LE GABON SE RÉFORME, L’ONU ÉCOUTE ET ACCOMPAGNE
L’Organisation des Nations Unies (ONU) est l’alliance de 193 États membres, parmi lesquels le Gabon. Sa mission est de maintenir la paix et la sécurité et de protéger les droits humains. Au niveau de chaque pays membre, l’ONU est dirigée par un coordonnateur résident qui représente le secrétaire général des Nations Unies et coordonne l’équipe-pays composée des chefs des diverses entités du système. Ce dernier comprend différents fonds, programmes et agences techniques. Au Gabon, le poste du coordonnateur résident est occupé depuis mi 2021 par Madame Savina Ammassari dont la fonction est de coordonner les activités opérationnelles du système des Nations Unies pour le développement de la République gabonaise. Elle représente l’ONU auprès des plus hautes instances de l’État et facilite l’engagement avec le gouvernement, la société civile, les partenaires bilatéraux et multilatéraux, le secteur privé et le monde académique afin d’aligner l’action du système onusien sur les priorités nationales et les défis du développement durable.
Savina Ammassari dirige l’équipe-pays des Nations Unies (UNCT en anglais), constituée au Gabon de plus de 25 entités onusiennes, dans l’élaboration, le suivi et la mise en œuvre du Cadre de coopération des Nations Unies, en concertation avec le gouvernement et les partenaires. Elle coordonne ainsi l’appui du système onusien aux autorités nationales, en adoptant une approche impartiale et préventive pour identifier et atténuer les risques susceptibles d’entraver l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD). Elle joue un rôle clé dans la mobilisation et l’orientation des agences, fonds et programmes des Nations Unies pour maximiser leur impact et appuie les représentants résidents des agences dans la réalisation de leurs mandats respectifs. Elle coordonne également l’analyse des dynamiques nationales et des tendances émergentes afin d’éclairer la prise de décision et renforcer l’efficacité de l’action onusienne. Nous avons saisi l’opportunité de rencontrer Madame Ammassari lors des Assises nationales sur le financement du développement post-transition organisées les 17 et 18 mars 2025 à Libreville.
L’Organisation des Nations Unies soutient le développement du Gabon avec l’appui coordonné de 25 entités onusiennes. Madame Ammassari, vous occupez ce poste depuis bientôt 4 ans. Quels sont les points forts qui marqueront votre mission au Gabon ?
Depuis près de quatre ans, j’ai effectivement eu l’honneur de diriger l’équipe-pays des Nations Unies au Gabon qui regroupe plus de 20 entités, dont la moitié environ est physiquement présente dans le pays. Parmi ces dernières figurent cinq programmes et fonds (PNUD, Unicef, FNUAP, UNCDF et Onusida) et cinq agences spécialisées (FAO, OMS, Unesco, ONUDC, OIM et ONUFemmes). Nous bénéficions également de la collaboration de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, et de la présence du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (Unoca) qui joue un rôle clé en matière de diplomatie préventive et de consolidation de la paix dans la région.
Aujourd’hui, je sens une grande satisfaction de ce que nous avons pu accomplir avec l’équipe-pays dans un contexte à la fois exigeant et porteur d’opportunités. Plusieurs points forts marquent cette mission et traduisent l’engagement collectif des agences, fonds et programmes présents dans le pays.
Premièrement, nous avons consolidé un partenariat stratégique avec le gouvernement gabonais, notamment à travers l’élaboration et la mise en œuvre du Cadre de coopération des Nations Unies pour le développement durable 2023-2027. Ce cadre a permis d’aligner les priorités nationales et les objectifs de développement durable en tenant compte des spécificités gabonaises, notamment la transition économique et la préservation du capital naturel.
Deuxièmement, durant ma mission, j’ai accompagné le système des Nations Unies dans la gestion de situations complexes telles que les tensions sociopolitiques lors des élections de 2023 et la période de transition actuelle. Nous avons œuvré, aux côtés de l’Unoca et des autres partenaires, pour promouvoir le dialogue et la stabilité tout en assurant la continuité des programmes essentiels pour les populations. Nous avons également soutenu le Gabon dans sa transition et le renforcement de ses institutions vers un ordre constitutionnel.
J’ai veillé à renforcer la cohérence et la synergie entre les différentes entités onusiennes présentes au Gabon. Ensemble, nous avons conduit des initiatives conjointes sur des thématiques clés comme la bonne gouvernance et les droits de l’Homme, l’éducation et l’emploi, la santé et la protection sociale, l’autonomisation des femmes et des jeunes, et l’action climatique, en mobilisant des expertises variées et en optimisant nos ressources. En favorisant un environnement de travail inclusif et collaboratif, nous avons accru l’efficacité de notre action collective et renforcé la confiance avec nos interlocuteurs nationaux et internationaux.
Troisièmement, nous avons réussi à nouer des partenariats innovants avec le secteur privé, la société civile et les bailleurs de fonds, permettant de mobiliser des financements additionnels pour appuyer les priorités nationales. Ces alliances stratégiques ont également permis d’accroître la visibilité de l’action des Nations Unies et de renforcer l’impact de nos interventions. La mise en place par la Primature d’une plateforme de coordination des partenaires techniques et financiers est un résultat marquant qui va encore améliorer la coordination des appuis et des investissements dans les années à venir. Ces réalisations sont le fruit d’un engagement partagé et d’une collaboration étroite avec l’ensemble des entités du système des Nations Unies, ainsi qu’avec nos partenaires nationaux et internationaux.
Vous avez participé, aux côtés du vice-président de la République, Monsieur Joseph Owondault Berre, à la cérémonie d’ouverture des assises qui se sont déroulées les 17 et 18 mars dernier. Quel a été votre rôle précis ?
Lors de la cérémonie d’ouverture des Assises nationales sur le financement du développement post-transition, j’ai eu l’honneur de représenter le système des Nations Unies et de réaffirmer son engagement en tant que partenaire stratégique du Gabon dans cette phase cruciale de son parcours. Mon intervention, aux côtés de Monsieur le Vice-Président de la République et d’autres hautes autorités nationales, s’est inscrite dans une dynamique d’appui aux priorités de la transition en faveur d’une gouvernance plus inclusive et d’un développement durable.
En tant que coordonnatrice résidente des Nations Unies, j’ai souligné dans mon allocution l’importance de ces assises comme catalyseur d’une stratégie de financement cohérente et intégrée, essentielle pour relever les défis du Gabon. J’ai mis en avant les enjeux prioritaires, notamment la diversification économique, la soutenabilité de la dette et l’accès aux financements innovants. J’ai également souligné l’appui technique et l’expertise mobilisés par le PNUD et d’autres agences onusiennes, telles que la FAO et l’UNCDF, pour élaborer des solutions concrètes adaptées au contexte national et favoriser la mobilisation de financements verts et bleus innovants. Grâce à ses vastes ressources naturelles, le Gabon dispose d’un potentiel considérable dans ce domaine, qui mérite d’être pleinement valorisé. Mon intervention a aussi été l’occasion d’insister sur la nécessité de renforcer la transparence et l’efficacité dans la mobilisation et l’utilisation durable des ressources, en appelant à une implication accrue de toutes les parties prenantes : secteur public, secteur privé, partenaires techniques et financiers, et société civile. J’ai réaffirmé l’importance d’aligner les stratégies de financement du Gabon avec les grands agendas internationaux, notamment les objectifs de développement durable et les initiatives climatiques mondiales, afin de maximiser l’impact social et environnemental des investissements.
Dans cette allocution, j’ai réitéré l’engagement du système des Nations Unies à accompagner le Gabon dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une feuille de route ambitieuse et inclusive. Celle-ci constituera un socle essentiel pour la future stratégie nationale de financement du développement et sera portée au niveau international lors de la Conférence de Séville sur le financement du développement qui se tiendra du 30 juin au 3 juillet prochains.
Quel bilan faites-vous de ces Assises nationales sur le financement du développement post-transition ?
Le bilan des Assises nationales sur le financement du développement post-transition est extrêmement positif, tant sur le fond que sur la forme. Pendant deux jours, elles ont réuni un large éventail d’acteurs – autorités nationales et locales, secteur privé, société civile, monde académique et partenaires au développement – dans un esprit de dialogue constructif et d’engagement collectif. Cette rencontre a permis d’établir un diagnostic clair et partagé des défis auxquels le Gabon est confronté, notamment la faible diversification économique, la vulnérabilité aux chocs extérieurs, la soutenabilité de la dette publique et les difficultés d’accès au financement, en particulier pour les PME et les jeunes entrepreneurs. Elle a également mis en lumière le potentiel encore largement sous-exploité du pays dans des secteurs stratégiques comme la finance climatique, les obligations vertes et bleues, les partenariats public-privé et les marchés du carbone.
Au-delà du diagnostic, ces assises ont abouti à des recommandations concrètes et ambitieuses visant à renforcer la gouvernance financière, mobiliser davantage de ressources domestiques, adopter des instruments de financement innovants et améliorer l’environnement des affaires afin de stimuler l’investissement privé. Elles ont également posé les bases d’une feuille de route nationale pour une stratégie de financement du développement plus intégrée, inclusive et résiliente qui sera présentée à la Conférence de Séville sur le financement du développement.
Il est désormais essentiel d’approfondir certaines thématiques en concertation avec l’ensemble des parties prenantes afin de définir des stratégies viables et durables adaptées à chaque secteur. Par exemple, une approche stratégique sera indispensable pour optimiser l’exploitation des ressources naturelles comme le bois et la pêche tout en garantissant la préservation du capital naturel. Il s’agit de concilier développement économique et durabilité environnementale afin de répondre aux besoins actuels sans compromettre ceux des générations futures. Le système des Nations Unies se félicite de la forte appropriation nationale de ce processus et réaffirme son engagement à accompagner la mise en œuvre des réformes issues de ces travaux.
Au regard des discussions qui ont eu lieu, quels sont les principaux défis du Gabon en matière de financement du développement ?
Dans ce contexte de bouleversement de l’architecture du financement mondial et de transformations économiques qui redéfinissent les règles du jeu, les débats sur le financement du développement ont naturellement suscité un intérêt considérable. La salle était pleine jusqu’à tard le soir et les échanges ont débordé les temps initialement impartis. Les panels ont aussi partagé l’expérience d’autres pays africains, offrant ainsi une perspective éclairante sur les défis et les opportunités à venir pour le Gabon.
Vous savez, malgré des efforts louables pour diversifier son économie au-delà du secteur pétrolier, le Gabon est encore en pleine transformation. La forte dépendance aux revenus pétroliers expose le budget national aux aléas des marchés internationaux, ce qui rend plus difficile le financement des investissements essentiels dans des domaines clés comme l’éducation, la santé et les infrastructures.
D’un autre côté, le fardeau du service de la dette restreint considérablement l’espace de manœuvre de l’État. Ce poids, associé à la difficulté d’accès aux financements concessionnels en raison du statut de pays à revenu intermédiaire supérieur, l’oblige à recourir davantage aux financements commerciaux, souvent à des conditions moins favorables. Certes, la digitalisation a permis une hausse appréciable des recettes fiscales et douanières, comme l’ont souligné les représentants des administrations concernées, mais il reste encore beaucoup à faire pour exploiter pleinement le potentiel des ressources internes.
Au-delà des finances publiques, les différents panélistes ont insisté sur le manque de financements adaptés pour les petites et moyennes entreprises, et les très petites entreprises. Cependant, on a noté une panoplie d’instruments créés qui vont densifier à n’en pas douter le secteur privé et le rendre plus dynamique. Les panélistes ont insisté sur les taux d’intérêt élevés et sur les garanties importantes exigées, rendant difficile l’obtention de prêts. Le faible développement des fonds de capital-investissement, de garantie et d’amorçage pour soutenir les entrepreneurs n’est pas à négliger non plus.
Il est donc important de garder à l’esprit qu’un climat des affaires stable et sécurisant – qui prend en compte les préoccupations de facilitation à faire des affaires – est indispensable pour renforcer le tissu des petites et moyennes entreprises, véritables moteurs de la croissance locale. À ce titre, l’ambition du Gabon de transformer localement les matières premières dans les prochaines années témoigne d’une volonté forte de créer une véritable valeur ajoutée nationale.
Pour répondre à ce dilemme, il est crucial d’opter pour des solutions mixtes, innovantes et coordonnées. Le Gabon doit progresser vers un cadre national de financement intégré, qui combine intelligemment ressources publiques, privées, nationales et internationales, afin de relever efficacement les défis du développement. Parallèlement, renforcer la planification stratégique en articulant des réformes économiques structurelles avec des mécanismes inclusifs apparaît comme une nécessité pour s’assurer que personne ne soit laissé pour compte.
La dette publique a été un sujet clé lors des assises. Quelle approche recommandez-vous pour assurer une gestion soutenable de la dette tout en finançant les besoins en infrastructures et en services sociaux ?
Vous avez raison, cette question a été posée avec une acuité particulière. Tant le niveau que le modèle d’endettement actuels réduisent les marges de manœuvre budgétaires pour les dépenses sociales et les investissements publics. Avant de répondre, permettez-moi de saluer d’emblée les efforts des autorités visant notamment à réduire la dette intérieure et extérieure.
À mon sens, la gestion de la dette relève avant tout d’une planification stratégique et rigoureuse du développement. Le Gabon l’a bien saisi en restaurant le Commissariat général au Plan dans le ministère de la Planification et de la Prospective sous le leadership du vice-premier ministre, une initiative que nous soutenons techniquement depuis lors.
Il apparaît donc indispensable de mettre en œuvre une stratégie d’endettement crédible à court et moyen terme tout en promouvant une gouvernance exemplaire des ressources publiques. Une transparence soutenue, avec une prévisibilité et une disponibilité accrue des données financières, est essentielle pour regagner la confiance des investisseurs et des partenaires financiers. Cela passe par l’amélioration des outils et des procédures de programmation et de suivi, ainsi que par le renforcement des capacités nationales à analyser la viabilité de la dette.
Concrètement, il s’agit d’optimiser la structure de la dette et de promouvoir une diversification des sources de financement. Même si le Gabon n’est pas éligible aux financements concessionnels traditionnels, le pays peut valoriser ses potentialités naturelles en s’appuyant sur des solutions de financement vert et climatique afin de réduire le coût de sa dette, d’améliorer ses marges budgétaires et de soutenir sa transformation économique.
Par ailleurs, pour financer les investissements indispensables dans les infrastructures et les services sociaux, il est crucial d’adopter une approche intégrée qui repense à la fois la politique des avantages fiscaux et des subventions et la diversification des mécanismes de financement. D’une part, il s’agit de revoir ces dispositifs afin que l’aide financière de l’État profite en priorité aux populations les plus vulnérables, renforçant ainsi l’impact des mesures de protection sociale. D’autre part, le développement de partenariats public-privé se présente comme une solution stratégique majeure : en attirant des investissements privés dans des secteurs clés – énergie, transports, télécommunications et digitalisation –, le Gabon pourra réaliser des projets ambitieux sans alourdir indûment les finances publiques, d’autant que l’intégration de mécanismes hybrides permet de combiner efficacement ressources publiques et privées.
Ainsi, en articulant ces différents volets – optimisation de la dette, gouvernance renforcée, révision ciblée des dispositifs fiscaux et des subventions, diversification des financements et développement de partenariats –, le Gabon pourra transformer sa dette en un véritable levier de développement soutenant une croissance inclusive et durable dans un monde en perpétuelle évolution.
Les financements innovants sont de plus en plus évoqués (fonds verts, émissions d’obligations durables) ou utilisés (partenariats public-privé). Quelle est la place de ces instruments dans la stratégie financière du Gabon ?
En analysant l’écosystème actuel du financement du développement au Gabon, je pense que les instruments de financement climatique doivent occuper une place stratégique et prioritaire dans la feuille de route qui sera déclinée. La communauté internationale a largement reconnu le potentiel environnemental unique dont dispose le Gabon. Donc, s’il est exploité de manière coordonnée, il peut non seulement contribuer à la diversification des sources de capitaux, mais également soutenir la transition vers une économie bas carbone.
Prenons, par exemple, les obligations vertes et bleues. Ces instruments permettent d’allouer des ressources à long terme aux projets de transition énergétique, à la gestion durable des forêts, à la résilience des infrastructures et à la protection des écosystèmes côtiers. Ils offrent au Gabon l’opportunité d’attirer des investissements internationaux, tout en assurant une gestion soutenable de sa dette. Le Gabon a déjà commencé la mobilisation de fonds climatiques à travers les paiements basés sur les résultats (CAFI) et l’obligation bleue qui est une initiative intéressante.
Ensuite, les crédits carbone représentent un levier de financement particulièrement prometteur. Cependant, pour qu’ils deviennent une source crédible et pérenne de revenus pour le pays, il est impératif de relever plusieurs défis. Premièrement, il faut garantir « l’additionnalité » : les projets financés doivent engendrer des réductions d’émissions réellement supplémentaires. Deuxièmement, il est crucial de clarifier les questions de propriété des crédits carbone, notamment dans le contexte de l’intérêt du secteur privé, afin de lever les incertitudes juridiques qui freinent leur développement.
Pour ce faire, le gouvernement doit instaurer un cadre de gouvernance robuste et faire éclore tout l’écosystème nécessaire, notamment les compétences techniques clés. Le gouvernement a déjà amorcé cette démarche avec la création de l’Agence gabonaise pour le développement de l’économie verte (Agadev), en améliorant le dispositif juridique et en développant les capacités techniques nécessaires au suivi, à la certification et à la commercialisation de ces crédits.
Quel rôle les institutions des Nations Unies vont-elles jouer à la suite de ces assises pour accompagner le Gabon dans la mise en œuvre des recommandations ?
Notre détermination, lorsque nous avons décidé de soutenir ces assises, reste inchangée. Nous sommes résolument engagés à travailler main dans la main avec les autorités gabonaises pour transformer ces orientations en actions concrètes et mesurables, car il s’agit ici d’un moment charnière pour le développement du pays.
Au terme de ces assises, notre mission est claire : soutenir le Gabon dans l’élaboration d’une feuille de route opérationnelle qui débouchera sur une stratégie de financement réaliste et efficace intégrant l’ensemble des priorités stratégiques identifiées. En étroite collaboration avec le ministère de l’Économie et des Participations et les autres ministères – parce que ceci doit être un effort éminemment multisectoriel –, nous mobiliserons les ressources nécessaires pour mettre en place une task force multidisciplinaire rassemblant des experts nationaux et internationaux, chargée non seulement de définir les actions prioritaires, mais aussi d’assurer leur mise en œuvre et leur suivi rigoureux afin de transformer le profil économique et de développement durable du pays.
En parallèle, nous continuerons à soutenir le plaidoyer du Gabon sur la scène internationale pour obtenir une juste rétribution de ses efforts de conservation. La Déclaration de Libreville issue de ces assises sera un levier stratégique majeur lors de la Conférence de Séville, illustrant la vision audacieuse du pays et sa capacité à attirer les investissements indispensables à sa transition durable qui sont une ambition affirmée des autorités et une attente réelle de la population.
Bien entendu, notre action ne se limite pas au périmètre de ces assises. Avec l’appui de l’ensemble des entités du système des Nations Unies et des partenaires techniques et financiers, nous continuerons à accompagner les autorités gabonaises dans le cadre de l’atteinte des objectifs des piliers stratégiques de notre Plan-cadre de coopération pour le développement durable du Gabon 2023-2027 des Nations Unies. Grâce à l’avantage comparatif des entités du système des Nations Unies et la volonté affichée des autorités de transition, je reste convaincue que le Gabon pourra progressivement relever ses défis et favoriser la promotion d’une croissance inclusive, résiliente et durable dans un monde en perpétuelle mutation.
Au-delà du financement, quels secteurs clés (éducation, santé, climat, diversification économique, etc.) nécessitent selon vous un accompagnement prioritaire ?
Au-delà de la question essentielle du financement, si je devais souligner les secteurs nécessitant un accompagnement prioritaire, je dirais spontanément l’emploi et la formation professionnelle, en particulier des jeunes. Aujourd’hui, on note un nombre important de personnes sans emploi, notamment des jeunes et aussi des femmes, ce qui constitue non seulement un défi économique majeur, mais aussi un enjeu social urgent pour la stabilité, la cohésion nationale et intergénérationnelle ainsi que pour la protection sociale.
Toutefois, à mes yeux, il ne fait aucun doute que le Gabon dispose des ressources et du potentiel nécessaires pour relever ce défi. Pour y parvenir, une réforme profonde du système éducatif est indispensable. Cette réforme doit aller bien au-delà d’une simple révision des programmes scolaires : elle doit assurer une réelle adéquation entre la formation offerte aux jeunes et les besoins réels du marché de l’emploi. Cela implique une stratégie éducative et de formation technique et professionnelle solide, le renforcement des capacités des enseignants et aussi des investissements plus significatifs dans les systèmes de collecte et d’analyse des données, permettant ainsi une prise de décisions éclairée et adaptée aux réalités du pays.
En parallèle, la diversification économique reste un levier crucial. Le Gabon bénéficie d’atouts naturels exceptionnels et d’un capital humain capable de porter le développement de secteurs stratégiques tels que l’agriculture durable, le numérique et les industries extractives à haute valeur ajoutée. Je crois sincèrement en la capacité du pays à saisir pleinement ces opportunités et ainsi à générer des emplois durables et inclusifs.
Enfin, favoriser l’émergence de champions nationaux dans le secteur privé est essentiel pour réussir cette diversification économique. Créer un cadre favorable à l’innovation, renforcer les partenariats public-privé et appuyer fortement l’entrepreneuriat permettra au Gabon non seulement de relever ses défis immédiats, mais également de s’affirmer comme un acteur économique majeur, tant au niveau régional qu’international. Et cela nous ramène à l’importance de créer les conditions favorables à l’accession au crédit.
À la lumière des discussions lors des assises, quelle est la vision du développement durable et inclusif pour le Gabon d’ici 2030 ?
À cinq ans de l’échéance des objectifs de développement durable, ces assises arrivent à un moment particulièrement opportun. Elles ont permis aux participants d’identifier les pistes sur lesquelles le Gabon doit avancer. Selon le rapport sur les ODD de 2024, qui mesure les tendances des pays vers l’atteinte des ODD, le Gabon a obtenu un score global de 64,9 sur 100 contre 61,4 en 2015. Cela montre que des progrès ont été réalisés et il y a de quoi être optimiste sur le potentiel du pays. Cependant, il est essentiel de reconnaître qu’il reste encore des défis importants, notamment dans des domaines clés comme l’éducation et la formation professionnelle, la santé et la protection sociale, l’innovation technologique, l’agriculture durable et les industries à forte valeur ajoutée, qui nécessitent une attention continue et des efforts ciblés.
À la lumière des discussions, je dirais que la vision du Gabon pour 2030 peut se résumer ainsi : un pays plus diversifié, plus inclusif, plus résilient et durable. Elle se fonde sur trois priorités stratégiques.
La première de ces priorités est de renforcer les mécanismes de planification stratégique et de gouvernance, afin de créer un écosystème économique et financier plus propice à l’innovation et à la diversification de l’économie. Cela inclut un soutien renforcé au secteur privé, notamment pour stimuler l’innovation et créer des opportunités économiques, en particulier pour les jeunes et les femmes. L’objectif ici est de réduire la dépendance du Gabon au pétrole et de promouvoir une économie plus diversifiée et résiliente. Il est crucial de mettre en avant des secteurs porteurs comme l’agriculture et la pêche durable, le tourisme, la numérisation et la digitalisation ainsi que les technologies de l’information et de la communication, qui peuvent catalyser la diversification et contribuer à une croissance plus durable et inclusive.
La deuxième priorité consiste à exploiter davantage les instruments de financement disponibles. La cartographie des financements présentée lors des assises met en lumière de nombreuses opportunités. Qu’il s’agisse des niches fiscales, de la banque de développement sous-régional, du marché financier sous-régional, des partenariats public-privé, des fonds d’investissement à impact social ou des obligations vertes, le Gabon dispose d’un large éventail de mécanismes financiers pour soutenir ses ambitions de développement. Ceci est d’autant plus vrai que le pays a été avant-gardiste en matière de mobilisation de ressources climatiques. Son leadership environnemental représente un atout précieux pour attirer davantage de financements, en particulier dans le secteur de l’énergie et des infrastructures durables. La mobilisation de ces financements est essentielle pour soutenir la transition énergétique et renforcer les infrastructures nécessaires à un développement inclusif et durable.
Enfin, la troisième priorité est de mieux gérer les fonds publics et privés afin de promouvoir une société plus inclusive, en mettant l’accent sur la réduction des inégalités et du chômage, l’amélioration de l’accès à un travail décent, particulièrement envers les jeunes et les femmes. Il est crucial de renforcer l’éducation et la formation professionnelle et de favoriser l’emploi et l’entrepreneuriat, notamment dans des secteurs stratégiques comme la transformation des matières premières comme le bois, les chaînes de valeur de l’agriculture et de l’élevage, le tourisme, et plus généralement, les services et les industries créatives qui peuvent offrir des opportunités d’emploi et de développement économique. La valorisation de ces industries constitue une piste importante pour l’intégration des jeunes et des femmes dans des secteurs en pleine croissance, tout en garantissant la cohésion sociale et le développement durable.
Ce qui me rassure vraiment, c’est que toutes ces priorités qui ont émergé des discussions sont intégrées tant dans notre Plan-cadre de coopération pour le développement durable du Gabon que dans le Plan national de développement de la transition. Cela montre que nous partageons la même vision et que nous sommes sur la bonne voie.
Enfin, quel message souhaitez-vous adresser aux partenaires du Gabon, qu’ils soient nationaux ou internationaux ?
À tous nos partenaires, qu’ils soient nationaux ou internationaux, je lance un appel à l’action collective. Le Gabon, comme beaucoup d’autres pays, fait face à des défis importants et interconnectés, mais aussi à de réelles opportunités de transformation. Ces défis, nous ne pourrons les surmonter seuls, mais uniquement ensemble, dans un esprit de solidarité et de coopération.
Le Gabon aspire à de grandes ambitions, notamment dans des domaines clés comme la digitalisation de l’administration, l’amélioration des systèmes statistiques pour une meilleure prise de décision des politiques publiques, la collecte des revenus de l’État et la gestion des finances publiques ou la construction d’infrastructures pour stimuler la circulation des biens et des personnes et l’accès aux services sociaux de base.
Mais il a besoin du soutien de ses partenaires pour aller encore plus loin et renforcer ses efforts. Pour cela, il est crucial que chaque acteur – gouvernement, collectivités locales, société civile, communautés, secteur privé, monde académique, partenaires au développement – soit pleinement engagé. Il est temps de renforcer notre collaboration et coordination pour « faire plus avec moins » dans un fort esprit d’efficience et transparence afin de concrétiser ensemble la vision et les objectifs que nous partageons, en particulier dans des secteurs stratégiques où des progrès tangibles peuvent être réalisés rapidement.
Nous avons tous un rôle à jouer et pouvons faire mieux. Ensemble, nous pouvons faire une réelle différence pour que toutes les populations, peu importe où elles se trouvent au Gabon, puissent bénéficier de cette transformation.