Réunis à Johannesburg, les Brics ont acté l’intégration de 6 nouveaux pays. Ensemble, ces 11 pays pèsent près de 30 % du PIB mondial. En 1990, le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, considérés alors comme un groupement de pays en voie de développement, n’en représentaient que 5 % avant de former en 2011 une alliance destinée à peser sur l’échiquier mondial. Aujourd’hui, ils représentent 26 % du PIB mondial, dont 18 % pour la Chine. Cette montée en puissance se poursuit.
Le président chinois a qualifié « d’historique » l’expansion annoncée du club des économies émergentes des Brics, qui regroupe 5 pays. Leur croissance « renforcera la force de la paix et du développement dans le monde », a-t-il déclaré. En effet, 6 nouveaux pays – Argentine, Égypte, Iran, Éthiopie, Arabie saoudite et Émirats arabes unis – devraient les rejoindre bientôt.
Les critères qui ont présidé au choix des entrants n’ont pas été divulgués. « L’adhésion prendra effet à compter du 1er janvier 2024 », a déclaré le président sud-africain Matamela Cyril Ramaphosa lors d’une conférence de presse conjointe des dirigeants des 5 nations originelles, se félicitant que « les Brics entament un nouveau chapitre ».
Ce groupe s’affirme comme un contrepoids aux institutions dominées par l’Occident, ouvrant la voie à une expansion potentielle. Selon Steve Tsang, directeur du Soas China Institute de Londres, bien que ses membres n’aient pas grand-chose en commun à première vue, le président Xi a tenté de montrer à ses homologues qu’ils souhaitaient tous un avenir simi-laire : aucun d’entre eux ne veut vivre dans un monde dominé par l’Occident. « Ce que les Chinois proposent, c’est un ordre mondial alternatif dans lequel les autocrates peuvent se sentir en sécurité dans leur propre pays. Ils peuvent trouver une autre direction de développement sans avoir à accepter les conditions imposées par les puissances démocratiques améri-caines et européennes. »
Construire un partenariat
Bien qu’absents de cette réunion, les États-Unis ont été évoqués à plusieurs reprises. Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, a tenté de minimiser les projets d’expansion du bloc, déclarant qu’en raison des diver-gences sur des questions essentielles, il ne voyait pas les Brics « se transformer en une sorte de rival géopolitique des États-Unis ou de qui que ce soit d’autre ». Il a peut-être raison. Parmi les six nouveaux membres, aucun n’est considéré comme un État antiaméricain, selon Sarang Shidore, directeur du programme Global South à l’Institut Quincy de Washington. « Je pense que le message est qu’il s’agit d’un ensemble diversifié de pays, aucun d’entre eux n’est un proche allié des États-Unis, un allié officiel, deux ou trois d’entre eux sont des adversaires des États-Unis. Mais plus généralement, il ne s’agit pas d’un groupe d’États antiaméricains », a-t-il déclaré à la BBC.
Les États-Unis ne peuvent pas fixer toutes les normes
Néanmoins, l’expansion des Brics représente un changement. « Il ne s’agit plus d’un monde où les États-Unis peuvent fixer toutes les normes ou diriger toutes les institutions. Cela ne fait aucun doute. Mais un remplacement ? Non, je dirais qu’il s’agit davantage d’une complémentarité que d’un remplacement qui se profile », a ajouté M. Shidore.
Selon Laurence Daziano, enseignante à Sciences Po interrogée par BFM Business, « l’objectif des Brics est clairement de créer un groupe puissant sur la scène mondiale pour compenser des organismes internationaux comme l’ONU, le G7, voire le G20. C’est la Chine qui pousse à élargir avec une stratégie plus politique qu’économique. Le but est de faire un con-trepoids à l’ordre mondial ».
Des entrants avec des atouts économiques variés
À 11, les Brics représenteront 29 % du PIB mondial, 3 points de plus seulement qu’à 5. Les nouveaux venus ne sont pas des mastodontes de l’économie mondiale. À l’exception de l’Afrique du Sud, aucun des membres originels des Brics n’est bousculé par les nouveaux entrants. Le mieux classé, l’Arabie saoudite, se place 5e sur 11, mais avec un PIB quasiment 2 fois inférieur à celui du 4e, le Brésil.
Avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Iran, les Brics intègrent surtout 3 pays aux ressources pétrolières et gazières très convoitées. En jetant un œil au PIB par habitant, on s’aperçoit aussi que les Brics s’ouvrent à de nouveaux profils. Avec plus de 40 000 dollars par habitant, les Émirats arabes unis possèdent une richesse par tête qui manquait au groupe. Sur les 11 « Brics+ », les 3 premiers en termes de PIB par habitant sont de nouveaux arrivants.
On peut en revanche s’interroger sur la pertinence d’intégrer l’Éthiopie. Ce grand pays de la corne de l’Afrique a été l’une des économies les plus dynamiques du monde durant la décennie 2010. Mais sa croissance a été enrayée par la pandémie de covid-19, les calamités climatiques, le conflit dans la région du Tigré et la guerre en Ukraine. Selon l’indice de développe-ment humain du PNUD, le pays reste parmi les moins développés du monde.
Une population plus dynamique à 11 qu’à 5
Mais il a d’autres atouts : 2e pays le plus peuplé d’Afrique avec 123 millions d’habitants, il voit sa population augmenter à un rythme annuel supérieur à 2 %, contrairement aux Brics fondateurs dont les démographies sont de moins en moins dynamiques. Une tendance que les 6 nouveaux membres vont permettre d’inverser.
Ensemble, ces 11 pays représentent 46 % de la population mondiale, soit un marché et des débouchés uniques au monde. À condition de surmonter leurs stratégies individuelles, car contrairement à d’autres alliances comme l’UE ou le Mercosur, il n’y a pas d’accord de libre-échange ou de réduction des barrières douanières entre les pays membres des Brics.
Réduire la puissance occidentale
L’intérêt économique de cet élargissement est donc limité. Mais en termes politiques, la donne pourrait changer. Ce nouveau « club » vise d’abord à offrir une vision alternative mondiale sur le plan politique et sociétal. Pour Laurence Daziano, si le choix avait été purement économique, l’Argentine, l’Iran, l’Éthiopie ou même l’Égypte n’aurait pas été retenus. En difficulté financière, fortement endettés ou sous le coup de sanctions internationales, ces pays offrent aux Brics une implantation régionale dans des régions stratégiques comme le Maghreb pour l’Égypte ou auprès des pays hispanophones pour l’Argentine. En pleine reconstruction, l’Éthiopie a de lourds besoins financiers qui créent une forte dépendance à la Chine, son principal créancier. « À terme, les Brics pourraient devenir un forum politique pour porter une autre vision du monde et offrir une alternative aux valeurs américaines ou européennes ».
Une volonté de dédollarisation ?
Cet objectif irait-il jusqu’à tenter de détrôner le dollar dans les échanges internationaux ? 60 % des échanges mondiaux se font en dollars. « Les Brics sont loin de pouvoir créer une monnaie commune ou d’adopter le yuan. Quant à lancer une cryptomonnaie commune, ce serait une annonce symbolique, pas plus », estime Laurence Daziano. L’élargissement a néanmoins fait réagir Washington qui affirme ne pas voir dans les Brics de futurs « rivaux géopolitiques » et dit sa volonté de maintenir de « solides relations » avec le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud. Mais ces 3 pays pourraient se trouver en infériorité. Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, affirme que le bloc continuera à gagner du terrain pour devenir « la force motrice d’un nouvel ordre international ». Une quarantaine de pays ont d’ailleurs demandé leur adhésion ou manifesté leur intérêt pour rejoindre ce club créé à 5 qui passera à 11 en janvier 2024.
le 15 septembre 2023
BFM
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