L’objet du One Forest Summit qui s’est tenu en marge de la COP 27 les 1er et 2 mars derniers à l’hôtel Radisson et au Palais présidentiel de Libreville, a été l’occasion de s’interroger sur la réduction et l’évaluation du crédit carbone. Quelles sont les méthodes actuelles de conservation ? Quid de la valorisation du carbone sur un marché bicéphale, à la fois réglementé et volontaire ?
Céline Valensi, consœur et collaboratrice aux Échos de l’Éco, a interviewé Nathalie Hilmi, auteure principale d’un rapport du GIEC, groupe d’experts chargés d’évaluer l’état des connaissances sur l’évolution du climat, ses causes, ses impacts auprès des Nations unies.
Nathalie Hilmi
Docteure en sciences économiques. Évaluation des impacts socio-économiques du changement climatique et de l’acidification des océans. Évaluation des écosystèmes tels que les récifs coralliens. Macroéconomie, politiques économiques et développement durable.
EE : Comment évaluer au mieux le marché mondial du crédit carbone, à la fois réglementé et volontaire ?
Les crédits carbone peuvent être évalués en fonction de leur qualité, de leur origine, de leur authenticité, de leur faisabilité et de leur légitimité, c’est-à-dire : proviennent-ils de projets réellement destinés à réduire les émissions de gaz à effet de serre ? Pour ce faire, ils doivent être conformes aux normes et réglementations établies par les différents organismes internationaux, tels que l’Organisation des Nations unies pour le développement durable (ODD) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Enfin, il est nécessaire de vérifier que les crédits carbone sont faisables, c’est-à-dire : peuvent-ils être mis en œuvre et les résultats escomptés sont-ils réalisables ? À cet effet, les certifications carbone fournissent également des informations sur les processus et procédures de vérification et de validation des crédits carbone.
Le marché du crédit carbone réglementé est un marché créé par des gouvernements ou des institutions internationales pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit d’un système de plafonnement et d’échange de quotas d’émissions qui donne aux organisations un nombre limité de droits d’émission. Ces droits sont négociables et les organisations qui réduisent leurs émissions en dessous de leurs droits peuvent alors les vendre. Le marché du crédit carbone volontaire, quant à lui, est un marché créé par des entreprises et des organisations non gouvernementales qui souhaitent réduire leurs propres émissions. Il s’agit d’un système de crédits d’émissions qui peuvent être achetés et vendus par des entreprises et des organisations engagées dans la lutte contre le changement climatique. Les crédits sont généralement achetés par des entreprises qui veulent réduire leurs émissions au-delà de leurs droits d’émission réglementaires.
Il existe une différence dans l’évaluation du carbone sur le marché mondial des crédits carbone réglementés et le marché mondial des crédits carbone volontaires. Les crédits carbone réglementés sont évalués selon des normes et des règles strictes établies par des organismes de réglementation tels que l’Union européenne ou le système de négociation des émissions de l’ONU. Les crédits carbone volontaires sont évalués par des organismes tiers privés et sont souvent moins stricts que les crédits carbone réglementés.
EE : Quelles sont les méthodes les plus efficaces à ce jour afin de réduire, stocker et conserver le carbone ?
D’autres méthodes existent : on peut le capturer et le séquestrer par différents moyens sur terre, mais aussi dans l’océan.
Les méthodes technologiques les plus efficaces à ce jour pour réduire, stocker et conserver le carbone dans l’océan sont les suivantes :
Cependant, ces technologies sont encore expérimentales et on ne connaît pas encore tous leurs effets secondaires. C’est pourquoi il serait préférable de conserver et restaurer la nature de sorte à lui laisser jouer son rôle dans la capture et la séquestration du carbone grâce à :
J’ai parlé plus haut des méthodes sur terre, il y a aussi le carbone bleu au niveau des océans.
Le stockage du carbone océanique : environ 25 % du CO2 dans l’atmosphère est absorbé par les océans où il est séquestré dans les eaux profondes.
Les écosystèmes marins de carbone bleu sont des systèmes qui utilisent des organismes vivants, principalement des algues et des plantes marines, pour capturer et séquestrer du dioxyde de carbone (CO2 ) dans l’océan. Les algues et les plantes marines absorbent le dioxyde de carbone atmosphérique et le convertissent en matière organique via la photosynthèse. Cette matière organique est ensuite transformée par les bactéries et les organismes microscopiques et est finalement séquestrée dans le sol marin sous forme de sédiments. Ces sédiments sont alors enfouis dans les profondeurs de l’océan où ils resteront piégés pendant des siècles. En séquestrant le carbone, ces écosystèmes réduisent le niveau de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Les écosystèmes marins de carbone bleu offrent également d’autres avantages. En plus de séquestrer le dioxyde de carbone, ils fournissent une source d’oxygène, abritent des habitats pour les organismes marins et peuvent être exploités pour produire des aliments pour l’humanité et des biocarburants. De plus, ils sont relativement peu coûteux par rapport à d’autres approches de capture et de séquestration du carbone.
L’expression « blue carbon » fait référence à la capacité des écosystèmes côtiers comme les mangroves, les marais salants et les prés salés à stocker et à séquestrer le carbone. Ces écosystèmes sont essentiels pour absorber et stocker le carbone atmosphérique et aider à réduire les effets néfastes du changement climatique. Ces écosystèmes ont un effet positif sur la santé de l’océan en fournissant des habitats pour les espèces marines, en régulant le système climatique et en fournissant des services essentiels pour les communautés côtières.
EE : Les investissements opérés sur du très long terme peuvent-ils être garantis d’une certaine manière, notamment en termes de réduction de quantité de production de carbone dans l’atmosphère ?
Il n’existe aucune garantie à long terme que les investissements réalisés auront un impact significatif sur la réduction de la quantité de carbone dans l’atmosphère. Les principales raisons à cela sont liées à la complexité des systèmes et des processus qui régissent le cycle du carbone. La nature imprévisible du changement climatique et des facteurs impliqués dans le cycle du carbone rendent la prédiction des résultats très difficile. De plus, les investissements à long terme peuvent être limités par des contraintes politiques et économiques. Cependant, il est possible de prendre des mesures pour réduire les émissions de carbone à court terme et ainsi contribuer à une réduction à long terme. Par exemple, investir dans des technologies propres et des sources d’énergie renouvelable peut aider à réduire les émissions de carbone à court terme et donc contribuer à la réduction à long terme. De plus, en investissant dans des projets liés à la réduction des émissions tels que la recherche et le développement, la gestion des forêts et des terres, et la préservation des écosystèmes, les résultats peuvent être plus facilement mesurés et des résultats à long terme plus facilement atteints.
Céline Valensi
Journaliste au Nouvel Économiste Spécialisée en macroéconomie et finance internationale
le 12 avril 2023
Céline Valensi
Ecologie, Environnement, Carbone
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