« NOUS N’AVONS D’AUTRE CHOIX QUE DE FAIRE D’AUTRES CHOIX »
Organisées par le ministère de l’Économie et des Participations avec le soutien du Bureau de la coordination des Nations Unies, les assises nationales sur le financement du développement post-transition se sont tenues à Libreville les 17 et 18 mars 2025 sous la forme d’une plateforme d’échanges sur le défi majeur du développement du Gabon pour les prochaines décennies (la mobilisation des ressources, l’investissement et le financement du développement). Ces assises ont marqué la genèse du futur plan de développement du Gabon et les discussions ont permis d’établir un agenda des réformes prioritaires tout en préparant la participation du pays à la quatrième conférence internationale sur le financement du développement (FF4D) prévue à Séville, en Espagne, du 30 juin au 3 juillet 2025.
Le Gabon s’est engagé en 2023 dans une refonte de son modèle économique pour assurer une croissance plus durable et inclusive, avec la mise en œuvre du Plan national de développement pour la transition 2024-2026 qui constitue la feuille de route actuelle du gouvernement. L’ambition affirmée tout au long de ces assises est de transformer le financement du développement en un levier stratégique reposant sur l’innovation, la création de valeur et un renforcement de la coopération entre l’État, les investisseurs, les entreprises et les travailleurs. Dès l’ouverture, Mark Alexandre Doumba, ministre de l’Économie et des Participations, a souligné avec force : « Nous n’avons pas d’autre choix que de faire d’autres choix », mettant ainsi en lumière l’urgente nécessité de repenser le modèle économique du pays, caractérisé par une forte dépendance aux financements extérieurs et une production locale insuffisante. Le membre du gouvernement a souligné un indicateur particulièrement préoccupant : le revenu moyen par habitant est passé de 5,5 millions de F CFA en 1975 à 2,4 millions en 2024. Ce constat met en évidence la nécessité d’une transformation structurelle profonde afin de renforcer la production nationale, d’améliorer le climat des affaires et d’attirer des investisseurs dans des secteurs clés. L’objectif est de bâtir un Gabon prospère, résilient et innovant.
Le Gabon, qualifié de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure grâce à l’exploitation de ses ressources pétrolières et minières, demeure néanmoins vulnérable face aux chocs extérieurs. La croissance pour 2024 est estimée à 3,2 %, après avoir atteint 2,4 % en 2023. Toutefois, de nombreux défis persistent : un niveau d’endettement élevé (avec 55 % des recettes budgétaires consacrées au service de la dette), une diversification économique limitée, un secteur informel prédominant et un accès restreint aux financements internationaux.
La croissance lente du PIB par habitant est un marqueur d’un faible dynamisme dans un pays en cours de développement et au potentiel énorme.
Lancée depuis les années 2010, la politique de diversification de l’économie a connu des avancées, mais reste encore insuffisante pour une réelle transformation économique. Les exportations sont encore très largement dominées par le secteur extractif.
Le Gabon se trouve à un tournant passionnant pour évoluer vers un modèle économique innovant. Bien que la dépendance à l’exploitation des ressources naturelles présente des défis, elle offre également une opportunité de développement vers une diversification bénéfique. Investir dans les infrastructures pourrait à son tour soutenir cette transition.
Les enjeux de gouvernance peuvent être des leviers pour un financement plus ciblé et efficace du développement. En renforçant la gestion de la dette et en optimisant sa structure, le pays peut améliorer sa flexibilité budgétaire, ce qui pourrait revitaliser les dépenses sociales et stimuler l’investissement public.
De même, le secteur privé est en pleine croissance. En améliorant l’accès au foncier et en favorisant une meilleure compréhension des instruments financiers et des évolutions juridiques, on peut ouvrir la voie à de nouvelles opportunités et à une dynamique de croissance enrichissante.
Ainsi ces assises ont-elles permis aux participants d’échanger sur des solutions pérennes pour mobiliser des ressources et structurer une stratégie de financement durable. L’objectif final à atteindre est bien entendu de faire progresser le Gabon vers la diversification économique, mais également de réussir la transformation structurelle du modèle financier. Dans son discours de clôture, le ministre de l’Économie et des Participations a particulièrement insisté sur le nécessaire changement de système de pensée et de vision, avec la mise en œuvre d’un « nouveau modèle pro-business, pro-investissement et pro-innovation ». Ce changement pourrait se décliner en quatre grands axes issus des recommandations de ces assises : la soutenabilité budgétaire et la mobilisation des ressources, la diversification économique et la compétitivité des entreprises, la gouvernance et l’attractivité financière, et enfin, l’innovation financière durable.
L’un des piliers essentiels de cette stratégie repose sur la soutenabilité budgétaire et la mobilisation des ressources domestiques. Dans cette optique, des réformes fiscalo-douanières sont envisagées pour un élargissement de la base d’imposition, l’harmonisation de la fiscalité entre les différents opérateurs économiques et l’optimisation de la collecte des recettes grâce à la digitalisation. La lutte contre la fraude et l’évasion fiscales constituera également un levier clé de cette réforme. La nécessité d’une gestion crédible de l’endettement, en équilibrant les financements à court, moyen et long terme, a par ailleurs été mise en avant dans les recommandations finales de ces assises.
Diversification économique et compétitivité des entreprises
La politique de diversification économique s’orientera de façon renforcée vers des secteurs considérés comme stratégiques et émergents tels que l’agriculture durable, le tourisme et les technologies de l’information. Il s’agit de réduire la dépendance du pays aux fluctuations des cours des matières premières et de stimuler une croissance plus inclusive. Une agro-industrie moderne et efficiente, axée sur des activités à forte valeur ajoutée comme le textile et la pharmacopée, permettra de réduire significativement la dépendance du pays aux importations. L’exploitation rationnelle des ressources naturelles devra, quant à elle, s’appuyer sur des institutions publiques fortes et des incitations adaptées au secteur privé.
Le gouvernement entend également encourager l’émergence d’entrepreneurs et de champions nationaux innovants. Dans cette dynamique, la sécurisation de l’accès des TPE et PME aux financements sera améliorée par le renforcement des dispositifs de garantie et d’assurance leur permettant de mieux absorber les chocs économiques et d’investir dans leur développement.
Gouvernance et attractivité financière
La gestion optimale des ressources publiques nécessite une transparence, soutenue par la visibilité des données financières et des mécanismes de redevabilité.
L’adhésion à toutes les banques multilatérales de développement africaines ainsi que l’établissement de partenariats avec des fonds d’infrastructures seront par ailleurs des leviers cruciaux pour financer les projets structurants indispensables du pays. La multiplication de zones industrielles inspirées du modèle de Nkok favorisera également la transformation locale des ressources et la valorisation des chaînes de valeur.
Innovation financière durable
Enfin, l’adoption de dispositifs financiers innovants, combinée à la mise en œuvre de solutions de financements verts et climatiques, et à l’amélioration des dispositifs législatifs et réglementaires en la matière devrait permettre une plus large mobilisation et sécurisation des fonds.
Le Gabon travaille à l’élaboration d’une feuille de route ambitieuse. L’enjeu réside désormais dans la mise en œuvre des réformes nécessaires à la relance économique inclusive et durable.