LA FILIÈRE BOVINE AU GABON : UNE REVOLUTION ECONOMIQUE EN MARCHE
Le secteur de l’élevage bovin gabonais est à un tournant décisif. Face à des défis structurels en matière de sécurité alimentaire, les plus hautes autorités ont entrepris un virage stratégique en soutenant l’extension du cheptel national. À travers des initiatives phares comme le projet « Grande Mayumba » et l’importation de 1 000 bovins du Brésil, le Gabon entend non seulement renforcer sa production alimentaire, mais aussi transformer l’élevage bovin en un levier de croissance économique. Ces ambitions s’inscrivent dans une vision à long terme : faire de l’agriculture un pilier incontournable de l’économie nationale, capable de créer de la richesse et de réduire la dépendance extérieure.
Le projet « Grande Mayumba » repose sur un partenariat public-privé entre le Gabon et SFM Africa, et constitue la pierre angulaire de la stratégie de diversification du gouvernement. Le ranch de 100 000 hectares, actuellement doté de 5 000 têtes de bétail, doit voir son cheptel quintupler d’ici 2035 jusqu’à atteindre 25 000 têtes de bétail. Un objectif ambitieux, mais réaliste, inspiré par des exemples africains réussis. Le Burkina Faso, par exemple, a augmenté son cheptel de 40 % en dix ans, devenant un acteur majeur de l’élevage en Afrique de l’Ouest. À travers cette relance, le Gabon vise à stimuler l’autosuffisance alimentaire, avec la production de viande et de lait comme moteurs principaux. Si l’on se réfère aux statistiques de pays voisins comme le Cameroun, où l’élevage bovin génère près de 500 millions de dollars par an, le Gabon peut légitimement espérer des résultats similaires, voire supérieurs.
Mais le véritable potentiel de l’élevage bovin au Gabon réside dans la valorisation de ses produits dérivés, qui pourraient transformer le secteur en un moteur d’exportation. Les produits dérivés sont une ressource inexploitée alors même que leur valeur ajoutée est importante. Le cuir et les produits laitiers offrent des perspectives économiques considérables. En 2020, l’industrie du cuir nigériane a rapporté 2,4 mds de dollars en exportations, tandis que l’industrie laitière kényane génère plus de 3 mds de dollars annuellement. Si le Gabon parvient à développer ses capacités de transformation locale, il pourra non seulement satisfaire la demande interne, mais aussi se positionner comme un acteur régional dans ces secteurs. En effet, actuellement, au Gabon, les produits laitiers et le cuir sont des marchés sous-exploités qui, s’ils montaient en puissance, pourraient offrir des revenus supplémentaires significatifs tout en réduisant la dépendance du pays aux importations.
L’impact socio-économique de la relance du secteur bovin ne se limite pas à la production de viande et de lait. Ce projet créera des milliers d’emplois dans les zones rurales, là où le besoin est le plus criant. Le modèle de développement de l’élevage bovin au Mali et au Tchad a permis la création de plus de 20 000 emplois directs dans les zones rurales. En suivant cette dynamique, le Gabon pourrait non seulement réduire les taux de chômage, mais aussi lutter contre la pauvreté en milieu rural. Le programme de formation de vétérinaires, d’agronomes et de jeunes professionnels gabonais en immersion au Brésil permettra également de pérenniser ces emplois, garantissant ainsi un savoir-faire local solide. Outre la création d’emplois directs, ce modèle engendrera également engendrera également une forte demande pour des services annexes tels que les infrastructures de transport, les équipements de transformation et les services vétérinaires. En ce sens, l’élevage bovin pourrait être un catalyseur pour une croissance économique inclusive, soutenue par une base locale compétente et bien formée.
La filière bovine représente donc plus qu’une simple diversification de l’économie gabonaise, elle incarne un virage stratégique pour un développement durable et autonome. À travers l’augmentation du cheptel, la valorisation des produits dérivés et la création massive d’emplois, le Gabon se donne les moyens de réduire sa dépendance aux importations et de sécuriser son approvisionnement alimentaire. Les expériences réussies d’autres pays africains démontrent que cette vision est réalisable. Le Gabon pourrait bien devenir, à terme, un modèle de transformation agricole en Afrique centrale, capable de générer une nouvelle dynamique de croissance et de développement. Ce projet agropastoral ne se contentera pas d’atteindre l’autosuffisance alimentaire, il constituera un levier majeur pour l’industrialisation et la compétitivité du pays.