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Économie SETRAG : DES RÉSULTATS À LA HAUTEUR DE LA DYNAMIQUE ENGAGÉE EN 2021

La Société d’exploitation du Transgabonais affiche son bilan 2021 et s’engage dans 2022 avec sérénité. Comment pourrait-il en être autrement alors que le chiffre d’affaires de 86,5milliards de FCFA marque une hausse de 5 % par rapport à 2020, deuxième année de la pandémie de covid-19 ? Cette ligne de chemin de fer (est-il utile de le rappeler) est essentielle à l’économie gabonaise. En 2021, la Setrag a transporté 226 976 voyageurs, 9,8 millions de tonnes de marchandises et de matières premières, dont 90 % de la production de manganèse, le fret du bois, ceci sans compter les hydrocarbures. À la lecture de ces résultats, la pandémie semble avoir eu peu d’impact sur la Setrag. Autre fait notable cette année : l’entrée de Meridiam à hauteur de 40 % du capital en septembre 2021. C’est un expert du chemin de fer qui a intégré la Setrag. Il amène avec lui son expertise et de nouveaux moyens de modernisation et de sécurisation au Transgabonais. Nous sommes allés à la rencontre de Monsieur Christian Magni pour recevoir davantage de détails.

EE : Monsieur Magni, tous les curseurs sont à la hausse à la Setrag. S’il ne s’agit pas seulement de l’heureux impact du progrès de l’activité de Comilog comment expliquez-vous cette croissance ?


Le premier facteur à l’origine de cette performance est l’amélioration enregistrée en matière de sécurité au travail. Le TF2, qui est l’unité d’évaluation du Groupe, est un indicateur de mesure du taux de fréquence de survenue des accidents de travail. En 2020, le TF2 était de 4,7 soit l’un des moins bons du groupe Eramet. En 2021, grâce à la présence des managers sur le terrain, au suivi rigoureux des actions mises en place, au renforcement des organisations et à la mise en place d’outils de management de la sécurité, parmi lesquels la bienveillance partagée, la Setrag a amélioré son TF2 à 1, préservant ainsi la vie de ses collaborateurs.


S’agissant du transport de passagers, nous constatons une augmentation, avec plus de 220 000 voyageurs. Ces deux dernières années, notre mission de désenclavement des populations a fortement subi l’impact de la pandémie de la covid-19. En 2021, nous avons connu une amélioration consécutive à la décision gouvernementale de reprise de la circulation des trains de voyageurs avec 50 % des capacités, compte tenu du maintien du plan de riposte et de lutte contre la pandémie. La Setrag dispose d’une capacité de transport de 330 000 voyageurs par an.


Concernant le transport de marchandises, le transport de conteneurs a été stimulé par des investissements importants : mise en place d’un hub de stockage à Lastourville ; création à Owendo d’une nouvelle plateforme d’une capacité de stockage de 400 conteneurs contre 200 auparavant, soit une augmentation de 100 % ; acquisition de 20 wagons plats pour renforcer l’offre à la clientèle. Un effort supplémentaire a été consenti en matière de logistique, par l’achat d’engins de manutention. Ainsi, le temps de cycles des wagons de transport de conteneurs s’est amélioré, le trafic s’est fluidifié et les opérations terminales sont mieux maîtrisées. Ces investissements ont occasionné la création de près de 20 emplois directs et indirects.
Le transport des hydrocarbures a progressé de 15 % grâce à l’investissement consenti pour l’augmentation de capacité, par la location de 46 tanktainers auprès d’une entreprise sud-africaine. Dans cet élan, la Setrag a développé une ingénierie interne, avec le soutien de certaines entreprises de la place, pour fabriquer des citernes dans nos ateliers. Fruits d’une expertise interne, ces wagons d’une capacité de 70 m3 ont été homologués par l’Aganor avant leur mise en circulation. Ils font désormais partie intégrante du parc et contribuent aux belles performances de la Setrag et des entreprises installées le long de la ligne.


En matière de transport de produits miniers, la forte croissance du volume intègre les performances des entreprises minières NGM de Franceville, NGM Okondja et Citic de Ndjolé.


EE : Sur le bilan 2021, quelle est la répartition en pourcentage des différents volumes de transport des matières premières opérés par le Setrag ?


Voici les chiffres du fret pour 2021 : le volume total transporté est de 9 790 905 tonnes, dont 8998057tonnes de minerai (92 %), 349 275 tonnes de grumes (4 %), 83 177 tonnes d’hydrocarbures (1 %), 131 262 tonnes de conteneurs (1 %) et 145 664 tonnes de marchandises diverses (1 %).


EE : Concernant le transport des passagers, nous n’ignorons pas les mécontentements dus aux retards et autres problématiques rencontrées. Comment les expliquer ?

Les retards observés de l’ensemble des trains, et en particulier des trains de voyageurs, sont une réalité difficile à laquelle la Setrag est confrontée du fait des travaux très importants en cours sur la ligne. En 2017, nous avons lancé un programme de rénovation de la voie d’une durée de 7 ans pour faire face à un niveau de dégradation important observé par la Setrag concessionnaire et l’État propriétaire. Pour rappel, en 2005, la signature de la convention de concession a conduit à la mise en place d’un programme de maintenance de 10 ans. En 2015, le constat a démontré que les travaux engagés n’avaient pas suffi à résorber le déficit antérieurement accumulé. Fort de ce qui précède d’une part, et des projections de développement du trafic minier et autres du Gouvernement d’autre part, la Setrag et l’État se sont engagés ensemble pour le financement d’un vaste programme de remise à niveau de la voie, le PRN. La particularité du chemin de fer gabonais est qu’il dispose d'une voie unique, ce qui rend son exploitation particulièrement délicate. Cette difficulté, ainsi que l’augmentation des volumes des opérateurs économiques, les travaux de maintenance, de renouvellement de la voie, les incidents récurrents liés à la fatigue du rail, les zones instables et la dégradation rapide des traverses en bois du fait des conditions climatiques sont des facteurs prépondérants qui influent inéluctablement sur les temps de parcours des trains de voyageurs. Le temps de parcours moyen est ainsi passé de 12 h en 2012 à 15 h hors incident de voie à ce jour. La priorité absolue de circulation est donnée aux trains de voyageurs. Cependant, la circulation en voie unique nécessite des stationnements des trains de voyageurs dans certaines gares pour effectuer des croisements indispensables à la régulation du trafic. Lors de la survenue d’incidents de voie, les trains de voyageurs peuvent connaître des stationnements prolongés dans certaines gares afin de permettre l’intervention des équipes techniques pour les réparations de la voie. De ce fait, nous avons dû intégrer une certaine flexibilité dans les horaires des trains qui sont régulièrement réaménagés au départ et à l’arrivée, modifications qui sont régulièrement communiquées aux voyageurs par voie d’affichage et dans les points d’informations en gare, par des SMS adressés aux voyageurs, sur nos réseaux sociaux et via notre centre d’appel. Les travaux du PRN en cours permettront une amélioration des temps de parcours des trains de voyageurs à compter de 2024.

EE : Dans la précédente édition des Échos de l’Éco, le syndicat des forestiers nous informait et déplorait le manque de disponibilité sur les rails pour transporter leurs grumes. Comment s’articulent les priorités vis-à-vis des exploitants des matières premières, qu’il s’agisse du minerai, du pétrole, du bois, etc. ? 

Le transport du bois connaît les mêmes difficultés que tous les types de trains roulant sur la ligne unique du Transgabonais. Afin de faire face à un parc de locomotives vieillissantes, un plan d’acquisition de six locomotives neuves a été lancé : les livraisons sont programmées en deux étapes, courant décembre 2022 et en mars 2023. Ces locomotives de grande capacité de traction permettront de transporter plus de 50 wagons par rotation, contre une capacité actuelle de 35 wagons. La Setrag entretient une relation de proximité avec tous ses clients forestiers et organise des rencontres périodiques pour suivre l’évolution du transport par produit et échanger sur les contraintes opérationnelles.


À la différence des clients forestiers, dont le transport est effectué par la Setrag, les clients miniers sont des opérateurs ferroviaires et, à ce titre, sont propriétaires de leurs matériels composés de locomotives et de wagons. La Setrag assure la mise à disposition de sillons pour la circulation des trains. Ceci permet d’expliquer leur autonomie et leurs performances.


EE : Concernant les travaux de réhabilitation des voies, nous sommes en mesure de constater une avancée considérable, notamment en ce qui concerne la pose des traverses. La Setrag accuse un retard bien légitime au regard de l’ampleur de l’ouvrage. Où en êtes-vous en termes de kilomètres de changement des anciens rails, de pose des nouveaux ? Quand pensez-vous signer la fin du chantier pour passer au simple entretien de la voie ?


Le programme de remise à niveau de la voie a subi l’impact de divers facteurs, dont certains ont été évoqués plus haut, auxquels il faut ajouter des contraintes techniques (particulièrement sur les zones dites instables) et celles liés à l’arrêt des travaux du fait des difficultés d’approvisionnement auprès des fournisseurs internationaux, du fait de la pandémie de covid-19. À ce jour, l’usine de Booué a produit environ 444 000 traverses en béton depuis le début du programme en 2017, un linéaire global de 188 km de renouvellement de la voie ballastée a été réalisé en traverses béton et nous démarrons la pose de 180 km de rails 60 kg, plus adaptés que l’actuel, entre Owendo et Ndjolé. Ce programme intègre également la modernisation du système d’exploitation des trains avec le système automatique de pilotage « Train control system TCS » adossé à un système de communication dédié, le Tetra. Après déploiement complet, ce système permettra de piloter l’ensemble des trains du réseau à partir du centre de gestion situé à Owendo. 2024 est l’année cible d’achèvement de ce programme.

EE : Le budget de base est estimé à 333 mds de F CFA. Sera-t-il respecté ou dépassé ?


Le budget global de 333 mds F CFA du PRN a fait l’objet d’ajustements avec la signature de l’avenant 3 à la convention de concession.

Cet avenant 3 marque l’entrée au capital de Meridiam et de l’État gabonais, portant les parts à hauteur de 51 % pour Comilog, 40 % pour Meridiam et 9 % pour l’État. Dans une première phase, un investissement additionnel d’apport de Setrag & Meridiam de 30 mds de F CFA intègre une étude d’augmentation de capacités de transports du chemin de fer et pour atteindre 129 mds au terme du programme de rénovation. Ces investissements ont pour objectif d’évoluer dans un premier temps vers 19millions de tonnes transportées, contre les 14 tonnes actuelles, et de se stabiliser à 29 millions de tonnes afin de soutenir le programme de diversification de l’économie décidé par le Gouvernement et consigné dans le cadre du programme gouvernemental d’accélération de la transformation (PAT).


EE : En 2021, plusieurs programmes d’investissement ont été lancés. Ils seront développés autour de trois axes : l’éducation, la santé et l’appui aux communautés. Nous souhaiterions en savoir davantage. Pouvez-vous développer ?


La prise en compte des préoccupations des populations vivant à proximité des emprises ferroviaires est une priorité pour l’entreprise et le groupe Eramet. Ainsi, la Setrag a mis en place une stratégie d’investissement communautaire adossée à la feuille de route RSE d’Eramet, avec pour axes d’interventions : l’éducation, la santé et le soutien aux communautés. Dans le cadre de la santé, nous assurons quotidiennement des consultations gratuites pour les riverains du chemin de fer dans nos infirmeries installées tout le long des 648 km de la voie. Nous avons également mené une campagne de dépistage des cancers féminins dans les 5 provinces traversées par le chemin de fer. Une campagne de consultations ophtalmologiques gratuites avec distributions de lunettes a été organisée pour plus de 1 000 patients de la commune de Ntoum. Nous avons remis un don de matériel médical pour l’ouverture de l’infirmerie du lycée d’Akournam pour la prise en charge de plus de 3 000 élèves de la commune d’Owendo et sommes engagés dans le projet de construction d’un hôpital à Booué, en collaboration avec le ministère de la Santé, pour un investissement de plus de 1 md de F CFA.


Dans le cadre de notre soutien à l’éducation dans les zones traversées, nous avons distribué 5 400 kits scolaires aux élèves des écoles primaires le long de la voie ferrée et avons construit 2 salles de classe à Booué. Nous assurons aussi l’adduction d’eau dans certains établissements scolaires de la ligne et avons mis en œuvre la construction de clôtures de sécurité pour des établissements scolaires. Enfin, nous avons financé les études doctorales en France d'un étudiant qui est devenu enseignant à l’université de Masuku. En ce qui concerne l’appui aux communautés, 180 commerçantes du marché d’Akournam dans la commune d’Owendo ont reçu un soutien financier de la Setrag ; 6 familles impactées par les projets de l’entreprise ont bénéficié de nouveaux logements, des formations sur l’autonomisation des femmes ont été financées et des sensibilisations sur les violences domestiques et basées sur le genre régulièrement organisées.


EE : L’accent mis sur le volet de la RSE, notamment en termes de sécurité au travail de vos collaborateurs et de vos sous-traitants, est de plus en plus appuyé. Quels sont les résultats de vos efforts, y compris sur le plan environnemental, de la gestion des déchets, de la pollution, etc. ? À ce sujet, comment sensibiliser vos personnels et les usagers, qu’ils soient industriels ou autres ?


Les questions environnementales sont aussi au cœur des préoccupations de notre entreprise. En effet, notre politique de lutte contre la pollution est un sujet d’attention particulière. Des aires de collectes, de prétraitement et de stockage des huiles usées et des déchets sont aménagées à Owendo. Un train dénommé « train vert » a été aménagé pour assurer le ramassage et le transport des déchets recyclables de toutes les gares vers Owendo. La Setrag a signé des partenariats avec des entreprises locales de valorisation de ces déchets pour en assurer le recyclage. À Booué, sous le contrôle du ministère de l’Environnement, une déchèterie a été mise en place après la réalisation d’une étude d’impact environnemental et le feu vert de la DGPEN pour son exploitation. Destinée aux populations environnantes des bases vie et aux salariés, elle recueille les déchets collectés dans des bacs avec abri poubelles disposés par la Setrag. Un service de ramassage vers la déchèterie est aussi assuré par nos soins.


EE : Vous travaillez en étroite relation avec l’ANPN, notamment pour la problématique et la préservation des éléphants. Quels sont les projets et actions pour atteindre vos objectifs communs ?


La préservation de la biodiversité et des espèces protégées est un impératif pour la Setrag, la survenue des heurts avec des éléphants et autres animaux est une difficulté à laquelle nous sommes régulièrement confrontés. Pour atténuer cette situation, nous avons entrepris la signature d’une convention avec l’ANPN afin de financer une étude qui permettra de déterminer les solutions ou mesures d’atténuation envisageables.


EE : Où en êtes-vous de la digitalisation du Transgabonais ?


Pour soutenir l’économie nationale, la Setrag souhaite se positionner parmi les chemins de fer de classe mondiale. Pour y parvenir, nous avons entamé une profonde mutation vers la transformation numérique. Plusieurs projets ont été lancés et certains sont désormais implémentés dans tous les secteurs de notre activité. Nous pouvons citer : TCS, Alloco, Qualirail, les drones d’inspection des ouvrages d’art, l’enregistrement des paramètres de la géométrie de la voie par engin informatisé, le Tetra, les simulateurs de formation de conduite de dernière génération pour les conducteurs de train – dont le Gabon est le premier à être équipé dans la sous-région –, et un centre de psychologie appliquée unique en Afrique.


EE : Qu’en est-il de la formation indispensable de vos équipes pour qu’elles se familiarisent avec l’ensemble de ces nouveaux process ?


Une attention particulière et un investissement important ont été mis en place pour la modernisation du centre de formation de Franceville. Avec une capacité d’accueil de 100 étudiants, il est soutenu par un partenariat pédagogique signé avec l’IFF (Institut de formation ferroviaire) du Maroc qui permet le « partage » d’experts qui viennent au Gabon et le déplacement des agents de la Setrag vers le Maroc pour y suivre des formations. Le CFPF (Centre de formation et de perfectionnement de Franceville) dispose de matériels didactiques numériques et modernes (tableaux interactifs, cours par visio, etc.). Dans un avenir proche, par l’entremise de la Setrag, le Gabon contribuera à la formation des cheminots de l’Afrique avec l’ouverture de notre centre aux apprenants et professionnels des chemins de fer du continent.

le 17 mai 2022

Anne-Marie Jobin

Setrag, Transgabonais, Gabon


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