Vendredi 16 septembre, en présence d’Alexis Lamek, ambassadeur, haut représentant de la République française, une rencontre importante s’est tenue entre les responsables de la communauté d’affaires française au Gabon et les membres conseillers du commerce extérieur représentés par leur président, Erik Watremez. Cette initiative revient à Hugues Mbadinga Madiya, ministre de la Promotion des investissements, des Partenariats public-privé chargé de l’Amélioration de l’environnement des affaires. Il était accompagné de Nicole Jeanine Lydie Roboty, ministre de l’Économie et de la Relance, de Madeleine Berre, ministre de l’Emploi et de la Fonction publique, de Yves Sylvain Moussavou, secrétaire exécutif du PAT, de Ghislain Moandza, directeur général de l’ANPI, et de Régis Loussou Kiki, secrétaire général de la CPG.
Discours de Hugues Mbadinga Madiya, Ministre de la Promotion des Investissements, des Partenariats Public-privé, Chargé de l’Amélioration de l’Environnement des Affaires.
Avec 27 % de parts de marché, la France est le premier fournisseur du Gabon
Je salue très chaleureusement la présence de mes collègues membres du Gouvernement qui ont bien voulu s’associer à nous malgré des agendas particulièrement chargés en cette période de rentrée. Chers collègues, votre participation à cette rencontre prouve à suffisance l’importance que le Gouvernement dirigé par Madame le Premier ministre Rose Christiane Ossouka Raponda accorde aux questions économiques et particulièrement celles liées à la promotion des investissements avec nos différents partenaires. Je voudrais également rendre un hommage mérité à Son Excellence, Monsieur l’Ambassadeur, haut représentant de la République française pour son étroite implication dans l’impulsion d’une dynamique de franche collaboration entre les investisseurs français et les autorités gabonaises. La présente rencontre s’inscrit en effet dans une série d’autres rencontres qui se sont tenues récemment et qui ont permis d’entretenir un dialogue franc et toujours constructif avec les hommes d’affaires français.
Que ces derniers ici présents trouvent à l’occasion l’expression de nos sincères remerciements pour leur participation à la présente rencontre.
Mesdames et Messieurs,
Ces trois dernières années, l’économie mondiale fait face à des incertitudes liées notamment à la pandémie de covid-19 et depuis quelques temps à la guerre en Ukraine. Ces deux chocs externes nous invitent à redéfinir nos modèles économiques afin de nous adapter aux exigences. L’économie gabonaise se remet progressivement des conséquences du contre-choc pétrolier de 2014 et de la crise sanitaire. Après une légère décélération observée en 2020, l’économie gabonaise a repris un trend positif en 2021 et 2022, grâce notamment aux efforts de diversification engagés par le Gouvernement.
Pour assurer les conditions d’une reprise durable, le Gabon continue d’entreprendre des réformes structurelles visant l’amélioration de l’environnement des affaires afin de créer un climat approprié à l’éclosion et au rayonnement du monde des affaires.
C’est dans ce cadre qu’a été mis en place le Plan d’accélération de la transformation (PAT) dont les grandes orientations sectorielles ainsi que les projets structurants et intégrateurs vous seront présentés juste après cette allocution.
Nous avons également adopté un nouveau Code du travail et des codes spécifiques, dont celui des hydrocarbures et celui des mines. Tout dernièrement, le Gouvernement a également adopté le projet de loi fixant le cadre général de l’investissement au Gabon.
Permettez-moi de préciser que l’esprit de ces réformes vise entre autres à mettre le secteur privé au centre de la politique de développement de notre pays. Plus que jamais, nous encourageons les investisseurs privés à prendre des initiatives dans un pays où la transformation économique est soutenue par des politiques innovantes en matière d’investissement.
Comme vous le savez, les relations économiques entre la France et le Gabon sont séculaires. Il y a entre nos deux pays des liens historiques profonds.
Avec 27 % de parts de marché, la France est le premier fournisseur du Gabon. Les entreprises françaises jouent toujours un rôle prépondérant dans le développement économique du Gabon. Depuis des décennies, elles sont présentes dans les secteurs du bois, du pétrole, des mines, de la grande distribution, des télécommunications et des services. Leur rôle dans la relance de l’économie n’est donc plus à démontrer.
Je voudrais donc clore mon propos en invitant les entreprises françaises à transformer les incertitudes nées de la crise de la covid-19 et de la guerre en Ukraine en opportunités pour intensifier et consolider leur position à travers de courageuses politiques de réinvestissement.
DISCOURS DE NICOLE JEANINE LYDIE ROBOTY ÉPOUSE MBOU, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE ET DE LA RELANCE
Au gabon, les perspectives économiques sont plutôt bonnes
Après avoir enregistré une croissance négative au 31 décembre 2020 (-1,7 %) due à la pandémie mondiale, le Gabon a montré des signes de stabilisation en 2021. Au 31 décembre 2021, le pays affichait un niveau de croissance de 1,5% et se projette pour la fin de l’année 2022 à des niveaux de croissance de l’ordre de 3%, même si à ce jour, la progression est de 4 %. Ces chiffres sont le témoin d’une économie saine et d’une relance assurée et prometteuse. Ils prouvent le dynamisme de l’économie et surtout la relance qui est vraiment engagée.
L’accompagnement du FMI et plus
Nicole Jeanine Lydie Roboty a appelé la communauté d’affaires française à investir davantage dans le pays. Elle assure que s’il n’y avait pas eu la pandémie et la guerre en Ukraine, le Gabon aurait des niveaux de croissance beaucoup plus intéressants. Si elle évoque quelques difficultés dans le domaine de la logistique, elle soutient que les travaux de mise à niveau de l’infrastructure ferroviaire sont probants. Signalant que les hommes d’affaires ont fait part au ministère de l’Économie de quelques préoccupations en rapport avec la compétitivité, elle indique qu’il existe des tarifs extérieurs communs permettant de déroger à certaines règles.
« Nous travaillons avec le FMI pour un alignement aux dispositions communautaires. Le tarif extérieur commun est un taux préférentiel et nous sommes conscients qu’il faut développer l’industrie ». Cependant, le pays doit tenir compte des réformes en cours dans la zone Cemac et continuera à travailler avec l’Union européenne (UE) et tous les grands ensembles. Madame le ministre conçoit qu’il est indispensable de simplifier les procédures d’importation et d’exportation des produits. À cet effet, la Direction générale des douanes travaille et réfléchit à des solutions qui permettront de fluidifier ces flux.
Face aux préoccupations sur la dette intérieure
La quarantaine d’hommes d’affaires présents a également fait part de préoccupations relatives au niveau de la dette intérieure. À ce sujet, Jeanine Lydie Roboty a rappelé qu’une task-force a été mise en place pour gérer cette question et qu’un rapport a été produit concernant 400 mds de F CFA. « Ces 400 mds ont été communiqués au FMI. Nous avons remis au FMI notre stratégie d’apurement de ces sommes. Pour l’année 2021, nous avons commencé à rembourser. En 2022, nous prévoyons de payer 302 mds de F CFA ». « Nous avons déjà payé la dette bancaire 63,2 mds, la dette moratoire (envers les entreprises privées) 22,6 mds et sur les marchés qui constituent le plus gros de notre dette, nous avons déjà remboursé 215 millions pour cette année », a-t-elle ajouté.
Concernant la reprise, qualifiée de vigoureuse, les remboursements se font tout aussi par titrisation*. En 2021, le lancement d’un appel public à l’épargne a permis de désintéresser certaines entreprises, mais le Gouvernement espère faire plus en 2022. « Les niveaux de remboursement de 2022 seront plus importants que ceux réalisés en 2021 », a déclaré Nicole Jeanine Lydie Roboty, expliquant qu’outre des paiements en cash, le Gouvernement a opté pour le remboursement par OTA**, l’idée étant de permettre aux banques de racheter la créance de certaines entreprises.
Ouverture d’un compte séquestre
Pour répondre aux préoccupations relatives au remboursement des trop perçus de la TVA, la ministre considère que l’État fait des efforts et reconnaît des retards. Elle déclare : « C’est la raison pour laquelle, avec le FMI, nous avons ouvert un compte séquestre à la Banque centrale. Ce compte est opérationnel et permettra de sécuriser davantage les ressources de remboursement des OTA. » Par ailleurs, les inquiétudes persistent sur la question du prix des carburants. « Nous avons pris l’engagement de pouvoir régulariser la stabilisation négative que nous avons vis-à-vis de ces marqueteurs. Ils ont déjà reçu un montant de 15 mds de F CFA et nous nous sommes engagés à continuer les versements d’ici la fin de l’année », a-t-elle fait savoir.
*Transformation des créances détenues par une banque en titres négociables ** Obligations du Trésor assimilables (OTA).
DISCOURS D’ALEXIS LAMEK, AMBASSADEUR DE FRANCE AU GABON
Les entreprises françaises sont pleinement inscrites dans les objectifs du pat
Je remercie le ministre de la Promotion des investissements, des Partenariats public-privé, chargé de l’Amélioration de l’environnement des affaires d’avoir pris l’initiative de cet événement qui a pour but de favoriser le dialogue entre le Gouvernement et la communauté d’affaires française. C’est une initiative fortement appréciée par celle-ci. Sa mobilisation aujourd’hui témoigne de son intérêt à vous rencontrer. Elle est d’ailleurs bien représentée aujourd’hui dans sa diversité : des filiales de grands groupes comme Eramet, qui comptent parmi les plus gros employeurs du Gabon, des entreprises présentes depuis les années 60 et d’autres, nombreuses, arrivées tout récemment pour contribuer à construire l’économie gabonaise de demain, comme dans le secteur de l’environnement. Il y a enfin des représentants des nombreuses entreprises gabonaises issues depuis des décennies de la communauté d’affaires française installée au Gabon, pays qui est également devenu le leur. Fondues dans le paysage gabonais, ces entreprises créées par nos compatriotes constituent néanmoins des acteurs essentiels de nombreux secteurs de l’économie gabonaise, notamment dans la filière bois, le transport aérien, la distribution, le bâtiment, etc.
Ces entreprises sont pleinement inscrites dans les objectifs du Plan d’accélération de la transformation. Elles investissent, embauchent, créent de la richesse et sont prêtes à aller beaucoup plus loin encore. Je salue par exemple à ce titre l’annonce hier par Perenco du lancement de deux projets stratégiques pour l’avenir du Gabon : la mise en service dès l’an prochain d’une usine de production de butane, un investissement de 32,5 mds de F CFA ; et le projet de construire pour 2026 un terminal destiné à l’export de GNL, ce combustible dont l’actualité récente a montré qu’il était devenu un produit stratégique de l’économie mondiale pour les prochaines années. Il s’agit là de projets d’une importance considérable pour l’économie gabonaise.
Avancer plus vite, c’est justement l’objectif affiché par l’État gabonais. Les entreprises françaises le savent et c’est pour cela qu’elles ont tenu à être présentes aujourd’hui, afin de vous écouter et d’échanger. La stratégie gabonaise pour attirer et faciliter les investissements étrangers est ambitieuse. La récente présentation en conseil des ministres d’un nouveau cadre pour l’investissement en constitue une nouvelle étape. Ce temps de dialogue aujourd’hui va donc être très utile afin que les entreprises françaises qui sont déjà implantées et ont de nombreux projets d’investissement comprennent comment le Gouvernement peut les aider à accélérer et faciliter ceux-ci.
Engagées sur le long terme et pour longtemps au Gabon, je pense également qu’elles auront à cœur de partager avec vous leur retour d’expérience et donc de formuler des propositions de ce qui peut également être fait pour fluidifier leur vie quotidienne avec les services de l’État, fiabiliser ces rapports et renforcer la confiance mutuelle.
À ce titre, je remercie l’ensemble de la délégation ministérielle pour sa présence aujourd’hui, au contact de la communauté d’affaires française.
DANS LA PHASE DES QUESTIONS/RÉPONSES, LES SUJETS N’ONT PAS MANQUÉ !
Ces intervenants ont répondu aux multiples interrogations d’une quarantaine de dirigeants d’entreprises françaises. Toutes les filières étaient représentées : bois, pétrole, mines, transport, grande distribution, télécommunications et autres services. En 2022, le Gabon compte 85 filiales d’entreprises françaises implantées sur son territoire qui emploient 12 500 salariés et réalisent un chiffre annuel cumulé de 2 000 mds de F CFA.
À l’heure où le Gabon se remet progressivement des conséquences du contre-choc pétrolier de 2014 et de la crise sanitaire mondiale liée à la pandémie de covid-19, l’économie gabonaise entre dans une ère positive, notamment grâce aux efforts de diversification engagés dans le cadre du PAT. De grandes orientations sectorielles ainsi que des projets structurants et intégrateurs ont été présentés et développés au cours de ces interventions : le nouveau Code du travail et des codes spécifiques, dont celui des hydrocarbures et celui des mines, sont autant de réformes qui visent, entre autres, à placer le secteur privé au centre de la politique de développement du Gabon. Face aux craintes, sinon aux interrogations formulées par les hommes d’affaires sur des problématiques liées à l’attractivité du Gabon, à la compétitivité des entreprises nationales, à la question du règlement de la dette intérieure, à la question de la TVA, des paiements étrangers et de la réglementation Cemac, du droit du travail et du soutien étatique au prix du pain et du carburant, les membres du Gouvernement ont apporté des réponses précises aux investisseurs français. Plutôt que de revenir brièvement sur les grandes lignes de ces fructueux échanges, je choisis d’ouvrir les colonnes des Échos de l’Éco aux chefs d’entreprises présents afin qu’ils expriment leur ressenti sur cet exercice. Il s’agit d’une interview croisée qui consiste à poser la même question à chacun d’entre eux.
EE : Qu’attendiez-vous de cette journée d’échanges ?
Président des conseillers du commerce extérieur français (CCEF) – Erick Watremez : La création d’un véritable échange entre les membres du Gouvernement représentant l’administration et les opérateurs privés.
SANGEL – Damien Baron : Cette journée nous a offert l’opportunité d’échanger avec les membres du Gouvernement chargés des réformes économiques. Ils ont pu ainsi nous présenter les grands projets d’amélioration du climat des affaires tandis que nous leur avons fait remonter les informations du terrain. C’est que nous souhaitions.
NETIS – Karim Chekroun : Une opportunité intéressante pour renouer les échanges entre les entreprises françaises présentes au Gabon et les instances gabonaises chargées du développement de l’investissement et de l’économie gabonaise à travers un échange constructif.
BOLLORÉ – Patrick Gérenthon: Nous encourageons vivement ce genre d’échanges réguliers avec les membres du Gouvernement afin de remonter les difficultés rencontrées au quotidien par nos entreprises et proposer des pistes de solutions pour améliorer l’environnement des affaires, source de création d’emploi et d’optimisation des recettes pour l’État. Ce contact direct doit permettre d’accélérer la résolution plus rapide des problématiques observées, mais n’a d’intérêt que si ces échanges aboutissent à la création d’un comité de suivi des recommandations proposées avec un point trimestriel des avancées.
OLEA – Clément Chadeau : Il s’agissait de pouvoir interagir de manière directe et respectueuse avec les autorités chargées des diverses questions qui concernent la communauté d’affaires du Gabon en général et démontrer, en particulier, que la communauté d’affaires française demeure vivace et continue d’être un acteur résolu du développement et de l’investissement au Gabon.
LA CLÉ DES CHAMPS – Gautier de Warenghien : En tant que dirigeant d’une PME évoluant dans la filière agrobusiness, j’attends des prises de mesures et des actions concrètes pour nous aider à évoluer sereinement dans nos activités courantes et notre développement. Dans un environnement difficile marqué par une présence forte de l’informel et une pression des administrations, nous avons besoin d’un accompagnement bienveillant favorisant la sensibilisation en lieu et place de la répression.
EE : Par quels sujets étiez-vous le plus concerné ?
Pdt des CCEF – Erik Watremez : L’informel, la parafiscalité, l’inadéquation entre la demande et l’offre de travail.
SANGEL – Damien Baron : Par la procédure simplifiée d’importation (P.S.I.). En effet, les mesures administratives actuelles d’importation sont très lourdes, ce qui, combiné aux procédures douanières et à une amplitude horaire insuffisante, peut retarder la sortie des conteneurs. Il faut savoir que chaque jour passé au port par un conteneur nous coûte des frais de détention, de branchement et taxes diverses. La P.S.I. permettra aux opérateurs formels d’accélérer ce processus et limitera ainsi ces frais et par conséquent, le prix de vente des denrées au consommateur final.
NETIS – Karim Chekroun : Tous les sujets qui tournent au tour du climat des affaires au Gabon, avec un focus sur les obstacles que nous rencontrons au quotidien de nature à handicaper le développement de nos activités ou freiner d’éventuels investissements futurs. Je citerai notamment en premier lieu les délais trop importants et les lourdeurs des procédures dans les opérations de transfert de devise. Depuis l’instauration des mesures imposées par la BEAC en zone Cemac dans les procédures de transfert des devises vers l’étranger, les transferts à partir du Gabon sont beaucoup trop lents, y compris sur un benchmark avec les autres pays de la zone Cemac. Cela constitue un handicap concurrentiel certain et suscite beaucoup d’incompréhension de la part des fournisseurs, actionnaires et partenaires étrangers… Y a-t-il des actions au plus haut niveau des institutions financières pour améliorer ce point ? En incitant par exemple les banques à accélérer les procédures pour les clients répondant à un certain nombre de critères ? Par ailleurs, sur le plan des RH et du marché du travail, nous avons très peu d’informations sur le fonctionnement des partenariats écoles entreprises que nous pensons très utiles pour constituer un vivier de nouveaux collaborateurs. Compte tenu de la jeunesse de notre structure, la maîtrise des sujets du droit du travail est importante pour la bonne gestion de nos RH. Dans quelle mesure est-il possible d’avoir accès à un accompagnement pour nous aider à mieux appréhender nos sujets RH (type de contrats de travail, procédure de recrutement, réglementation, etc.), le but étant d’une part de fluidifier nos procédures afin de faciliter nos recrutements et d’autre part, d’éviter tout écart par rapport à la réglementation en vigueur ?
BOLLORÉ – Patrick Gérenthon: Dans le domaine portuaire, la problématique de l’extension des horaires du port a été soulevée. L’administration des douanes fermant à 15h30, cela impacte la sortie des marchandises, la rotation des camions et par conséquent la fluidité, donc la rentabilité des sociétés opérant dans ce secteur, avec un surcoût pour les importateurs/ exportateurs payant des frais supplémentaires de surestaries/détention ou stationnement, les obligeant également à surstocker.
LA CLÉ DES CHAMPS – Gautier de Warenghien : Par tous les sujets qui nous impactent au quotidien, de manière générale : la parafiscalité illégale et abusive, la concurrence informelle, la formation des jeunes, l’accès à la bancarisation du personnel, etc. Il y a également les sujets propres à notre domaine d’activité qui n’ont malheureusement pas pu être abordés lors de cette réunion. Il s’agit de la TVA agricole, des contraintes logistiques terrestres (douanes, contrôles routiers, etc.), des institutions financières pour soutenir l’agriculture, etc.
OLEA – Clément Chadeau : En tant que représentant du secteur des assurances, Olea Gabon portait une attention particulière à la question des transferts de devises. En effet, les grands risques étant par nature réassurés en dehors du Gabon pour une part significative (en regard des capacités propres du marché), il est déterminant que les réassureurs soient payés dans des délais raisonnables (60 à 90 jours) afin que leur garantie soit acquise. À défaut, qu’adviendrait-il du règlement d’un sinistre de plusieurs milliards de francs ?
EE : Avez-vous obtenu des réponses à vos questions ?
Pdt des CCEF – Erik Watremez : Nous avons obtenu un début de réponse, à savoir la mise en place d’un dialogue public-privé à travers la création de commissions axées sur les trois problématiques suivantes : l’informel, l’inadéquation du marché du travail et la parafiscalité. Ces échanges seront coordonnés par le ministère de la Promotion des investissements et des PPP chargé de l’Amélioration de l’environnement des affaires.
SANGEL – Damien Baron : Oui, il semblerait que la mise en place par le Gouvernement soit prévue avant la fin de cette année.
NETIS – Karim Chekroun : J’ai beaucoup apprécié les échanges directs, souvent sans filtre, pendant lesquels des réponses ont été apportées aux questions et interrogations posées. Il est évident que, pour des raisons de technicité, de temps et de spécificité de chaque question liée à des secteurs et des marchés différents, un suivi plus poussé sous une autre forme doit être organisé. Par exemple, des ateliers ou clubs d’experts par secteur ou par thème seraient nécessaires pour aller plus loin dans le développement des sujets partagés afin d’y apporter des réponses concrètes.
BOLLORÉ – Patrick Gérenthon: Des discussions sont en cours avec les Douanes et le ministère de l’Économie sur ce sujet depuis plusieurs mois, mais à ce jour, il n’y a pas de décision prise.
LA CLÉ DES CHAMPS – Gautier de Warenghien : Dans l’ensemble, nous avons observé une volonté des parties prenantes de prendre le taureau par les cornes. Personnellement, je compte beaucoup sur le dynamisme de l’ANPI qui mène déjà de nombreuses actions pour aider les entreprises à faire le lien entre le secteur privé et le Gouvernement afin d’instaurer un climat des affaires plus favorable.
OLEA – Clément Chadeau : À tout le moins avons-nous senti une volonté réelle de comprendre et de solutionner les sujets. Si cette problématique est communautaire, il n’en demeure pas moins, aux dires de certains participants, que d’autres territoires de la zone Cemac connaissent des délais de transfert plus rapides.
EE : Quelles sont vos inquiétudes et vos principales problématiques ?
Pdt des CCEF – Erik Watremez : À court terme, l’inflation, et notamment l’impact sur l’économie du doublement du prix du gazoil (GO) industriel. À moyen et long terme, nous caressons l’espoir de bénéficier d’infrastructures (routes, voies ferrées), de ne pas devoir faire face à des manques énergétiques, de disposer de services de santé et d’éducation fonctionnels et efficients. Ces services régaliens permettront aux opérateurs économiques d’être attractifs, ils encourageront les investisseurs à participer à la diversification de l’économie, notamment vers l’agriculture et l’agro-industrie.
SANGEL– Damien Baron : Les prix des denrées alimentaires ont atteint des niveaux inédits et pour l’instant, nous ne voyons pas le bout du tunnel. Il semblerait néanmoins que la tension sur le fret décroisse.
NETIS – Karim Chekroun : Nous sommes convaincus que notre expertise et capacité de déploiement dans les domaines des télécommunications et de l’énergie sont en adéquation totale avec l’intérêt stratégique et l’opportunité du Gabon et de son de réseau de bénéficier du « saut technologique » dans ces secteurs. Ces derniers représentent l’enjeu clé de sa réussite, qu’elle soit économique, sociale ou géopolitique. Nous espérons capitaliser sur cet événement pour présenter nos activités d’une façon plus concrète et les mettre à profit dans l’accompagnement des projets de développement ambitieux mis en place par l’État gabonais.
BOLLORÉ – Patrick Gérenthon: Le secteur logistique est impacté par un marché informel très développé, mais également, depuis l’augmentation du GO, par une économie parallèle qui s’est créée avec des acteurs formels payant le GO à 1 145 F CFA/litre et les autres 630 F CFA/litre, créant ainsi une concurrence déloyale et une perte de revenu pour l’État. Nous avons aussi évoqué une problématique de transports défaillants (rail et route) sur l’axe Libreville/Haut-Ogooué, qui freinent le développement des régions enclavées, avec un ralentissement de la production (bois et secteur industriel) et des extracoûts très importants pour les opérateurs économiques.
OLEA – Clément Chadeau : Les chocs exogènes que nous connaissons actuellement sont porteurs d’opportunités réelles sur le moyen terme (gaz, agro-industrie, etc.). Néanmoins, l’inflation importée que nous connaissons actuellement rend certains pans d’activités vulnérables et risque de conduire à des tensions quant à la capacité de produire et de vendre. De ce point de vue également, les personnalités présentes ont marqué un réel volontarisme.
EE : Considérez-vous que les nouveaux codes de gouvernance vous soient favorables ?
Pdt des CCEF – Erik Watremez : Toute évolution du cadre, si elle est faite dans la concertation public-privé, est favorable. En ce sens, nous sommes ouverts au dialogue avec l’administration préalable à tout changement.
SANGEL – Damien Baron : Tout ce qui va vers une simplification et une libéralisation des échanges est favorable au développement économique.
OLEA – Clément Chadeau : Notre secteur n’étant pas concerné, je laisse s’exprimer les autres panélistes.
EE : Quelles sont vos perspectives d’investissements ou les freins à vos éventuels investissements ?
Pdt des CCEF - Erik Watremez : Notre cabinet de conseil investit dans la formation de nos cadres gabonais quant aux problématiques liées au changement climatique. Il convient d’aider les entreprises à déterminer leur bilan carbone et à prendre en compte dans leurs états financiers l’impact de leur stratégie d’atteinte de la neutralité carbone à horizon 2030/2050. Nous n’avons aucun frein à l’investissement, car nous formons les jeunes Gabonais dans les secteurs du droit, de la finance et du conseil pour développer les entrepreneurs de demain qui feront gagner notre Gabon.
SANGEL – Damien Baron : Nous souhaitons ouvrir de nouveaux magasins en 2023 à Libreville comme en province. Les freins actuels sont liés davantage à l’instabilité au niveau mondial qu’à des problématiques internes au Gabon.
NETIS – Karim Chekroun : Incitation des investissements dans les énergies renouvelables et la transition énergétique. Les investissements dans les énergies renouvelables dans le monde ont dépassé les 365 mds de dollars l’an dernier. On estime que la transition énergétique aura besoin de plus de 250 billions de dollars d’investissements au cours des 30 prochaines années. Ce sont des business non délocalisables, créateurs d’emplois, de progrès social, et je le pense, clés pour l’avenir de la planète… Existe-t-il des mesures d’incitation à l’investissement favorisant la promotion du secteur de l’énergie renouvelable ? Notamment des mesures fiscales et/ou douanières (pour les entrepreneurs ou pour le client final) ?
BOLLORÉ – Patrick Gérenthon: Le groupe Bolloré a investi régulièrement depuis de nombreuses années au Gabon dans toutes les villes où il est présent (Libreville, Port-Gentil, Franceville, Moanda, Lastourville) et a su être résilient dans les périodes de crise (covid-19). Avec l’arrivée de notre nouvel actionnaire qui devrait se confirmer au plus tard au 31/03/23, nous espérons pouvoir donner un nouvel élan à nos activités au Gabon et étudier tout projet d’infrastructures permettant d’améliorer la logistique au Gabon tant sur la partie portuaire, les zones logistiques à valeur ajoutée, que sur l’ajout de capacité dans le transport terrestre et ferroviaire.
LA CLÉ DES CHAMPS – Gautier de Warenghien: Nous avons pour ambition de nous diversifier dans la production agricole vivrière et maraîchère à grande échelle. Pour assurer la réussite du projet, nous avons l’obligation de sécuriser du foncier, de trouver du personnel formé et motivé, avec de réelles compétences. De plus, dans ce contexte de crise mondiale, nous subissons une forte inflation sur les intrants agricoles, avec des variations de prix évoluant chaque mois. Il est donc difficile pour nous de nous projeter sur un business plan fiable. Aujourd’hui, nous avons mis ce projet en veille, le temps de trouver des solutions appropriées.
OLEA – Clément Chadeau : Nos perspectives sont bonnes, car l’assurance, notamment santé, est un levier de développement certain au Gabon, comme plus largement en Afrique subsaharienne. Notre activité étant pour l’essentiel immatérielle, nous souffrons de moins de contraintes sur nos investissements que d’autres secteurs. Notre activité est néanmoins strictement corrélée au dynamisme global de l’économie.
le 31 octobre 2022
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