Le 8 mars est une journée d’action, de sensibilisation et de mobilisation dédiée à la lutte pour les droits des femmes, l’égalité et la justice. Plusieurs événements et initiatives ont lieu à travers le monde à cette occasion, notamment pour réfléchir, échanger, se mobiliser pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais quelles sont les étapes qui nous ont amenés où nous en sommes aujourd’hui ? La Banque mondiale nous a livré un rapport complet et nous en avons tiré une synthèse.
Les politiques qui autonomisent les femmes renforcent l’économie et sont cruciales pour des progrès durables en matière de développement. Ces dernières années, le ralentissement de la croissance mondiale, l’augmentation des risques liés au changement climatique, les conflits et les effets persistants de la pandémie de covid-19 ont asséné un revers de taille à ces progrès – exerçant des effets disproportionnés sur les conditions de vie et les moyens de subsistance des femmes. Le rapport "Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2023" décrit en détail l’état actuel des droits juridiques des femmes. Neuvième de la série, cette étude présente un ensemble de données et un indice structuré autour de la vie professionnelle d’une femme ainsi que des résultats tirés de données historiques qui mettent en lumière les possibilités de réforme susceptibles d’inspirer des efforts en faveur de la parité.
L’analyse de 53 ans de législation ayant une incidence sur les droits économiques des femmes présentée dans le rapport montre pourquoi une plus grande égalité entre les sexes est incontournable. L’égalité de traitement des femmes au regard de la loi est en corrélation avec une augmentation du nombre de femmes qui entrent dans la vie active, y demeurent et accèdent à des postes de direction. Cela génère des salaires plus élevés pour les femmes et facilite la création d’entreprises par un plus grand nombre d’entre elles. Réformer de manière à inciter les femmes à entrer sur le marché du travail – que ce soit comme salariées ou comme cheffes d’entreprise – pourra à la fois égaliser les chances entre les hommes et les femmes et rendre l’économie plus solide.
Le gouvernement, le secteur privé et la société civile peuvent utiliser ce cadre pour identifier et supprimer les obstacles à l’autonomisation économique des femmes et ainsi stimuler leur participation à la vie active et à l’entrepreneuriat.
Les femmes ne bénéficient que des trois quarts des droits juridiques des hommes. Le score moyen mondial de l’indice est de 77,1 sur 100 en 2022, soit seulement un demi-point de plus qu’en 2021. Aujourd’hui, 14 économies (Allemagne, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, France, Grèce, Irlande, Islande, Lettonie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Suède) obtiennent un score de 100 à l’indice, ce qui signifie que les femmes sont sur un pied d’égalité avec les hommes dans tous les domaines mesurés. Près de 90 millions de femmes en âge de travailler ont obtenu l’égalité juridique au cours de la dernière décennie. Plus de la moitié d’entre elles vivent dans les régions Asie de l’Est et Pacifique (710 millions) et Asie du Sud (610 millions) ; viennent ensuite l’Afrique subsaharienne (330 millions), les pays à haut revenu de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (260 millions), l’Amérique latine et les Caraïbes (210 millions), le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (150 millions), et enfin l’Europe et l’Asie centrale (140 millions). Les économies dont les scores moyens à l’indice sont supérieurs à la moyenne mondiale de 77,1 sont généralement des pays à haut revenu de l’OCDE ainsi que des pays d’Europe et d’Asie centrale, d’Amérique latine et des Caraïbes. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ainsi que l’Asie du Sud enregistrent les scores moyens les plus bas.
Les progrès en matière d’égalité de traitement pour les femmes ont été les plus faibles depuis 20 ans. Depuis 2021, 18 économies ont introduit un total de 34 réformes en faveur de l’égalité entre les sexes dans tous les domaines mesurés.
L’Afrique subsaharienne enregistre plus de la moitié de toutes les réformes, sept économies – le Bénin, la République du Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Malawi, l’Ouganda et le Sénégal – ont adopté 18 changements juridiques positifs. Parmi ces pays, deux se distinguent : la Côte d’Ivoire et le Gabon.
La Côte d’Ivoire a adopté des réformes qui interdisent toute discrimination fondée sur le genre en matière d’accès au crédit, combattent la violence domestique et lèvent les restrictions liées à l’emploi des femmes. Le Gabon a poursuivi sur la voie des réformes entreprises l’an dernier, en harmonisant les procédures d’obtention d’un passeport pour les deux sexes, en imposant une rémunération égale pour un travail de valeur égale et en supprimant toutes les restrictions sur l’emploi des femmes. En conséquence, pour la première fois en 53 ans, deux économies de la région d’Afrique subsaharienne obtiennent un score supérieur à 90 dans l’indice "Les Femmes, l’Entreprise et le Droit" et le score moyen de cette région dépasse celui de la région Asie de l’Est et Pacifique. Les autres pays ayant introduit des réformes cette année sont le Bahreïn, la Chine, le Costa Rica, l’Indonésie, l’Iraq, la Jamaïque, le Kazakhstan, Malte, la Mongolie, le Pakistan et les Pays-Bas.
La plupart des réformes ont porté sur l’augmentation des congés payés pour les parents et les pères, la suppression des restrictions relatives au travail des femmes et l’obligation de garantir l’égalité salariale. Bien que les indicateurs "Parentalité et Rémunération" offrent la plus grande marge d’amélioration, avec des scores moyens respectifs de 56,4 et 70,0, ils ont également enregistré le plus grand nombre de réformes en 2022. Sept économies dans cinq régions ont réformé les lois. Plus précisément, la Chine, Malte et les Pays-Bas ont rendu obligatoire le congé parental rémunéré ; le Costa Rica, le Malawi et la Mongolie ont introduit un congé paternité rémunéré ; et le Sénégal a modifié sa législation afin d’interdire le licenciement des femmes enceintes. En outre, six économies dans quatre régions ont adopté des réformes reflétées par l’indicateur "Rémunération". Le Costa Rica, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Kazakhstan et le Sénégal ont levé les restrictions relatives au travail des femmes. Le Gabon et la Mongolie ont également introduit des dispositions rendant obligatoire une rémunération égale pour un travail de valeur égale.
Tendances qui se dégagent de cinq décennies de réforme
Les données historiques du rapport mettent en lumière les avantages que présentent les réformes. De 1970 à nos jours, la base de données historique s’est imposée comme un outil important pour comprendre les dimensions géographiques et chronologiques des obstacles juridiques auxquels se heurtent les femmes. Il a été démontré que la suppression des contraintes juridiques auxquelles sont confrontées les femmes est corrélée à divers indices d’opportunités économiques et au développement socio-économique des femmes. La capacité d’agir de manière autonome et de travailler sans obstacle juridique permet également aux femmes d’accéder à de meilleurs emplois et peut conduire à leur plus grande participation à la vie active dans son ensemble.
Les preuves comparatives se multiplient également pour montrer pourquoi les pays décident de supprimer les obstacles juridiques qui entravent les femmes. Par exemple, un moteur commun de l’élargissement des droits des femmes est l’évolution du système politique d’un pays. Le degré de participation de différents groupes aux instances décisionnelles d’une économie démocratique a de l’importance, tout comme une société civile qui conteste activement l’ordre sociétal ou qui se mobilise. L’éducation et un capital humain plus élevé sont également des catalyseurs importants de l’élargissement des droits des femmes.
Cinq points essentiels à retenir expliquent comment, où et à quelle vitesse les lois ont changé depuis 1970. Pour accorder plus de droits aux femmes, les économies ont réformé les lois existantes ou introduit de nouvelles lois. En suivant ces changements, le rapport met en lumière l’effet de remontée remarquable affiché par certaines économies. Les résultats soulignent que des efforts de réforme sont déployés dans le monde entier, indépendamment du niveau de revenu, de la culture ou de la région.
Au cours des cinq dernières décennies, la moyenne mondiale du score à l’indice "Les Femmes, l’Entreprise et le Droit" a progressé d’environ deux tiers grâce à plus de 2 000 réformes visant à renforcer les droits juridiques des femmes. En 53 ans, les économies ont introduit le nombre impressionnant de 2 151 réformes dans les 35 domaines mesurés, ce qui a permis de faire passer la moyenne mondiale du score à l’indice de 45,8 à 77,1 points. Entre 2000 et 2009, plus de 600 réformes ont été introduites, avec un pic de 73 réformes annuelles observé en 2002 et en 2008. Cependant, depuis lors, le rythme des réformes s’est essoufflé et les économies semblent faire montre d’une certaine lassitude à l’égard des réformes dans des domaines juridiques notoirement épineux tels que la mobilité et les actifs. Par exemple, une réforme du droit des successions remettra inévitablement en question des normes qui existent de longue date et les mesures législatives pourraient être lentes et marginales.
En 2022, seules 34 réformes ont été enregistrées, un niveau historiquement bas depuis 2001. Il faudra encore 1 549 réformes pour atteindre l’égalité entre les sexes aux yeux de la loi partout dans le monde.
Seules 14 économies ont atteint la parité juridique entre les sexes en 2022 et les progrès ont été inégaux d’une région à l’autre et sur la durée. À travers le monde, depuis 1970, chaque économie a mis en œuvre au moins une réforme permettant aux femmes de se rapprocher de la parité hommes-femmes aux yeux de la loi. Malgré ces progrès, les disparités entre les sexes persistent dans toutes les régions et à tous les niveaux de revenus : 176 économies ont encore des progrès à faire.
Les progrès dans les différents domaines mesurés ont aussi été inégaux, la plupart des réformes intervenant dans les domaines du travail et de la parentalité. Sur l’ensemble des domaines mesurés, les réformes les plus nombreuses ont concerné la lutte contre la violence domestique, l’interdiction de la discrimination basée sur le sexe en matière d’emploi et légiféré sur le harcèlement sexuel. Les efforts de réforme se sont déroulés par vagues, avec une concentration sur des domaines spécifiques. Dans les années 1970, les économies ont largement supprimé les obstacles ayant trait à la mobilité en permettant aux femmes mariées de choisir leur lieu de résidence et elles ont introduit une législation sur le licenciement des travailleuses enceintes. Dans certains cas, la suppression des restrictions relatives à la mobilité des femmes était due à la refonte des codes civils hérités de l’époque coloniale. Dans d’autres cas, une législation nationale archaïque datant du siècle dernier a finalement été mise à jour. Les années 1980 ont été marquées par des avancées isolées, mais les années 1990 ont ouvert la voie à une forte augmentation de l’autonomisation juridique des femmes : 19 économies ont rendu obligatoire l’égalité salariale pour un travail de valeur égale, 10 ont accordé aux femmes au moins 14 semaines de congé maternité rémunéré et 38 ont introduit une législation sur la violence domestique. Les années 2000 ont été une décennie en or pour les droits juridiques des femmes.
Les économies dont les écarts juridiques entre les sexes étaient historiquement plus marqués ont rattrapé leur retard, surtout depuis 2000. L’analyse du taux de croissance annuel de l’indice montre que des progrès plus rapides sont accomplis dans les économies dont le niveau d’égalité entre les sexes est historiquement plus faible. Les deux économies qui ont enregistré les taux de croissance annuels les plus rapides de l’indice sont Sao Tomé-et-Principe et les Émirats arabes unis. Si le processus de réforme à Sao Tomé-et-Principe a été graduel et constant depuis 1970, avec quelques périodes intermédiaires durant lesquelles le rythme des réformes s’est essoufflé avant de s’accélérer de nouveau, les réformes aux Émirats arabes unis n’ont décollé que ces dernières années. D’autres économies qui figurent parmi les pays réformateurs les plus rapides et affichent un taux de croissance annualisé de l’indice dans le cinquième centile supérieur sont l’Afrique du Sud, l’Arabie saoudite, le Bahreïn, le Botswana, la République démocratique du Congo, l’Indonésie et le Togo.
L’effet de remontée s’est produit dans tous les domaines couverts par l’indice, mais le rythme des progrès a été inégal. L’effet de remontée a été le plus marqué dans les lois affectant la décision des femmes d’entrer et de rester dans la vie active, suivies par celles touchant le travail des femmes après la naissance d’un enfant et le droit de recevoir un salaire égal.
L’effet de remontée a été le plus faible dans les lois relatives à la liberté d’établissement et de mouvement, et aux droits de propriété et de succession.
Surmonter les obstacles juridiques liés au genre profite à l’ensemble de la société, et pas seulement aux femmes. Bien que des efforts de réforme soient entrepris dans le monde entier, il subsiste aujourd’hui des écarts considérables en matière de droits des femmes dans toutes les régions, notamment dans les domaines des politiques relatives aux congés et à l’égalité salariale. Quatre-vingt-treize économies n’imposent toujours pas l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale et certaines économies reviennent même sur des droits pour lesquels les femmes se sont battues longtemps et âprement. Néanmoins, les femmes du monde entier restent des agents importants du changement en exigeant l’égalité de leurs droits et de leurs chances, même dans des circonstances extrêmement difficiles.
À une époque où les économies du monde entier devront mobiliser chaque once de capacité productive pour générer une croissance suffisante, la mise à l’écart de la moitié de la population constitue un terrible gâchis. Les femmes ne peuvent pas se permettre d’attendre encore un demi-siècle ou plus pour atteindre l’égalité et l’économie mondiale non plus.
le 10 mars 2023
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