Installée au cœur du quartier d’affaires de Libreville, l’ANPI-Gabon fut inaugurée le 15 janvier 2018. Cet établissement public à caractère administratif est rattaché à la présidence de la République du Gabon et placé sous la tutelle technique du ministère de la Promotion des investissements, des Partenariats public-privé, chargé de l’amélioration de l’environnement des affaires. L’ANPI-Gabon impulse et assure le suivi des réformes visant à améliorer le cadre des affaires au Gabon. Ses principales missions consistent notamment à promouvoir et à développer un cadre des affaires propice à l’amélioration de l’attractivité économique du Gabon, à prendre en charge des investisseurs nationaux et internationaux, à simplifier les formalités administratives et faciliter les procédures nécessaires à la formalisation des entreprises et l’obtention d’agréments et d’autorisations, ainsi qu’à promouvoir l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes. Autant de missions régaliennes que porte l’ANPI-Gabon, dirigée par Monsieur Ghislain Moandza. Un an après son arrivée aux commandes de cette institution, il nous fait part de son bilan et nous informe de ses perspectives.
PORTRAIT ET PARCOURS
Nommé à l’issue du Conseil des ministres du 20 novembre 2020, M. Ghislain Moandza Mboma est le directeur général de l’ANPI-Gabon. Diplômé de l’Institut national des sciences de gestion de Libreville et doctorant à l’Executive Doctorate in Business Administration (EDBA) de l’Académie des sciences de management de Paris (ASMP), Ghislain Moandza Mboma a fait ses classes au sein du groupe BGFI Bank où il a été directeur Western Union BGFI Bank de 2001 à 2010. En 2004, à Dubaï, lui est décerné l’Oscar de la meilleure qualité de service en Afrique subsaharienne et en 2007, à Istanbul, il remporte l’Oscar du meilleur manager Western Union Afrique subsaharienne. En 2010, il est nommé par ses pairs au poste de directeur général de Loxia Emf, filiale du groupe BGFIBank chargée de la microfinance En 2012, Ghislain Moandza Mboma occupe le poste de directeur régional chargé des pays francophones pour le groupe turc Yildirim Holding (mines, énergie, ports, construction navale). Son rôle consiste à conseiller le groupe dans sa stratégie de développement en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest, à rechercher des partenaires et construire des relations entre les autorités publiques et le secteur privé pour le Groupe. Fort de cette riche expérience, en 2015, il est appelé par Country Manager pour IELS Gabon, filiale d’IELS Global (société de services aux sociétés pétrolières basée au Nigéria). Cette noble mission est de courte durée, car en 2016, il accepte avec honneur d’être le directeur de la Promotion des investissements à l’ANPI-Gabon où il contribue à l’opérationnalisation de l’Agence. M. Moandza Mboma est marié et père de 3 enfants. Il est également membre du bureau de la Chambre de commerce du Gabon. Sur le plan caritatif, il est très actif dans le soutien aux causes des enfants orphelins. Le directeur général partage la vision de développement économique du Gabon prônée par Son Excellence Ali Bongo Ondimba, président de la République, chef de l’État : « Diversification économique et transformation locale de nos ressources de base », défis auxquels il s’attelle.
Échos de l’Éco : Monsieur le Directeur général, je ne doute pas de l’intérêt que portent nos lecteurs aux différentes missions de l’ANPI-Gabon, merci de nous apporter quelques précisions.
C’est avec plaisir que j’apporterai davantage de caractérisation aux missions qui sont assignées à l’ANPI-Gabon. Conformément à son décret de création, les cinq principales missions de l’Agence sont la promotion des investissements et des exportations ; la création et le développement des entreprises ; l’accompagnement des promoteurs ; le suivi des réformes sur le cadre des affaires ; et la promotion des partenariats public-privé. Il convient aussi de rappeler que l’ANPI-Gabon assure également le secrétariat permanent du haut conseil pour l’investissement (HCI). Le HCI est une instance qui a pour vocation d’animer et de dynamiser le dialogue entre le secteur privé et le secteur public afin d’identifier, ensemble, les réformes nécessaires à l’amélioration du cadre des affaires et des investissements. En ma qualité de directeur général de l’ANPI-Gabon, j’assume également les fonctions de secrétaire permanent du HCI.
La prise de décision d’investir dans un pays passe par l’appréciation de son climat des affaires. Pouvez-vous expliquer comment le HCI contribue à l’amélioration du climat des affaires ?
Cette année, dans le cadre du Plan d’accélération de la transformation (PAT) sous la supervision du ministère de la Promotion des investissements, le HCI a formulé un projet de loi fixant le cadre général de l’investissement en République du Gabon, communément appelé « Code des investissements », qui a été remis à Madame la ministre Carmen Ndaot en octobre dernier. Il s’agit d’une contribution significative pour le climat des affaires au Gabon, car cet outil permet de rassurer les investisseurs et d’assurer la croissance de l’investissement sur l’ensemble du territoire, dans une perspective de développement équilibré du pays. Le nouveau cadre juridique proposé prévoit des régimes juridiques dédiés respectivement à l’investissement et au réinvestissement. Il favorise le principe de liberté d’investissement et réserve plusieurs garanties en faveur de l’investisseur. D’autres travaux sont actuellement animés au sein des cellules spécialisées du HCI, notamment pour l’amélioration de la compétitivité des filières bois, tourisme, agriculture, éducation, etc.
Monsieur le Directeur général, nous avons lu récemment dans la presse que vous avez procédé à la signature d’un protocole d’accord avec la Confédération des chambres de commerce d’Arabie saoudite. Quels sont les enjeux de tels accords ? En avez-vous signé d’autres ?
Lors du forum The Future Investment Initiative qui s’est tenu en Arabie saoudite en octobre dernier, Son Excellence le chef de l’État Ali Bongo Ondimba a invité le secteur privé saoudien à investir en terre gabonaise. Cette invitation a été formalisée par la signature d’un protocole d’accord signé conjointement que l’ANPI-Gabon s’applique à mettre en œuvre. Cet accord constitue une passerelle entre les intérêts respectifs des acteurs privés saoudiens et gabonais et devrait mener au développement d’activités bilatérales prometteuses. Cet accord est matérialisé par l’arrivée d’une première délégation d’hommes d’affaires saoudiens attendue au premier trimestre 2022 dans l’objectif d’explorer les opportunités d’affaires dans les secteurs du BTP, des mines, de l’agriculture et de l’énergie. L’ANPI-Gabon a également signé des protocoles d’accords de même nature avec DEIK, c’est-à-dire le Conseil turc des relations économiques extérieures, et avec le Roscongress en Russie, avec pour objectif la mise en place d’une plateforme de rapprochement des associations d’employeurs russes et de la CPG ainsi que la mise en place du conseil d’affaires Russie-Gabon. Notons que la première délégation d’hommes d’affaires russes arrivera à Libreville dans les tout prochains jours. Il est important de préciser que ces différents accords ont déjà commencé à porter leurs fruits dans le secteur de l’énergie, avec l’installation des sociétés AlSharif (Arabie saoudite), AKSA et Desiba (Turquie). Ces projets portés par ces investisseurs en collaboration avec la SEEG contribueront à l’augmentation et à l’amélioration de la production d’électricité au Gabon.
Accompagnement des investisseurs sous-entend accompagnement dans le processus de création des entreprises. Le processus de formalisation au Gabon a-t-il évolué ? Quels chiffres significatifs êtes-vous en mesure de partager ?
Avant de vous indiquer différents chiffres significatifs, je souhaite vous faire part des évolutions importantes effectuées en matière de formation des entreprises. Depuis mars 2020, nous sommes impactés par la covid-19. Cette pandémie a généré notamment deux conséquences majeures à l’égard de l’économie. En premier lieu, elle a complètement déstructuré la logistique sur le plan international, avec, jusqu’à ce jour, des répercussions sur les prix du fret. Le Gabon étant un pays net importateur, les conséquences sont énormes sur notre balance commerciale et notre logistique. En second lieu, la distanciation qu’elle impose dans les contacts entre individus entraîne également des conséquences importantes. Ainsi, dans sa mission de formalisation des entreprises, l’ANPI-Gabon a été dans l’obligation d’accélérer le processus en trouvant une solution alternative aux déplacements et aux rencontres physiques. C’est ainsi que nous avons lancé le guichet numérique de l’investissement (GNI). Grâce à la digitalisation des procédures de création des entreprises, les opérateurs économiques n’ont pas subi de contrecoup et de retard dans leurs prévisions du fait des blocages en matière de création de leur société. Le Gabon est le premier pays de la sous-région à dématérialiser l’ensemble du processus de la création d’entreprise. Cette innovation importante permet à présent à l’ANPI-Gabon de procéder en ligne à la création juridique des sociétés, et ce de bout en bout, c’est-à-dire du règlement par l’usager des frais afférents jusqu’à l’obtention de la fiche circuit. Ce système devenu courant nous a également permis d’obtenir des informations utiles à notre économie. Ces données, dont la première est réconfortante, nous informent de l’augmentation des inscriptions de sociétés gérées par des Gabonais. Ainsi, entre juin 2020 et aujourd’hui, les statistiques intégrées au processus nous indiquent que plus de 50 % des entreprises créées appartiennent aux Gabonais et que 60 % d’entre elles sont portées par des jeunes. Notre analyse est la suivante : face au chômage, les jeunes se lancent vers l’auto-emploi et se prennent en charge.
Quelle est l’orientation de l’ANPI-Gabon pour soutenir l’investissement national ?
Il est vrai que si l’on ne tient pas compte des chiffres générés par l’exportation du pétrole, nous sommes déficitaires. Nous sommes bien conscients que combler cette différence ne se fera pas du jour au lendemain. Devant ce constat, nous avons dû lier à cette action de formalisation des entreprises une stratégie de substitution de nos importations. En clair, nous travaillons à réduire les importations en attirant les investisseurs dans les filières où nous importons le plus. Quelles sont ces filières ? Ce n’est un secret pour personne : les principales importations sont alimentaires. Par exemple, nous importons chaque année pour 100 millions de dollars de poulet de chair, 60 millions dollars de viande bovine et 40millions de dollars de viande porcine, 20 millions de dollars de produits maraîchers. Le principe de l’industrialisation de ces filières en terre gabonaise doit devenir une de nos priorités.
Quels sont les secteurs émergents dans lesquels les investissements sont consentis ?
Les investisseurs étrangers s’intéressent à cinq secteurs principaux. Le bois suscite l’intérêt d’industriels qui s’installent dans la zone de Nkok pour transformer cette matière première. Ils prêtent aussi une attention particulière à la production et au transport de l’énergie. Sur ce plan, il ne vous a pas échappé que l’heure est aux signatures de contrats visant à produire de l’énergie, qu’elle soit hydroélectrique, gazière ou solaire. Nous disposons de 700 MW et nous estimons nos besoins à 1 200 MW que nous espérons produire d’ici 2025. Concernant le secteur minier, nos ressources en or occasionnent des visites d’investisseurs-explorateurs au même titre que pour le manganèse et le fer. Dans le domaine de l’agro-industrie, nous recevons et discutons avec des Marocains pour le développement d’une agriculture vivrière dans la région de Franceville. Il s’agit d’y produire des patates douces, pommes de terre, pastèques, aubergines et piments sur une surface de 2 000 hectares.
Cette décentralisation aura à nouveau un impact sur le coût. N’êtes-vous pas en train de reproduire un vieux schéma ?
Contrairement aux initiatives avortées, celles-ci visent deux objectifs relatifs à notre accompagnement des investissements : le premier consiste à ne pas concentrer les investissements dans la périphérie de Libreville pour ne pas favoriser la migration de nos compatriotes provinciaux. Nous souhaitons harmoniser les effets de croissance sur tout le territoire. La seconde, et pas des moindres, est de veiller à ce que chaque investisseur fournisse de l’énergie partout où il souhaite développer un projet. Ces acteurs, comme ceux qui se sont installés à Souba, sont approvisionnés par le barrage hydroélectrique, ils ont l’accès à la terre et aux voies d’évacuation pour répondre à leurs besoins. La proximité de la route et la soixantaine de kilomètres qui les séparent du chemin de fer sont autant atouts indispensables à la réussite de ces cultures. Ces paramètres n’étaient pas réunis en 1976 !
Au mois d’avril, vous avez confié à notre confrère l’Union votre ambition de doter l’Agence de ressources humaines motivées et engagées dans la mise en œuvre de ses objectifs. Vous évoquiez également votre volonté de consolider les ressources structurelles et financières pour atteindre l’équilibre. Où en êtes-vous de cet engagement ?
Ce projet est programmé sur 3 ans. La première étape consistait à consolider les actions structurantes devant permettre d’atteindre les objectifs fixés. Il était d’abord nécessaire d’établir le cadre de la gestion des ressources humaines. À mon arrivée, l’équipe comptait plus de 100 personnes. Malgré cet effectif, il manquait des délégués du personnel, partenaires privilégiés de la direction générale pour un meilleur climat social, et il n’y avait pas de règlement interne structurant le vivre-ensemble au sein de l’Agence. Aujourd’hui, tous ces outils essentiels sont mis en place : les délégués ont été élus et installés, le règlement intérieur validé par l’Inspection du travail et signé par la Direction générale. Ces impératifs sont réglés et nous nous réunissons régulièrement pour échanger et discuter au quotidien de l’amélioration de la gestion du personnel pour l’efficacité de l’Agence. Ensuite, comme nous l’avons déjà dit, nous nous focalisons sur le sujet de la réduction de nos importations. Les activités de promotion des investissements donnent quelques résultats probants dans le secteur de l’énergie et de l’agriculture dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de substitution des importations. Revenons à l’agriculture et plus précisément au maraîchage nous pensons être autonomes d’ici 2024 en approvisionnement de produits cibles. L’autre volet du rôle de l’ANPI consiste à accompagner et conseiller les sociétés vectrices économiques de l’État : la SEEG, la Société du patrimoine, la Société équatoriale des Mines, Gabon Oil Company, etc. Notre mission dans ce domaine est de les aider à réaliser leur plan d’affaires en mutualisant, rationalisant et optimisant l’efficacité du service public. Notre mission est de les guider à se concentrer sur leur métier pendant que nous nous chargeons d’aborder des partenaires stratégiques et financiers pour qu’ils développent leurs activités. Une année était effectivement nécessaire pour consolider ces bases essentielles et assoir structurellement l’ANPI. Mais il y a aussi l’appui à l’entrepreneuriat. Sur ce volet de notre action, en plus de tout le soutien apporté aux PME et aux promoteurs à travers le renforcement de capacités de leurs dirigeants, nous avons signé un partenariat avec Cofina et discutons aujourd’hui avec les banques afin d’élargir le portefeuille des ressources destinées à ces PME gabonaises, pour leur accessibilité aux financements. Enfin, concernant la formalisation des entreprises, comme nous l’avons développé précédemment, la digitalisation est opérationnelle à Libreville, mais ne l’était pas encore dans nos provinces. Nous avons amorcé un programme pilote de création d’entreprises testé dans l’Ogooué maritime et le Haut-Ogooué qui sera exploitable en cette fin d’année. Notons également que l’État apporte un appui multiforme nécessaire à la réalisation du plan d’action inscrit dans notre plan ANPI-Prospérité 2023.
Un an après votre prise de fonction, quelle est votre analyse de la situation, quelles sont vos perspectives ?
Cette année est toujours frappée par la pandémie. Mais je la qualifie de particulière, de charnière aussi. Les marges de manœuvre sont limitées et ne nous permettent pas de déclencher tous les leviers nécessaires à la mise en œuvre de notre plan d’action ANPI-Prospérité 2023. Cependant, au cours de cette année, j’ai observé avec attention et intérêt que des femmes et des hommes au sein de l’ANPI s’investissent, se mobilisent, se motivent pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Je note une forte adhésion et un accompagnement de la part des plus hautes autorités à l’égard de l’ANPI. Pas seulement en termes de moyens, mais aussi en termes de soutien des missions de l’ANPI. C’est pourquoi j’ai parlé d’appui multiforme. Les perspectives de l’ANPI sont la couverture nationale des activités de formalisation en ligne par le biais du GNI et l’intensification de la mise en œuvre de la stratégie de substitution des importations dans les filières prioritaires qui aura un impact immédiat sur le panier de la ménagère, allégeant ainsi le coût de la vie pour la population gabonaise.
le 16 décembre 2021
Anne-Marie Jobin
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