique
Or, force est de constater que la contribution des femmes profite à la vie économique africaine. Dans le secteur de l’agriculture par exemple, explique Thokozile Nhlumayo, « elles y sont les plus grandes contributrices avec plus de la moitié d’entre elles qui y constituent la main-d’œuvre », dans une filière qui représente plus de 25 % du PIB du continent. Pis encore, la promotion de l’égalité des genres pourrait entraîner une augmentation de 10 % du PIB sur le continent, soit 316 mds de dollars américains d’ici à 2025, selon le Partenariat mondial pour l’éducation. Cela dit, devant ces estimations, une question se pose : quelles sont les pistes qui contribueraient à exploiter ce potentiel féminin ?
Des pistes de solutions et initiatives émergent
« Bien qu’il y ait la question de l’éducation et de la formation, des prérequis pour répondre aux besoins du marché du travail en constante évolution », souligne Mariam Momodu, « il s’avère nécessaire de développer des compétences non techniques pour permettre aux femmes de gagner en confiance et les aider à prendre conscience de ce qu’elles peuvent accomplir ».
Au niveau réglementaire, mentionne la dirigeante de l’organisation parlementaire, « l’instauration de quotas de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises apparaît comme un point important », car selon une étude récente réalisée par le cabinet Heidrick & Struggles « actuellement, seuls 5 % des directeurs généraux dans le monde sont des femmes ». Or, lorsque les femmes occupent des postes de direction, le rendement est de 34 % supérieur à la moyenne.
On l’aura bien compris, sans l’inclusion des femmes dans le développement du continent, l’Afrique verra sa croissance économique limitée. Une situation face à laquelle un nombre grandissant d’organismes tentent de changer la donne en mettant en place des programmes spécifiques, à l’image de l’initiative panafricaine Affirmative Finance Action for Women in Africa (Afawa) de la Banque africaine de développement, dont l’objectif est de combler le déficit de financement qui affecte les femmes en Afrique, estimé à 42 mds de dollars. Le temps montrera si ces initiatives porteront leurs fruits.
Source : Le Point Afrique