Prix Import est une société de droit gabonais créée par Bernard Azzi en juin 1992. À cette époque, le capital est constitué de vingt millions de FCFA, une trentaine d’employés sont embauchés. Quatorze ans plus tard, en 2006, la recapitalisation est élevée à hauteur de 500 millions de FCFA. En 2008, les statuts sont modifiés, Prix Import devient une SA au capital d’un milliard de francs CFA et emploie 500 personnes. Aujourd’hui, quatorze ans après (à croire que c’est un cycle), Bernard Azzi affirme son ambition de devenir le leader du commerce alimentaire du marché gabonais. Prix Import a augmenté son capital, qui pèse à présent trois milliards cent millions de FCFA, et collabore avec plus de 700 personnes. L’an prochain, ces équipes fêteront leurs 30 ans. Cet important acteur économique continue d’investir et de prospérer. Il vient de signer un accord avec le groupe Carrefour, pionnier du concept des hypermarchés des années 60.
Échos de l’Éco : Monsieur Azzi, vous avez construit Prix Import de toutes pièces avec une forte identité familiale. Vous êtes libanais, autodidacte et aujourd’hui l’un des acteurs économiques privés les plus importants du Gabon. Acceptez-vous de retracer pour nous votre parcours qui est un exemple pour la jeunesse ?
Je suis arrivé au Gabon le 14 avril 1975, recruté par la société hollandaise Holando. J’y suis resté une année et c’est depuis Port-Gentil, où je travaillais, que j’ai compris ce qu’était le Gabon. Son attractivité, le mode de vie que j’avais déjà adopté, sont des valeurs qui ont suscité mon attachement à ce pays. J’ai alors 26 ans, je décide de créer ma propre entreprise et m’installe à Libreville, considérant que les opportunités commerciales y sont plus prometteuses. En 1977, année de la quatorzième conférence au sommet de l’OUA qui s’est déroulée à Libreville, j’ouvre à Nombakélé une boutique de produits surgelés baptisée « Gel shop », premier commerce du genre. À cette époque, les conteneurs réfrigérés n’existaient pas. Toutes les marchandises étaient affrétées par avion : les frites, les volailles, les poissons, les glaces. Cette affaire, ce commerce était alors particulièrement novateur et ne correspondait pas aux modes de consommations des Gabonais. Pour illustrer ce propos, permettez-moi une anecdote : certains clients entraient dans le magasin pour acquérir des congélateurs et non pour acheter des produits congelés ! J’ai préféré fermer cette boutique. Nous sommes en 1979. Avec le fruit de mon travail, j’ai alors ouvert mon propre commerce à Mont-Bouët. Je l’ai baptisé Comiga (Commerce et importation gabonaise). Je progressais dans le registre de l’alimentaire et vendais des produits en demi-gros. C’est en 1981 que j’ai importé les premières dames-jeannes au Gabon. Les dames-jeannes sont ces contenants en verre d’une vingtaine de litres dans lesquels les vins se conservent particulièrement bien. Je vendais aussi de la confiserie, des biscuits, du pain, etc. Et puis j’ai passé un accord avec Unilevers, qui perdure encore à ce jour. La confiance témoignée par ce géant de l’exportation a prouvé notre légitimité et persuadé d’autres négociants de nous rejoindre. Rapidement, je me suis trouvé à l’étroit et, pour répondre à l’expansion et nourrir la croissance de mon entreprise, j’ai délocalisé ce centre de vente pour m’installer au Port Môle. En 1989, j’ai acheté l’ancien magasin de Bernabé Gabon, une construction de 1958 qui appartenait initialement à SDV. C’est aujourd’hui le Prix Import du centre-ville. Au fur et à mesure, à partir de ce commerce qui employait une trentaine de personnes, ont été ouvertes d’autres entités. À ce jour, nous gérons dix surfaces de vente et travaillons avec plus de 1000 collaborateurs, directs et indirects.
Vous ne cachez pas votre ambition de devenir le moteur de la distribution agroalimentaire et aussi d’autres produits. Votre gamme concerne tous les goûts et tous les budgets. Vous avez signé un accord important avec le groupe Carrefour. Pour quelle raison, et de quoi s’agit-il ?
Au regard de la progression de nos activités, de la multiplication des références proposées, des besoins exprimés par nos clients, nous avons compris qu’il était indispensable d’abandonner ce que nous appelions à l’époque les comptoirs pour passer à ce qui est identifié comme de la grande distribution. Ce changement est considérable. Il passe par différentes phases d’adaptation et de mise en œuvre de méthodes de gestion interne. Nous étions parmi les premiers à scanner nos produits, ce qui nous a permis de moderniser l’ensemble de nos process. Une fois ce palier franchi, nous étions crédibles pour aller prospecter en Europe. Nous avons tout d’abord fusionné avec le groupe Auchan qui, après deux ans de collaboration, a finalement décidé de ne pas s’implanter sur le continent africain. Nous sommes allés à la rencontre du groupe Carrefour qui lui, avait pris la décision de continuer d’investir et de renforcer sa présence panafricaine. Ensemble, et durant deux ans, nous avons collaboré et travaillé à la mutualisation de nos intérêts communs. Aujourd’hui, Prix Import est une entité franchisée du groupe Carrefour. Huit de nos magasins sont franchisés sous l’identité de Carrefour Market tandis que seul le magasin du centre-ville correspondra aux normes de l’appellation supermarché. Le Gabon est le 5e pays de l’Afrique subsaharienne choisi par le groupe pour développer son expansion.
Quelles sont les contraintes qui vous sont imposées ?
Je considère qu’il ne s’agit pas de contraintes, mais de modèles à dupliquer. Nous devons appliquer des modèles, adopter une technologie avancée, copier des savoir-faire, respecter des normes d’hygiène, etc. Bon nombre de méthodes qu’ils ont mises en place et qui s’avèrent productives. Pour nous y aider, Carrefour missionne des agents, des auditeurs qui nous suivent à tous les niveaux et dans tous les secteurs : boucherie, charcuterie, les légumes, etc. La mise en place, la valorisation des têtes de gondoles, la mise en avant des promotions… Ce n’est donc pas une contrainte pour nous que de nous référer aux meilleurs professionnels. Cependant, je souhaite appuyer mes propos sur le fait que le groupe Carrefour nous impose une double mission. Le contrat stipule que Prix Import se doit d’acheter une majeure partie de ses approvisionnements au Gabon. Carrefour n’est pas pour autant un mécène et Prix Import s’engage à acquérir environ 50 % de ses stocks auprès de sa centrale d’achats. Cela signifie que Carrefour n’exportera pas d’avocats, de bananes et autres produits locaux dont nous disposons, que nous cultivons. Mais cela fait déjà partie de nos priorités. Prix import achalande et vend 700 produits référencés made in Gabon. L’un de nos fournisseurs les plus importants nous vend différents produits, qu’il s’agisse de produits alimentaires, manioc, lait, thé, café, confiture, chocolat, etc., de boissons aussi, de cosmétiques ou de produits d’hygiène. Nous sommes donc des dépositaires et cette vitrine exposée dans nos magasins contribue considérable au développement du pays. Dans ce même registre, je me réjouis d’une rencontre organisée avec Monsieur Biendi Maganga Moussavou, ministre de l’Agriculture, qui nous rassure et nous conforte en se tenant à nos côtés pour travailler sur des projets exponentiels.
Vous construisez un centre commercial de 2200 m² dans lequel vous louerez des locaux commerciaux. Quelles sont les enseignes qui y seront représentées ? Quelles sont les dates d’ouverture prévues ?
Dans un premier temps, c’est-à-dire en février 2022, nous ouvrirons à notre clientèle le nouveau Prix Import sur une surface de 2 200 m², soit 800 m² de plus que celui que vous connaissez. Il s’agit d’un supermarché qui offrira notamment des produits alimentaires, des cosmétiques, de l’électroménager, une pâtisserie intégrée, une gamme très importante de vins, de champagnes et de spiritueux. Dans un deuxième temps, à la rentrée 2022, nous ouvrirons la galerie marchande composée de douze magasins ouverts uniquement à des commerces internationaux. Il s’agit d’ouvrir la porte aux IDE (Investissements directs à l’étranger) qui contribueront ainsi à l’essor du Gabon et créeront des emplois. De nombreuses enseignes ont déjà réservé leurs espaces parmi lesquelles Gemo, Etam, Mango, Paul, un glacier, un parfumeur et KFC. Et enfin, nous prévoyons l’ouverture d’une polyclinique en 2023. Nous nous reverrons pour en parler.
Quel est le coût de la construction ?
Le projet intégral est estimé à 8 mds de F CFA d’investissements, sachant que 50 % de ce budget est imputable à la construction du supermarché.
Quel est le nombre de produits en plus de ceux déjà proposés à la vente ?
Aujourd’hui, nous disposons de 18 000 références et nous prévoyons, avec Carrefour, de travailler sur plus de 30000 références.
Quel est le nombre d’emplois créés ?
Chacun de nos 10 magasins emploie environ 70 personnes et celui du centre-ville collabore avec 150 personnes. Nous pensons créer environ 150 postes dès l’ouverture du supermarché Carrefour.
Quelle est l’estimation de l’augmentation du chiffre d’affaires ?
Nos différentes études nous permettent d’estimer une augmentation de 20 % de notre chiffre d’affaires actuel.
Quelle est l’organisation nécessaire (informatique, formation, etc.) ?
Il faut effectivement bien mesurer ce qu’entraînent de telles réalisations. Nous avons été dans l’obligation de nous fier à des professionnels spécialisés, notamment concernant l’hygiène. C’est le cœur essentiel de tous les magasins, notamment pour l’alimentation. Ne rien laisser au hasard, se montrer très vigilants, voire intransigeants, être préventifs et suivre un cahier des charges qui répond à des normes strictes. En ce qui concerne l’approvisionnement, à ce jour, nous réceptionnons deux arrivages par semaine de fret de vivres frais en provenance de France. Avec les nouvelles références de Carrefour, cela ne peut qu’augmenter. Nous espérons qu’en termes de légumes, de volailles, nous pourrons bientôt remplir nos rayons de produits made in Gabon. Concernant le système informatique, nous nous félicitons d’avoir pris les devants en créant des logiciels personnalisés qui répondent exactement à nos besoins, à nos attentes. Nous ne souhaitions pas être dépendants et, comme toute exception à la règle, cela a un coût. Nous avons déboursé 500 000 euros pour bénéficier de notre autogestion. C’est avec l’aide et le soutien de Carrefour et d’autres partenaires que nous avons adapté notre produit à l’évolution de nos activités. Trois de nos techniciens informatiques travaillent à demeure ici au siège d’Oloumi et sont aptes à répondre à l’instant T à toute question ou problématique.
Avez-vous un centre de formation ?
Je n’appelle pas cela un centre de formation, mais de l’apprentissage intégré. Nous nous appuyons sur des mentors. Ils sont en général chefs de rayon, comme au service boucherie, légumes ou produits surgelés, mais aussi au service hygiène, etc. Cette formule nous permet d’être autonomes, de former notre personnel en incluant l’esprit de famille qui nous caractérise.
Vous possédez 9 magasins à Libreville et sa couronne. Avez-vous pour ambition de vous étendre sur les 8 autres provinces ? Sinon, pourquoi ?
Oui, c’est un projet qui nous tient à cœur. Nous envisageons dans un premier temps de nous implanter à Franceville, Mouanda, Mouila, Oyem et Lambaréné. Nous avons déjà acquis certains terrains et ces extensions sont assurées. En revanche, je ne suis pas en mesure de vous indiquer de dates ni de délais. Il s’agit là aussi d’investissements importants et l’on se doit de garder certaines réserves.
Prix Import est réputé pour proposer une gamme de vins et de spiritueux des plus larges. Vous êtes aussi distributeurs exclusifs d’une cinquantaine de marques de renommée mondiale, sans compter les produits annexes tels que la vaisselle, le linge de maison, etc. Combien compterez-vous de fournisseurs, de quels horizons sont-ils ? Prix Import est réputé pour proposer une gamme de vins et de spiritueux des plus larges. Vous êtes aussi distributeurs exclusifs d’une cinquantaine de marques de renommée mondiale, sans compter les produits annexes tels que la vaisselle, le linge de maison, etc. Combien compterez-vous de fournisseurs, de quels horizons sont-ils ?
Comme je vous l’ai souligné, la signature de ce partenariat avec Carrefour est conditionnée à l’achat de 50 % de nos approvisionnements. Ils nous accompagnent dans cette démarche, notamment sur le textile où nous n’avons pas une grande expérience. En revanche, nous sommes très à l’aise dans les achats de tout ce qui est alimentaire et aussi dans les boissons, quelles qu’elles soient. Dans ce domaine, nous nous fournissons auprès du distributeur Diageo, détenteur de prestigieuses marques telles que White Horse, JB, Johnnie Walker, etc. pour les whiskys, et Baileys, tandis que nous importons directement les marques représentées par la société Martini et Campari. Ces produits sont aussi distribués par le groupe Cecagadis. J’aime à dire que la concurrence exercée au Gabon est plutôt productive, en rien agressive, et nous entretenons cette relation.
Vous dégagez plus de 40 % de votre chiffre d’affaires avec la vente en gros. Ces ventes sont gérées depuis votre dépôt de 18 000 m² situé en zone d’Oloumi. Ce dernier sera-t-il suffisant avec l’arrivée des produits Carrefour ?
Ce n’est pas tout à fait exact. Notre dépôt et siège social d’Oloumi sont implantés sur 12 000 m². Nous venons d’acquérir un terrain de 6 000 m² à quelques encablures d’ici. Nous avons aussi 10 000 m² à Owendo et sommes sur le point d’acheter 2 000 m² au centre-ville et 6 000 m² non loin de notre magasin Super Gros. Ces zones de stockage sont indispensables pour pouvoir recevoir et gérer les stocks attendus. Je souhaite aussi vous informer de la création de notre propre boulangerie qui est presque terminée. Elle a pour mission première de livrer l’ensemble de nos magasins et sera aussi ouverte au public, bien entendu.
Notre continent rencontre des problèmes inédits avec le transport des conteneurs, notamment en provenance de Chine. Avez-vous trouvé une formule pour lutter contre ce phénomène ?
Non, malheureusement. Et comme pour tous les importateurs, cette problématique pèse considérablement sur notre business. Nous espérons sortir de cette crise qui nous bloque pour nous fournir en Chine.
Prix Import est une société construite sur une forte identité familiale. Est-ce une volonté ?
Bien entendu, et nous sommes une famille très soudée sans laquelle je n’en serais pas là. Ce lien familial est un atout, l’union est notre force.
En 2022, Prix Import aura 30 ans ! Que prévoyez-vous pour immortaliser cet anniversaire ?
L’an prochain, nous fêterons différents événements : nos 30 ans bien sûr, mais d’abord et surtout l’ouverture du premier supermarché Carrefour à Libreville.
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