Adel Al Jubeir s’implique dans les débats sur le climat qui, selon lui, laissent trop de place aux émotions et pas assez à la logique. À l’occasion de l’annonce officielle de la candidature saoudienne pour l’exposition universelle 2030, le prince héritier Mohammed Ben Salmane s’est rendu à Paris accompagné d’une délégation importante dont faisait partie son ministre des Affaires étrangères. Il confirme le renforcement des relations entre le continent africain et l’Arabie saoudite, alors que se profile un sommet africano-saoudien d’ici la fin de l’année.
Monsieur le Ministre, sur quels leviers repose la relation entre l’Arabie saoudite et l’Afrique ?
Les pays africains font partie de notre entourage géographique et nous avons une histoire, mais aussi un futur en commun. Nous disposons de liens culturels, religieux et commerciaux appuyés par de nombreux partenariats dans chaque pays d’Afrique. Nous avons toujours été du côté des pays africains et inversement. Nous avons été en première ligne dans leur lutte pour l’accès aux indépendances dans les années 1960. Actuellement, nous multiplions les déplacements en Afrique et nous recevons de plus en plus de délégations africaines en Arabie saoudite, car il est essentiel pour les pays du Golfe de s’assurer d’une relation stable et prospère avec le continent. À cet effet, Riyad dispose d’ambassades dans 35 capitales africaines.
Nous investissons dans des secteurs comme l’agriculture, les infrastructures, les nouvelles technologies ou l’éducation. Nous jouons un rôle majeur auprès des pays du G5 Sahel aux prises avec le terrorisme, car ce fléau n’a pas sa place dans notre monde. C’est un défi que nous ne pourrons relever qu’à travers la création de richesse et d’emplois, en investissant dans le développement.
Précisément, de quelle façon se répartissent vos investissements sur le continent africain ?
Ils sont multiples. Nous travaillons actuellement sur un projet de Conseil de la mer Rouge pour protéger cet environnement, lutter contre les trafics de contrebande et équilibrer le développement autour de cette région du monde qui concentre près de 40 % du commerce maritime mondial. Nous voulons nous assurer que ce commerce puisse bénéficier à nos partenaires africains situés sur l’autre rive de la mer Rouge (Égypte, Érythrée, Soudan, Djibouti, Somalie). Nous prônons une approche intégrée soutenue par de nombreux investissements pour améliorer les conditions de vie des populations africaines en construisant des routes, des écoles, des fermes agricoles ou des hôpitaux. Parallèlement aux infrastructures, nous investissons dans l’énergie, en particulier dans les énergies renouvelables (fin 2022, l’Arabie saoudite et l’Afrique du Sud ont signé des accords d’une valeur de 15 mds de dollars dans les domaines de l’énergie hydrogène et de l’exploitation minière).
Qu’attendez-vous d’une intégration dans le bloc des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ?
Intégrer les Brics relève d’une logique de renforcement de nos relations avec des pays qui représentent un poids économique important (les Brics contribuaient à 31,5 % du PIB mondial contre 30,7 % pour le G7 en avril 2023, selon l’institut de recherche britannique Acorn Macro-Consulting). Nous sommes les plus gros exportateurs de pétrole au monde (7,06 millions de barils par jour en 2022). L’Arabie saoudite est aussi l’un des acteurs majeurs du système financier mondial. Par ailleurs, nous sommes situés à la croisée de l’Asie, de l’Afrique et de l’Europe. À ce titre, nous avons un rôle important à jouer en matière de transports et de logistique. Nous voulons être des acteurs de premier plan sur la scène internationale, non pas pour influencer le monde, car nous n’avons besoin ni de terres ni de ressources, mais nous voulons participer à la sécurité, à la stabilité et à la paix qui sont des conditions sine qua non à la prospérité économique. Ce sont là les raisons pour lesquelles nous tenons à intégrer les organisations mondiales comme les Brics.
Vous êtes ministre d’État aux Affaires étrangères, mais aussi envoyé pour le climat. Quelle est votre approche en termes de transition climatique pour l’Afrique, en tant que principal exportateur de pétrole au monde ?
Les débats sur le climat laissent trop de place aux émotions et pas assez à la logique. Il y a trop d’hypocrisie et pas assez de science. Vous ne pouvez pas dire aux pays africains de ne pas utiliser leur pétrole alors que c’est précisément ce que vous faites dans les pays industrialisés. Vous ne pouvez pas simplement avancer 120 ans de pollution pour leur demander de ne plus couper des arbres. Il faut être réaliste. Il existe un chemin pour que les populations atteignent leurs objectifs climat, qui ne repose pas uniquement sur l’abandon du pétrole. Nous avons lancé l’Arabia Green Initiative appuyée par un budget de 700 mds de Riyals saoudiens, qui réunit près de 70 projets pour capturer le carbone, repenser la durabilité de nos villes, transformer nos déchets en énergie renouvelable et développer l’hydrogène vert. Il faut produire des énergies vertes, capturer le carbone et le stocker. Nous nous appuyons sur une stratégie globale pour trouver un équilibre entre la durabilité et le développement économique.
Que recouvre l’initiative climatique régionale appelée la Middle East Green Initiative ?
En 2022, nous avons lancé la Middle East Green Initiative qui implique plusieurs pays africains comme la Libye, l’Égypte ou Djibouti par exemple. À travers cette initiative, nous allons planter 50 mds d’arbres en dix ans. Mais notre logique va bien au-delà de planter des arbres, car nous voulons créer une véritable économie circulaire à travers une approche holistique pour renforcer les productions d’énergies vertes. Cette initiative servira à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de plus de 270 millions de tonnes d’ici 2030 et contribuera ainsi à réduire de 2,5 % le niveau mondial d’émission de GES. Sur les dix prochaines années, nous apporterons 2,5 mds de dollars de fonds à cette organisation qui seront intégralement dédiés à la recherche pour aider certains pays à atteindre leurs objectifs à travers une approche rationnelle et scientifique. Nous travaillons en étroite collaboration avec les pays africains sur ce projet, en particulier pour lutter contre la désertification.
le 10 juillet 2023
Tribune Afrique
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