Depuis 2005, la Setrag (Société d’exploitation du Transgabonais) est mandatée par les autorités gabonaises pour gérer les opérations de l’unique réseau ferré du pays. Quotidiennement, ce train parcourt les 648 kilomètres de chemin de fer reliant Libreville (Owendo) à Franceville. Il traverse 5 provinces sur les neuf que compte le Gabon, dessert 24 gares, transporte chaque année 330000 voyageurs et plus de 6 millions de tonnes de marchandises (environ 52 % des exportations), de minerai et de bois… Le chemin de fer est un vecteur essentiel du développement et un levier stratégique de la croissance. La Setrag contribue à désenclaver les populations rurales, assure ses missions régaliennes et gère 1000 emplois indirects + 1200 salariés – dont 40 % sont répartis le long de la voie entre Ntoum et Franceville –, contribuant ainsi à la création d’une chaîne de valeur aux abords des gares et des cités d’habitation des employés. La Setrag est une filiale de Comilog. Est-elle aussi investie dans la RSE ? Nous avons rencontré Madame Isabelle Teboul, directrice développement durable.
Portrait d’Isabelle Teboul
Un parcours universitaire exemplaire :
De 2000 à 2006, elle intègre tout d’abord l’armée française en qualité d’officier juriste à la cellule Affaires juridiques de l’état-major de l’armée de Terre. Ces opérations extérieures la mènent aux Caraïbes et en Côte d’Ivoire. Puis elle passe dans l’humanitaire pendant un an à la Croix-Rouge internationale avant de rejoindre l’industrie minière dans le domaine de la RSE et, plus particulièrement, pour mettre en œuvre des stratégies relatives au développement durable. C’est ainsi qu’elle parcourt le monde en travaillant pour des sociétés de renom telles que Rio Tinto, Xstrata/Glencore ou Sherritt International, de Londres au Sénégal en passant par Madagascar, le Kazakhstan, l’Australie, le Burkina, le Mali, sans oublier la Mauritanie et la RDC. Aujourd’hui en poste à la Setrag pour le groupe Eramet, elle exerce ses fonctions de directrice du développement durable, son cœur de métier, sa passion. Possède-t-elle toutes les clés pour ouvrir les bonnes portes et atteindre les objectifs qui lui sont fixés ? Nous lui avons posé la question.
Échos de l’Éco : Madame Isabelle Teboul, nous ne doutons pas que vos expériences acquises dans les différents pays précités vous faciliteront la tâche au Gabon. Le développement durable est une conception du développement et/ou de la croissance qui s’inscrit dans une perspective de long terme, en intégrant les contraintes écologiques, sociétales et sociales en faveur des économies d’échelle. À la Setrag, un programme de remise à niveau de la voie (PRN) a été lancé pour la période 2016-2024. Comment avez-vous été sélectionnée ? À quel niveau intervenez-vous dans ce programme ? Quels sont les fondamentaux de la feuille de route d’Eramet en faveur de la RSE ?
Permettez-moi de commencer par vous préciser la genèse de la création de ce poste. La politique du groupe en termes de RSE s’accroît à l’international. Les méthodes appliquées par la Comilog font preuve d’exemplarité et le groupe souhaite que la Setrag bénéficie de cette même politique révélée efficiente. La nouvelle gouvernance de la Setrag et son alignement au groupe Eramet ont nécessité une revue de l’organisation en matière de développement durable et la prise en compte des enjeux stratégiques environnementaux et sociétaux, en ligne avec la vision globale. Ainsi, la direction du développement durable a-t-elle été créée en juin 2020 et j’ai pris le poste le 7 septembre à la Setrag, après 3 mois d’immersion au siège du groupe Eramet à Paris. À l’origine, il y avait une cellule réinstallation chargée du volet déplacements de populations et un pôle environnement et social, ces deux services ne travaillaient pas nécessairement ensemble et la gestion des activités sociétales et environnementales n’était pas assise sur une stratégie à long terme. À mon arrivée, mon premier objectif a été de mettre ces équipes existantes ensemble et de recruter de nouveaux collaborateurs. Mon deuxième objectif a été de développer une stratégie de développement communautaire et de familiariser le Codir aux principes fondamentaux de la RSE. L’environnement, la biodiversité ainsi que la sensibilisation de la communauté à la sécurité ferroviaire n’étaient et ne sont pas en reste, car ils demeurent cruciaux et prioritaires pour la Setrag. Mon rôle dans son ensemble est d’adresser les principes fondamentaux de la relation communautaire appliqués par Eramet et de suivre la feuille de route RSE 2018/2023. Ma direction est chargée de la maîtrise des impacts environnementaux et sociétaux du projet, du dialogue avec les communautés, et de contribuer aux priorités de développement local. À titre d’exemple, une de nos priorités est d’adresser les plaintes des communautés occasionnées par nos activités et de trouver des compromis pour les régler au mieux. Le respect des droits humains, (la violence basée sur le genre, le travail des enfants, la discrimination etc.) tout comme l’éthique, sont un des piliers de toutes nos actions et activités. Nous venons de finaliser le travail de terrain pour le développement de la stratégie triennale (2021–2024) d’investissement communautaire que nous comptons mettre en œuvre au 2e semestre 2021, avec des actions concrètes à échéance de 2025. Pour arriver à cette stratégie, nous avons focalisé nos rencontres avec les parties prenantes de la zone d’influence d’Owendo, Ndjolé, Booué, Lastourville et Franceville. Ces démarches nous ont permis de rencontrer différents acteurs locaux des secteurs de l’éducation et de la santé. Nous nous sommes entretenus aussi avec les acteurs économiques de la place tels que Sobraga, Rougier, Cimaf, Gabon environnement service et dernièrement la Croix-Rouge gabonaise, pour ne citer qu’eux, avec lesquels nous avançons dans la même direction. Setrag suivra principalement les axes de la santé, de l’éducation et de l’appui au développement communautaire. Dans cette partie, la formation est intégrée à plusieurs niveaux, tant pour le renforcement des capacités que pour la création d’activités génératrices de revenus. D’ailleurs, en termes de formation, nous avons déjà des bases avec notre centre à Franceville, qui est axé sur le chemin de fer, et un centre de simulation très moderne à Setrag Owendo pour les conducteurs de train. Sur le plan budgétaire, nous estimons que ce plan sur trois ans nécessitera un investissement minimum d’un milliard de F CFA, sachant que ce budget devra être adapté en fonction des réalisations.
Avec 10 mois de recul, quelle est votre analyse ? Quels sont vos projets à court terme ? Quels sont les objectifs qui vous sont fixés ?
Concernant les réalisations pratiques menées au cours de ces quelques mois, les actions précitées comportent les éléments de réponses à cette question. Dans le registre théorique, mon premier objectif consistait à développer une stratégie d’investissement communautaire avec le support d’un cabinet spécialisé en RSE, Latitude Monde. Je peux dire que cet objectif est atteint, car le rapport global vient de sortir. Nous travaillons sur la création d’un comité RSE au sein de la Setrag, qui sera composé d’un certain nombre de membres du comité de direction. Ce travail accompli contribuera à la bonne compréhension et valorisation des futures actions RSE de la Setrag. Les actions et l’allocation de ce budget étant bien définies, nous pourrons observer et estimer les progrès et les avantages réalisés en faveur des différents secteurs concernés. Avec les 18 collaborateurs de ma direction, nous nous attelons d’ores et déjà à l’ensemble des objectifs fixés.
Rencontrez-vous des problématiques auxquelles vous n’avez jamais été confrontée ? Selon vous qui avez tellement voyagé, le Gabon présente-t-il une particularité ?
Sincèrement non. Il faut bien plus qu’une génération pour développer un tel sujet et mettre en place tous les paramètres qui cernent les fonctions efficientes de ce registre. La RSE à la Setrag revêt une particularité puisqu’elle concerne aussi la protection de la biodiversité. À ce titre, nous travaillons avec l’ANPN avec laquelle nous avons signé une convention de partenariat le 26 octobre 2020 pour 5 ans. Elle s’est d’ailleurs caractérisée par une mission terrain d’une quinzaine de jours au cours de laquelle nous avons pu identifier les zones accidentogènes. Nous finalisons le rapport et définirons ensemble un plan d’action afin de nous rapprocher le plus possible de 0 accident. Il s’agit d’un programme qui implique des études pour prélever des échantillons ADN, pour apposer des colliers, des balises, afin de tracer la migration des pachydermes et, in fine, arriver à construire des corridors pour dévier leur route et éviter ainsi que les éléphants se trouvent piégés entre deux talus.
Quelle est la qualité de vos relations avec vos collaborateurs qui sont en majorité de la gent masculine ?
Sur les 18 collaborateurs que compte ma direction, j’ai deux collaboratrices, notre assistante de direction et une animatrice environnement, toutes les deux basées à Owendo. Mon objectif est de recruter plus de femmes, d’ailleurs, une nouvelle collaboratrice nous rejoindra en août au poste de responsable du genre. Elle aura la charge du volet promotion de la femme et celui de la diversité dans l’entreprise et la communauté. Concernant les 16 collaborateurs masculins de l’équipe, je ne rencontre aucun souci, nous travaillons en bonne intelligence, dans le respect des uns et des autres, et l’ambiance est agréable, saine et sereine.
Permettez-moi une question plus personnelle pour clore cette interview : le prestigieux support hebdomadaire français « Usine Nouvelle » vous a nominée parmi les 169 prétendantes en lice pour remporter le trophée de la femme de l’industrie 2021 – Développement durable. Selon vous, en quoi vous distinguez-vous des différents profils qui ont postulé ?
Je n’ai pas la réponse ! En fait, c’est le groupe Eramet qui m’a proposé de me présenter. Une collègue d’un autre site est également nominée pour concourir au trophée « Début prometteur ». Pour ma part, je pense que mon parcours à l’international n’est pas étranger à cette reconnaissance. Ma carrière est effectivement atypique, avec des débuts dans l’armée et une finalité dans le privé, dans le domaine du développement durable. Cette orientation est relative à une circonstance de la vie. Je me suis installée à Ndola en Zambie en 2008, une ville frontalière au sud Katanga de la RDC, bien connue pour ses réserves en cuivre. J’ai tout à fait par hasard envoyé mon CV à différentes entreprises minières sans véritables attentes en termes de résultats. Alors que je repartais pour la France, j’ai été contactée par le DRH d’un groupe canadien qui recherchait un manager développement social. C’est ainsi que j’ai commencé dans la RSE ! Cette première expérience dans les activités minières s’est révélée salvatrice puisque 13 ans après, je suis toujours dans le domaine, et certainement pas prête à quitter cet environnement passionnant.
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