La venue au Gabon de monsieur Henri Monceau coïncide avec l’organisation d’un forum économique de haut niveau mené avec les autorités politiques et économiques des pays d’accueil : le Vietnam et le Cambodge. Les participants gabonais, issus notamment de la Zerp (zone économique à régime privilégié) de Nkok, auront le privilège et l’occasion de prospecter ensemble des marchés, de discuter d’affaires et de réseauter avec plus de 350 opérateurs économiques locaux. Une belle opportunité pour les opérateurs gabonais qui se préparent déjà à prendre part à cet événement.
Henri Monceau occupe ce poste de directeur de la francophonie économique et numérique depuis décembre 2019. Entre 2009 et 2014, il était chargé de la définition et de la mise en œuvre des politiques visant à développer la créativité, l’innovation, les nouvelles technologies et les TIC auprès des jeunes et des entrepreneurs. De 2014 à juin 2017, basé à Genève, il était responsable de la diplomatie multilatérale dans les domaines des droits de l’homme, haut représentant pour les droits fondamentaux et l’économie numérique pour les gouvernements francophones de Belgique auprès des organisations internationales. EN 2017, il fut nommé ambassadeur représentant permanent de l’OIF auprès des Nations unies et à Vienne.
Échos de l’Éco : Monsieur Monceau, quelle est la principale mission de votre organisme ?
Nous travaillons actuellement à la mise en place des missions économiques et commerciales de la francophonie. Ces rencontres d’entrepreneurs entre partenaires potentiels réuniront environ 350 entreprises locales du Sud-Est asiatique et 70 entreprises et acteurs économiques venus de toutes les régions francophones pour réseauter et faire des affaires. Deux missions sont programmées à cet effet : la première, en mars 2022, concerne l’ensemble des acteurs des 54 États membres de la Francophonie (dont 31 pays africains), qui seront invités et feront le déplacement jusqu’au Cambodge et au Vietnam. Trois secteurs d’activités professionnels ont été choisis : les agro-industries, les biens et services numériques et les énergies renouvelables. En juin 2022, le Gabon et le Rwanda recevront à leur tour 70 à 100 entreprises présélectionnées issues de nombreux pays membres de la Francophonie pour échanger sur les mêmes thématiques, dans l’objectif de créer des liens commerciaux dans le cadre de la deuxième mission économique et commerciale de la Francophonie.
Qu’il s’agisse des pays ou des opérateurs, quels sont les critères de sélection ?
Avant de répondre à cette question, permettez-moi de revenir sur les motivations qui amènent l’OIF à s’investir dans de telles missions. La Francophonie, c’est 16 % du PIB mondial, 14 % des ressources minières et énergétiques de la planète, 20 % des échanges économiques globaux, ce qui en fait un espace considérable. Le français reste la troisième langue dans le monde des affaires. Par conséquent, il est important que dans cette économie globalisée et très concurrentielle, nous imposions nos atouts, notamment sur le plan commercial. Employer la langue française pour contractualiser des accords, pour déposer des brevets, pour prévoir des procédures de règlement, etc., c’est personnaliser des méthodes qui peuvent constituer des avantages comparatifs. Pour revenir à votre question, deux types de critères sont retenus : pour être éligible, l’entreprise doit exercer dans l’un des trois secteurs d’activité cités plus haut. Elle doit évidemment être en règle avec le cadre légal applicable. Un autre critère indispensable consiste en ce que l’entreprise réponde à une légitimité vis-à-vis du pays d’accueil. Les entreprises se doivent mutuellement d’apporter une sorte d’innovation pour présenter un intérêt. Si je prends l’exemple du Gabon, il s’avère que la filière du bois sera complémentaire par rapport aux entreprises vietnamiennes et cambodgiennes. Les entreprises concernées seront en mesure d’exporter des produits et du savoir-faire, elles pourront construire des alliances et échanger pour concrétiser les connexions déjà mises en place en amont de ces déplacements.
À Nkok, les opérateurs sont majoritairement des spécialistes de la transformation du bois. En quoi le numérique intervient-il dans ce domaine, considérant que le numérique est l’une des trois thématiques retenues ?
Ces métiers particuliers sont des filières à valeur ajoutée considérable. De nombreux aspects de la profession nécessitent l’apport du numérique : sur le plan bureautique, pour dessiner en 3 D, pour pouvoir comparer et se distinguer en termes de création, pour vendre et exporter sachant que les ventes sur internet ont atteint 112 mds d’euros en 2020 grâce à la digitalisation accélérée du commerce de détail, par exemple. Cette accélération de la puissance du numérique a fait l’objet de la création de « fab labs » dans la majorité des usines de la Silicon Valley dans les années 2000. Si au rez-de-chaussée d’une usine, les fraiseuses, les meuleuses, les ajusteuses, tournaient à plein régime, on retrouvait à l’étage les découpes laser, les imprimantes 3 D et autres matériels d’assistance électronique. On analyse donc sans difficulté la valeur ajoutée supplémentaire du numérique qui justifie la révolution industrielle sur laquelle il est indispensable de s’appuyer. Le Vietnam s’est imprégné de ce schéma, d’où sa réussite.
On note qu’au Vietnam, en 2020, le poids du secteur des biens et services numériques pèse 14 mds de dollars, soit 5 % du PIB et une augmentation de 16 % par rapport à 2019. Selon vous, à quoi est due cette croissance fulgurante ?
Cette croissance est due à différents paramètres. Le travail stratégique du Vietnam a consisté à accéder à de nouveaux marchés par la conclusion d’accords de libre-échange et d’accueillir des investissements dans le domaine du digital. Les chaînes de valeur créées dans le secteur des biens et services numériques leur valent aujourd’hui de posséder et de gérer la plus grande usine au monde de fabrique de smartphones, notamment Samsung. Les données initiales de cette fameuse chaîne de valeur ont toutefois été remises en cause par la pandémie. Auparavant, l’intérêt premier passait par l’étude des coûts. Le fonctionnement s’en est trouvé enrayé, ainsi que les échanges, les méthodes, notamment celles des avitaillements. De ce fait, les géants du numérique ont dû revoir leur copie. En revanche, le Vietnam a su tirer son épingle du jeu grâce à l’approvisionnement interne du pays en matières premières. Ce savoir-faire et cette autonomie ont entraîné une forte demande de l’international en matière d’équipement et autres accessoires de communication à distance tels que des logiciels et des machines de visioconférence. Voilà, selon nos études, la raison de cette croissance. Si nous devions établir un comparatif avec le potentiel du Gabon, on s’appuierait sur ce qui se passe à Nkok, avec la troisième transformation des grumes. C’est l’une des méthodes permettant d’améliorer l’écosystème et de contribuer à la diversification de l’économie du pays.
Est-ce que l’ensemble des pays d’Afrique est concerné par ce forum ?
Le programme de notre mission concerne tous les pays à condition qu’ils remplissent les critères d’éligibilité énumérés un peu plus haut. Aujourd’hui, nous sommes au Gabon et après, nous irons au Rwanda pour effectuer le même travail de prise de contacts et d’évaluation des entreprises potentiellement à même de satisfaire aux objectifs assignés à notre organisation.
Qu’est-ce que les acteurs du secteur au Gabon sont en droit d’attendre de ce forum ?
Nous sommes ici, à Libreville, pour une visite de travail précurseur en vue d’une mission économique et commerciale que le Gabon accueillera dans quelques mois (juin 2022). En prenant ce type d’initiatives, nous visons indéniablement des résultats concrets. Tout comme ceux des autres pays de l’Afrique centrale, les acteurs du Gabon doivent s’attendre à acquérir de nouveaux savoir-faire dans le but de démultiplier leurs chaînes de valeurs dans les domaines de la transformation, dans le cadre des agro-industries, des biens et services numériques et des énergies renouvelables.
Le Vietnam est le 3e pays exportateur mondial de riz, 2e pays producteur et exportateur mondial de café et 1er pays producteur et exportateur de poivre. Or, dans ce domaine, le Gabon ne se développe pas à la hauteur de ses potentialités. Ne pourrions-nous pas travailler à une coopération bilatérale avec le Vietnam ?
L’un de nos objectifs pour le bien de tous les pays, c’est le désenclavement, l’ouverture aux autres. Car dans la situation actuelle d’une économie globalisée, il y a beaucoup de complémentarité à trouver, tellement d’acteurs à mettre en synergie pour coconstruire un monde idéal. C’est cela d’ailleurs la vision de l’actuelle secrétaire générale de l’OIF : encourager la consolidation de tous les acteurs afin de favoriser le développement des cinq continents qui ont beaucoup de points communs, notamment leurs langues.
le 7 décembre 2021
Anne-Marie Jobin
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