La Société alimentaire de la Nomba (plus connue sous son nom commercial de SANgel) a été créée il y a plus de 30 ans. Au fil des années, la SAN a relevé le défi de la diversification des produits en s’adaptant davantage au marché local. En 30 ans d’expérience et de perfectionnement, la SAN est devenue emblématique, incontournable, et jouit d’une excellente réputation, notamment grâce à la maîtrise totale des normes drastiques de respect de l’hygiène alimentaire. La SAN prend en charge le BtoB tandis que les magasins répondent à la vente en gros, demi-gros et détail. Ce qui distingue ces pionniers, fondateurs et leaders gabonais dans le secteur de l’importation de produits surgelés, c’est leur complète maîtrise de la chaîne du froid liée à des pratiques perfectionnées, depuis l’acheminement jusqu’à la distribution, en passant par la transformation et le conditionnement, et ce grâce à un dispositif logistique adapté, efficace et en perpétuelle évolution. Son développement économique, et par voie de conséquence sa position sociale, sociétale, justifient que Les Échos de l’Éco rencontrent Monsieur Damien Baron, directeur général depuis août 2021. Nous avons particulièrement apprécié le fait qu’il ne s’oppose à aucune question alors que la discrétion légendaire autour de SANgel nous laissait en douter. Transport, douane, congélation, découpe, mise en rayons, gestion commerciale, RSE, etc., aucun sujet n’est resté secret. J’ai été invitée à visiter les ateliers et les chambres froides. Par ces quelques lignes, je vous invite à mon tour à découvrir l’arrière-boutique des magasins SANgel.
PORTRAIT ET PARCOURS DE DAMIEN BARON
Damien Baron est diplômé de l’IUT de Toulon en techniques de commercialisation et de l’Institut des techniques de l’exportation (IAE de Nice). Après avoir commencé sa carrière en Afrique en 1991, puis occupé le poste de directeur commercial, il est devenu directeur général de structures réalisant un CA de 4 à 90 millions d’euros, en France et en Afrique. Il a travaillé pour de grands groupes tels que PPR (actuellement « Kering »), Auchan et Castel ainsi que dans des PME dans les domaines de la grande distribution, du BTP et de l’agroalimentaire, avec des équipes allant jusqu’à 600 personnes. Depuis août 2021, Damien Baron est directeur général de SANgel. Il est marié et père d’une fille de 26 ans.
EE : Quelle est votre analyse globale, humaine, technique et économique de la société SANgel ?
Globalement, mon analyse est positive : la société SANgel continue à se développer, elle est correctement gérée pour assurer sa pérennité. L’année post-covid 2022 a donné lieu à une forte activité et nous sommes très optimistes pour 2023. Nous embauchons et avançons dans l’objectif d’accroître nos résultats.
EE : Quelles ont été vos premières préoccupations ?
En ma qualité de directeur général, j’ai tout d’abord veillé à ce que l’équipe de direction soit complète. J’ai donc recruté deux personnes essentielles qui s’avèrent être des femmes : une responsable QHSE et une responsable RH qui ont la responsabilité des 370 collaboratrices et collaborateurs SANgel. Ma deuxième préoccupation fut de clarifier la vision globale et de définir les missions de l’entreprise. Pour être correctement guidés, nous avons, pour chaque employé, créé une fiche de poste et avons déterminé des indicateurs pertinents pour chaque département (KPI pour Key performance indicator). Une fois ces préalables et les organigrammes clairs établis, nous avons procédé aux entretiens d’évaluation individuels qui nous ont permis de fixer des objectifs et de proposer un plan de formation à chacune et chacun de nos collaboratrices et collaborateurs.
EE : Nous accordez-vous le droit de penser que vous avez donné du sang neuf à cette vieille dame ?
SANgel a toujours été bien gérée. En termes de management, je pense qu’effectivement il était nécessaire de mettre en place des processus modernes, efficients, qui font preuve tous les jours de résultats probants. J’évoquais dans votre précédente question le rôle défini pour chacun. Le mien est, entre autres, celui de repositionner les fondamentaux managériaux.
EE : SANgel est incontournable au Gabon. Vous alimentez le marché en gros, en demi-gros et les privés. Comment, en pourcentage quantitatif, se décompose votre clientèle entre ces trois cibles ?
Notre activité est scindée en deux parties relativement équilibrées, avec une part d’environ 50% chacune. L’une concerne nos cinq magasins qui sont ouverts tout d’abord aux particuliers et aussi aux professionnels, notamment les magasins de Bessieux et d’Okala qui reçoivent et travaillent avec les restaurateurs. Le magasin de Bikélé gère les approvisionnements provinciaux des supérettes (en demi-gros) et le magasin de Sorbonne a la charge des semi-grossistes et supérettes de Libreville. Concernant nos ateliers de « la Nomba », la SAN historique, en notre qualité d’importateur, nous fournissons les clients-négociants, les supermarchés, les sociétés de catering et les grands hôtels.
EE : Quel est le tonnage moyen de viande importée chaque année ? De quels types de viande s’agit-il ? Poulet, bœuf, mouton, abats ? De quelle provenance ?
Nous traitons environ 3000 tonnes par mois, soit 36000 tonnes par an, tous produits confondus : viande, abats, poisson, charcuterie, fromage et produits élaborés. Concernant les produits carnés, ils représentent environ 75% de la totalité et le poulet est largement en tête de liste. Tous les produits élaborés tels que charcuterie, fromages, produits préparés proviennent d’Europe, notamment de France. Les viandes et les poissons voyagent principalement depuis l’Amérique du Nord et aussi l’Amérique du Sud (Brésil, Paraguay, Argentine), mais aussi l’Asie pour certains poissons. Nous commandons et recevons également des poulets d’Ukraine et importons actuellement de la margarine et des glaces de ce pays.
EE : Vous fournissez-vous aussi auprès de producteurs locaux tels que des éleveurs ou des maraîchers gabonais ?
Concernant les poulets, nous avons rencontré quelques éleveurs, mais leurs infrastructures ne sont pas normées et ne répondent donc pas aux critères de référence imposés. D’autre part, les quantités sont insuffisantes et les prix sont supérieurs. Cependant, nous sommes ouverts à tout producteur qui saura nous garantir qualité, quantité et prix abordables pour le consommateur. Nous serions ravis de participer au développement de la production locale comme nous le faisons avec les crevettes, les calamars et certains poissons pêchés localement. Les crevettes gabonaises sont surgelées à même le bateau et sont d’une qualité exceptionnelle. Par ailleurs, nous achetons d’importantes quantités de légumes locaux, transformés ou non, auprès de maraîchers. Ils représentent environ 10 % de nos ventes. Tous les fournisseurs de nos produits doivent répondre à des normes d’hygiène drastiques afin d’être référencés et agréés et leurs sites de production doivent être en règle avec les normes fixées par l’Agasa. Une fois toutes ces barrières franchies, nous commandons, ils nous livrent. Tous les producteurs et fournisseurs locaux sont payés cash à la livraison pour les aider à se développer. Concernant les autres légumes surgelés, ils arrivent de France ou de Belgique.
EE : Concernant les importations, pouvez-vous nous expliquer quelles sont les conditions de voyage, les contraintes appliquées pour respecter la chaîne du froid ? Ces conteneurs vous appartiennent-ils ?
Tous les produits voyagent dans des conteneurs réfrigérés à - 18°. Ils sont remplis à l’usine, branchés sur les camions puis au port, également sur le bateau, enfin branchés sur le port de Libreville le temps de remplir les formalités administratives et rebranchés sur le camion qui nous livre à nos dépôts. Les températures sont traçables du début à la fin de leur parcours. Si la moindre défaillance est observée, les marchandises sont intégralement détruites, ce qui est, heureusement, très rare. Mais nous préférons assurer une qua- lité à 100 % plutôt que de faire courir le moindre risque à nos consommateurs. Nos produits sont assurés tout risque et en cas d’avarie constatée, les destructions sont couvertes par notre assurance.
Nous ne sommes pas propriétaires de conteneurs. Ces derniers appartiennent aux compagnies maritimes avec lesquelles nous sommes sous contrat. Nous disposons de délais de détention de ces conteneurs, ce qui explique l’attention que nous portons au traitement des opérations portuaires, au professionnalisme du transitaire, pour que ces délais soient réduits au maximum afin d’en réduire les coûts.
EE : Une question plus administrative : vos marchandises étant des produits alimentaires et des vivres frais, bénéficiez-vous d’un régime spécial de la part des douanes, notamment un passage prioritaire ?
J’ai le plaisir de vous annoncer que c’est en cours ! J’ai appris qu’à une époque révolue, il existait une procédure de dédouanement accélérée baptisée « circuit vert ». Aujourd’hui, nous avançons sur une procédure nommée PSI (procédure simplifiée d’importation) qui devrait être mise en place sous peu. Elle sera réservée aux importateurs formels, agréés par la douane. L’objectif est d’accélérer la sortie du conteneur, certaines opérations pouvant être réalisées après sa sortie du port. Inutile de vous spécifier combien nous sommes intéressés par l’effectivité de ce process, par souci économique, pour ne plus être impactés par le coût de deux voire trois jours d’immobilisation. Il me paraît important de souligner que c’est aussi un des sujets entrant dans la lutte contre la vie chère, puisque ces surcoûts ont évidemment un impact sur nos prix de vente et donc sur nos clients.
EE : SANgel est-elle une société reconnue et certifiée ISO ?
Depuis janvier 2023, nous travaillons aux démarches pour l’obtention de notre certification ISO 9001. L’objectif premier est d’être certifiés en octobre 2023. Pour rappel, ISO 9001 est une certification qui atteste des bons process managériaux de l’entreprise. Nous projetons d’acquérir en 2024 la certification ISO 22000 qui est la norme alimentaire.
EE : Les administrations, en particulier DGCC, Agasa et DGD ont la charge de veiller à ce que les règles d’hygiène soient respectées. Quelles relations entretenez-vous avec leurs services ?
Votre question englobe plusieurs sujets. Commençons par l’Agasa (Agence gabonaise de sécurité alimentaire), chargée de l’hygiène. Notre souhait est de construire une relation de confiance, un partenariat avec cette institution. Nous considérons à juste titre (et cela n’est pas démenti) que nous respectons à 100 % les règles d’hygiène, ce qui ne semble pas être le cas de la concurrence informelle avec laquelle nous sommes en compétition, des sociétés qui importent plusieurs centaines de conteneurs par an sans respecter ni les règles commerciales du marché ni les règles d’hygiène, sociétales, sociales ou douanières. Ce que nous souhaitons, c’est rétablir un traitement plus juste entre les entreprises formelles et informelles. L’une des prérogatives de la DGCC (Direction générale de la concurrence et de la consommation) est de surveiller que les prix de vente soient respectés, particulièrement ceux de la mercuriale se rapportant à la vie chère. Leur rôle est primordial. SANgel, au titre d’une entreprise inscrite dans le respect des valeurs, a participé aux discussions concernant la vie chère. Si les directives de la DGCC nous contraignent à baisser nos marges, elles permettent aux consommateurs de bénéficier de prix plafonnés, ce qui équilibre le marché. Pour notre part, nous sommes concernés sur une dizaine de produits dont les prix sont plafonnés, notamment la volaille, le porc et deux espèces de poissons.
Quant à la DGD (Direction générale des douanes), elle a entamé récemment une série d’enquêtes auprès des importateurs de surgelés et nous attendons avec impatience les résultats de ce travail, car l’informel nous pénalise et représente un manque à gagner de plusieurs dizaines de milliards de F CFA pour l’État. Le directeur général des Douanes est un professionnel à l’écoute des opérateurs privés de la FEG et du Simpex, et nous lui en sommes très reconnaissants.
EE : SANgel est à présent une chaîne n’est-ce pas ? Dans combien de pays votre enseigne est-elle implantée ? Combien de magasins gérez-vous au Gabon ?
SANgel est implantée depuis peu en Côte d’Ivoire pour y mener les mêmes activités qu’au Gabon. Le premier magasin est installé à Youpougon, le plus grand quartier d’Abidjan, et deux autres ouvriront leurs portes très bientôt. Au Gabon, nous avons cinq magasins à Libreville et projetons d’en ouvrir deux autres. Nous travaillons également à l’implantation d’autres surfaces commerciales à l’intérieur du pays, dont une à Port-Gentil en 2024.
EE : Quel est le nombre de collaborateurs travaillant à vos côtés ? Quel est le pourcentage d’expatriés ?
370 collaboratrices et collaborateurs dont 4 expatriés sont inscrits dans nos livres, soit une population gabonaise à 99 %.
EE : Si nous prenons l’exemple de votre magasin de Bessieux, nous observons des rayonnages particulièrement approvisionnés en produits disposés logiquement pour composer un repas complet. Dans d’autres magasins, la logique appliquée est différente. Vous avez certainement une explication ?
En effet, les magasins de Bessieux, Bikélé et Okala ont cette configuration. Sorbonne étant un magasin réservé plutôt aux professionnels, la présentation et les packagings sont différents. Quant au magasin d’Oloumi, nous nous adaptons en fonction de la surface de vente qui est réduite.
EE : Les périodes festives de l’année ont-elles une influence importante sur votre chiffre d’affaires annuel ?
Oui bien entendu. La période des fêtes de fin d’année arrive en tête. Pâques et la fête nationale s’inscrivent également comme des périodes de forte affluence avec une incidence directe et favorable sur notre chiffre d’affaires.
EE : Monsieur Baron, la lutte contre la vie chère est un sujet grave et sensible. Comment la société SANgel participe-t-elle à remplir le panier de la ménagère en obérant son pouvoir d’achat le moins possible ?
SANgel est une société dite intermédiaire et je rappelle qu’elle est implantée depuis un demi-siècle. Nous sommes les leaders au Gabon en termes de volume d’achat. Notre premier devoir est de bien acheter. Au regard de notre antériorité, nous travaillons en très étroite collaboration avec nos fidèles fournisseurs et nous gérons cette société « au cordeau », ce qui consiste à limiter nos frais de gestion et nous permet de vendre nos produits au meilleur prix à notre clientèle. Comme expliqué précédemment, nous sommes très investis auprès des institutions étatiques pour défendre les principes de « la vie chère ».
EE : Si vous deviez nous définir votre clientèle, quel adjectif choisiriez-vous et pourquoi ?
Sans hésiter, je me repose non pas sur un seul qualificatif, mais sur la mission que s’impose SANgel : nourrir de façon constante en qualité, avec du choix et au bon prix la population du Gabon sur tout le territoire et via tous les réseaux. Nous nous adressons à tous les profils, à toutes et tous les Gabonais en proposant des produits à des prix planchers autant qu’à l’élite avec des produits dits de luxe. Un client est un client, quel qu’il soit, le traitement sera identique.
EE : Quels sont vos objectifs à terme ?
À court terme : la certification ISO 9001 puis l’ouverture du magasin de Port-Gentil. À moyen terme : l’ouverture de nouveaux magasins à Libreville et aussi de nous développer sur l’intérieur du pays. À long terme, il s’agit de continuer à développer cette entreprise en conservant des bases initiales identiques duplicables dans d’autres pays africains.
EE : Pour conclure, je souhaite aborder le volet RSE, et particulièrement savoir pourquoi les cinq magasins de Libreville sont tous gérés par des femmes ? Quelle est votre politique en matière de formation, de recrutement ?
Effectivement, tous nos magasins sont gérés par des femmes. J’ai constaté cela avec plaisir à mon arrivée. Cette lourde tâche a été confiée à ces dames qui ont prouvé leurs compétences pour prétendre occuper ces postes. Je souhaite souligner que ce sont aussi des femmes, des Gabonaises, qui occupent des postes clés de la DRH, de la QHSE et des achats. Dans nos services administratifs, nous sommes à parité, mais pas encore aux postes de production et de logistique.
Notre politique RSE est en pleine implémentation, avec des objectifs ambitieux tant au niveau de notre personnel que de notre impact sociétal et environnemental. Nous avons doublé notre budget formation cette année et nous inscrivons plus que jamais comme une entreprise citoyenne.
le 3 avril 2023
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