Portrait Emmanuel Mundela
Emmanuel Mundela, 36 ans, originaire de la République démocratique du Congo et ingénieur civil de formation, est un professionnel expérimenté dans la structuration et le développement de projets durables dans divers secteurs en Afrique subsaharienne. Diplômé de l’université technique d’Istanbul et titulaire d’un master en gestion de construction de l’université du Bosphore à Istanbul, il a rejoint Meridiam en 2015. Au sein de Meridiam, il s’est spécialisé dans les secteurs des énergies renouvelables (biomasse et hydroélectricité) et du transport (ports, aéroports, routes et chemins de fer). Emmanuel dirige actuellement les activités de Meridiam en Afrique centrale et a joué un rôle clé dans la construction du portefeuille de l’entreprise au Gabon. Après plusieurs mois à préparer sa successeure aux missions qui l’attendent, Emmanuel Mundela prendra la direction des opérations de Meridiam en Afrique de l’Ouest à partir de septembre 2023.
Le fonds s’investit au Gabon depuis 2016 et sa participation financière globale s’élève à ce jour à 1,5 md d’euros (983 500 mds de F CFA). Il est engagé sur quatre principaux projets d’envergure : le plan de remise à niveau de la Setrag, la réfection, l’entretien et la gestion de la route nationale 1, le port minéralier d’Owendo et la construction du barrage hydroélectrique de Kinguélé Aval.
EE : Emmanuel Mundela, quels sont les développements respectifs de ces quatre projets en cours de réalisation ? Rencontrez-vous des freins à leur concrétisation, des difficultés particulières, si oui à quels niveaux ? Commençons par la Setrag. En septembre 2021, Meridiam est entré au capital de la Setrag à hauteur de 40 %. Le groupe Eramet garde 51 % et l’État gabonais 9 %. S’agit-il d’un PPP signé avec l’État ?
Au Gabon, comme sur l’ensemble du continent, la quasi-totalité de nos investissements sont effectivement cosignés avec les États. En 2005, la Setrag a signé un contrat de concession portant sur la gestion, l’exploitation et la maintenance du trafic ferroviaire. Ensuite, il est rapidement devenu évident pour l’État et la Setrag qu’il fallait réaliser de gros investissements afin de restaurer la capacité initiale du chemin de fer. Un premier avenant au contrat a été signé en 2015 à cet effet. Ensuite, l’État gabonais a manifesté son ambition de restaurer la capacité de la ligne et même de l’accroître pour répondre au besoin de diversification de l’économie gabonaise.
C’est ainsi que nous sommes intervenus en 2021 dans le cadre d’un programme additionnel baptisé Plan d’augmentation de la capacité (PAC) qui complète le Plan de remise à niveau (PRN) et se déploiera concomitamment à ce dernier. Pour rappel, l’enjeu du PRN est de restaurer la capacité de la voie. Aujourd’hui, Setrag transporte 12 millions de tonnes par an, toutes marchandises confondues. L’objectif avec le PAC est d’atteindre, 19 millions de tonnes transportées par an dans un premier temps, puis 29 millions de tonnes au vu de l’essor exponentiel du secteur minier. Notre engagement pour le Plan d’augmentation de la capacité contribue à cette concrétisation en accord avec l’État.
Concernant le PRN, il prévoyait initialement la construction et/ou réhabilitation de la voie sur 250 km. Le plan mériterait d’être plus ambitieux encore. Nous avons adapté les caractéristiques des rails remplacés pour prendre en compte les charges et le trafic actuels et ceux à venir. Sans entrer dans la technique, il s’avère qu’une partie du tracé ferroviaire bénéficie d’ores et déjà de ces nouveaux rails et qu’aucun incident, accident, n’a été observé sur lesdites zones, ce qui répond aux attentes de chacune des parties prenantes. À ce jour, 260 km ont été réalisés, dont 92 km depuis notre arrivée au capital de la Setrag.
Comment envisagez-vous passer de 12 millions de tonnes actuellement à 19 puis 29 millions de tonnes, sachant que la voie est considérablement endommagée, que les rails sont vieillissants et que des secousses sismiques sont reconnues et affectent les sols ?
Passer de 12 à 19 millions de tonnes impose des choix stratégiques. L’option choisie est de renforcer les infrastructures existantes, d’augmenter les points de croisement et de rallonger les gares pour transporter davantage de marchandises. Meridiam est un fonds d’investissement qui a, entre autres, la capacité d’accompagner les ingénieurs, de challenger les propositions techniques et d’apporter des solutions adaptées aux besoins locaux. Chacune des parties contribue selon ses moyens et ses expertises, et à cette occasion, je souhaite souligner et saluer le travail colossal accompli en si peu de temps (quelques semaines au lieu de quelques mois !) par la Setrag. Pour atteindre les 29 millions de tonnes par an, nous examinerons entre autres la possibilité de doublement de la voie sur certains tronçons ; mais nous nous focalisons pour l’instant sur les 19 millions de tonnes. La problématique est de réaliser ces travaux sans entraver le flux du transport des marchandises, ou le moins possible.
Permettez une question subsidiaire : intervenez-vous dans le choix des produits et/ ou matières, voire matériels transportés par la Setrag ?
Non. Cependant, nous sommes évidemment informés et savons que certains utilisateurs possèdent leurs propres matériels roulants. Ces clients utilisent la voie d’un point A à un point B. Les autres utilisateurs sont tributaires des matériels roulants de la Setrag. Les problèmes avérés avec les matériels sont dus à l’âge desdits matériels, ce qui a occasionné l’achat récent de six locomotives.
Concernant la SAG, société chargée de la construction, de l’entretien et de l’exploitation de la Transgabonaise, qu’en est-il concrètement ?
Les premières actions sur la Nationale 1 consistaient à réaliser des travaux d’urgence en vue de restaurer un trafic sécurisé pour les usagers, ce qui fut le cas. Les travaux en cours de réalisation, dont le contrat de conception-construction a été confié à l’entreprise Afcons, visent à la réhabilitation et à la reconstruction sur certains tronçons pour qu’elle soit viable dans la durée. Ces travaux sont actuellement achevés à plus de 70 %. Le contexte mondial a quelque peu affecté la chaîne d’approvisionnement et nous accusons un faible retard.
Un autre paramètre est à prendre en compte : la route n’est pas fermée au trafic, ce qui impose l’application d’une logistique sécuritaire implacable, et ce sur 81 km. Concernant les expropriations, cette responsabilité incombe à l’État, chacun joue sa partition dans ses domaines respectifs et dans le respect des lois internationales. Cette partie est en bonne partie derrière nous.
Réfection de la voie de chemin de fer dans le cadre du plan de remise à niveau de la Setrag
Cet ouvrage du PK 12 au PK 105 sera donc bientôt livré. La Transgabonaise est longue de 748 km. Meridiam s’impliquera-t-elle sur d’autres lots ?
Notre mandat concernant la Transgabonaise se limite au tronçon entre les PK 12 et PK 105. Et nous avons, en accord avec l’État, opté sur un développement en deux étapes de ce tronçon : d’abord la chaussée entre les PK 24 et PK 105, y compris son élargissement entre les PK 24 et PK 40, ensuite les ouvrages d’art, les bâtiments d’exploitation et la réhabilitation du tronçon PK 12–PK 24. Par conséquent, à ce jour, il reste à réaliser les travaux relatifs aux ponts, bâtiments d’exploitation et au tronçon PK 12– PK 24 qui seront attribués à une entreprise de construction à l’issue d’un processus d’appel d’offres international. Ce qu’il faut souligner et retenir, c’est notre engagement à opérer et maintenir en bon état cette route pendant 30 ans. C’est-à-dire que les Gabonais n’ont plus à craindre la dégradation de ce tronçon de route pour les 30 prochaines années.
Concernant le port minéralier d’Owendo, quelles sont perspectives à court terme ?
Cette infrastructure a été créée pour répondre aux besoins croissants du secteur minier. Meridiam est entrée au capital en 2017 à hauteur de 25 %. Elle contribue à la définition de la stratégie du développement. À ce jour, près de 300 millions d’euros ont été investis pour la construction et l’acquisition du matériel roulant. À l’issue de notre première année d’exploitation, nous avons atteint près de 2 millions de tonnes, en 2022, nous avons clôturé à 6,2 millions de tonnes, et sur le court terme, à l'horizon 2025/2026, nous visons les 10 millions.
Le barrage de Kinguélé Aval est le quatrième ouvrage, et non des moindres, de Meridiam. Quelle est son histoire et pour quelle raison suscite-t-il des interrogations ?
La construction a commencé en décembre 2021. Il est retranché, hors de Libreville, en plein milieu forestier. Nous sommes à l’orée d’une réserve très riche en biodiversité, ce qui implique une méthodologie de travail particulière et assez contraignante. Par exemple, la première partie de nos actions consistait à défricher l’emplacement du chantier, à préparer les installations, les infrastructures et la base vie. Concernant le défrichage, nous avons fait intervenir des experts en biodiversité, y compris le MBG (Missouri Botanical Garden). Il a fallu recenser les espèces endémiques et/ou critiques, les replanter en pépinière avant de pouvoir travailler sur les fondations du barrage. Meridiam est très attentive à ces processus de préservation parce que très consciente de l’impact de ses projets sur l’environnement. Comme tous nos partenaires, telle la société Sinohydro chargée de la construction du barrage est impliquée, concernée et signe avec nous, dans le cadre du contrat qui lie la société Asonha Energie (filiale de Meridiam) et la société Sinohydro, la charte de collaboration participative, c’est-à-dire que nous partageons une éthique et des objectifs communs. Quant à l’avancée des travaux, les fondations devraient être terminées à la fin de cette année avant de passer au gros œuvre. L’achèvement de ce chantier se situe à l’horizon fin 2025. Meridiam détient 60 % du capital d’Asonha Energie, notre filiale chargée de réaliser le projet aux côtés du fonds gabonais d’investissement stratégique qui en détient 40 %.
Dans le volet de la RSE, Meridiam est particulièrement exigeante et vous vous impliquez dans tous les segments qui la composent. Qu’en est-il concrètement des trois piliers principaux ?
Permettez-moi d’ajouter la formation à l’un de ces piliers. L’égalité des chances dans notre groupe est un élément primordial et bien défini avec nos partenaires publics. Une priorisation à l’embauche de collaboratrices ou collaborateurs gabonais est respectée en fonction de leurs compétences. Si nous devons faire appel à un profil extérieur, alors cette personne a pour obligation de transférer ses compétences. Cela se traduit par la venue d’experts qui forment des Gabonais afin que ces derniers deviennent les gérants des concessions sur lesquelles nous avons signé 30 années d’exploitation. Concernant l’égalité des genres, le principe de base est identique : compétences égales, opportunités égales. Nous avons conscience que nos cœurs de métiers sont a priori moins attractifs pour la gent féminine. Nous adoptons des stratégies afin qu’elles puissent participer et être intégrées dans tous les secteurs. Une règle est fixée : à compétence égale, la postulante décroche le poste à pourvoir, peu importe la hauteur de la responsabilité relative à ce poste.
Quelle est la démarche de QVT (qualité de vie au travail) et plus globalement le bien-être des équipes au travail, sachant que beaucoup d’entre elles vivent dans des bases vie ?
Nos équipes sont composées d’hommes et de femmes dans nos bases vie. Nous sommes très sensibles en interne, sur le plan social, aux plans de gestion définis selon les standards internationaux. Cependant, nous sommes aussi très attentifs aux coutumes locales. Pour nous aider à nous améliorer continuellement, nous faisons appel à des auditeurs, internes et externes. Sur le plan social, nous avons également mis en place une plateforme de messagerie anonyme, reliée directement aux services des ressources humaines. Ce contact direct réceptionne les doléances, les plaintes des salariés. Ces plans de gestion nous permettent d’avoir un suivi en continu, de nous assurer que le chantier est développé conformément à nos obligations cosignées avec nos bailleurs de fonds.
Vous êtes une société européenne et vous coopérez avec les autorités gabonaises. Rencontrez-vous des difficultés de collaboration sur le plan éthique et équitable avec vos partenaires ?
Meridiam investit et s’investit dans des partenariats public-privé. Par définition, l’approche et la réalisation de tous les sujets sont obligatoirement différentes. Cependant, quelle que soit la structure, publique ou privée, nos complémentarités sont indispensables à la réussite des projets et nous obligent à nous impliquer dans nos secteurs respectifs. La notion de temps est abordée de façon différente suivant la vision de chacun. À chaque signature de contrat, nous devons prendre en compte nos impératifs, apprendre à nous connaître et à travailler ensemble pour faciliter les échanges et être plus efficients. Nous nous félicitons de notre coopération avec les autorités gabonaises.
Combien la société Meridiam a-t-elle généré d’emplois et dans quels secteurs ?
Nous nous réjouissons d’accompagner l’État gabonais dans la création d’emplois au Gabon. Nous comptons la création de 3 400 emplois directs et de dizaines de milliers d’emplois indirects. Plus de 300 employés travaillent sur le chantier du barrage de Kinguélé Aval ; 1200 Gabonais interviennent sur le chantier de la route Nationale 1 ; le port minéralier d’Owendo (OMP) emploie quant à lui plus de 350 Gabonais. Enfin, la Setrag à elle seule emploie à ce jour plus de 1 600 Gabonais.
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