Général de brigade François-Xavier Mabin Commandant les éléments français au Gabon
Marié et père de trois enfants, le général François-Xavier Mabin naît le 6 décembre 1970 à Vannes. Il intègre l’École spéciale militaire de Saint-Cyr en 1990, puis sert comme chef de section au 6e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (RPIMa) de Mont-de-Marsan. Il est engagé au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban.
En 1997, il rejoint le 2e RPIMa sur l’île de la Réunion. Muté en 1999 au régiment de marche du Tchad, il y commande une compagnie à la tête de laquelle il est engagé successivement au Kosovo puis au Tchad. En 2002, il est affecté en tant qu’instructeur à l’École militaire de spécialisation sur l’outre-mer et l’étranger. Il effectue une mission au sein des Nations unies en République démocratique du Congo, puis suit la scolarité de l’École de guerre (2006 – 2007).
Promu lieutenant-colonel, il est nommé chef du bureau opérations instruction du 3e RPIMa de Carcassonne, avec lequel il est engagé en Afghanistan. Il rejoint ensuite le Centre de planification et conduite des opérations de l’état-major des armées où il occupe la fonction d’adjoint du bureau chargé des opérations en Afghanistan de 2009 à 2011. En 2011, il est nommé au grade de colonel et désigné pour tenir le poste d’adjoint au porte-parole du chef d’état-major des armées (Cema). Il commande le 3e RPIMa de Carcassonne de juin 2012 à juin 2014, période durant laquelle il effectue une mission en République de Côte d’Ivoire à la tête de l’opération Licorne.
De retour à Paris, il est affecté au cabinet du chef d’état-major de l’armée de Terre, chargé de la stratégie et des affaires politiques, avant de suivre les sessions du Centre des hautes études militaires et de l’Institut des hautes études de la Défense nationale (68e session). De 2016 à 2018, il est chef du bureau Afrique de l’état-major des armées et conseiller Afrique du Cema. De 2018 à 2020, le colonel Mabin est chargé des relations institutionnelles de l’armée de Terre.
Nommé général de brigade le 1er juin 2020, le général François-Xavier Mabin est nommé directeur du Centre des hautes études militaires (CHEM) jusqu’au 31 juillet 2021. Il est commandant des Éléments français au Gabon depuis le 1er août 2021.
Depuis 1975, le 6e bataillon d’infanterie de marine, communément appelé le 6e BIMa, est implanté au camp de Gaulle à la périphérie de Libreville. En 2014, les forces françaises ont pris l’appellation d’éléments français au Gabon (EFG), traduction de l’évolution de leur mission principale qui est désormais de faire de la coopération. Avant d’entrer dans le vif du sujet et de poser quelques questions factuelles à Monsieur François-Xavier Mabin, général commandant les EFG en poste à Libreville, nous pensons utile de fournir une information plus générale en diffusant quelques chiffres relatifs à une partie du déploiement des militaires français sur le continent africain.
En 2021, 3 750 militaires français étaient répartis au sein des forces de présence dans 4 pays d’Afrique et aux Émirats arabes unis. En complément, au Sahel, dans la bande subsaharienne, 4 000soldats sont encore déployés dans le cadre de l’opération Barkhane, qui est en pleine transformation. Enfin, environ 2 000 militaires sont déployés dans des forces internationales, 740 soldats sous mandat de l’Onu, plus de 1 000 sur le flanc Est de l’Otan et 150 pour l’Union européenne.
En ajoutant ces chiffres aux militaires engagés dans les Opex (opérations extérieures) et aux forces en opération sur le territoire national, les forces dites de « présence » et de « souveraineté » stationnées dans la France d’outre-mer, le total s’élève à plus de 30 000 soldats en posture opérationnelle. Ces chiffres sont à mettre en perspective avec l’effectif total des militaires français, qui est d’environ 210 000.
Les éléments français au Gabon constituent un pôle opérationnel de coopération tourné vers l’ensemble des pays d’Afrique centrale. Construit en 1970 sur 36 hectares, le camp est commandé par un officier général, le Comelef, relevant directement du chef d’état-major des armées (Cema). Il est en lien direct avec les chefs de missions diplomatiques françaises en Afrique centrale, les correspondants de la communauté économique des États de l’Afrique centrale, et surtout les chefs d’état-major des armées des différents pays de sa zone de compétence, qui englobe les 11 pays de la CEEAC.
EE : Général François-Xavier Mabin, quelles sont vos missions au Gabon ? Nous savons qu’elles s’étendent au-delà des frontières. Quels sont les autres pays dans lesquels vous intervenez et à quel niveau?
La principale mission des éléments français au Gabon consiste à créer des partenariats opérationnels avec les armées de l’Afrique centrale qui le souhaitent. Lesdites missions ont pour objectif de nouer des relations durables, continues, fondées sur la confiance. Le périmètre d’action couvre les 11 pays de la CEAC. Les relations militaires que nous entretenons avec chacun de ces pays sont plus ou moins denses, selon leur bon vouloir. Il est évident qu’avec les forces armées gabonaises, notre premier partenaire, notre collaboration est particulièrement soutenue. Le Tchad, le Cameroun, le Congo, la RDC et le Burundi sont également des partenaires très importants. Avec le Rwanda, nous sommes dans une phase de reprise de relations militaires bilatérales, tandis qu’avec l’Angola, nous développons une relation nouvelle. Ces bons résultats sont le fruit d’un dialogue avec les ministères de la Défense et les états-majors de ces différents pays. Nous nous appuyons sur les attachés de défense français qui nous relaient les besoins et les propositions des partenaires, ce qui nous permet de mutualiser nos acquis, savoir-faire et moyens respectifs. C’est ainsi que nous coconstruisons nos relations avec l’ensemble des armées concernées.
EE : Hormis le fait que le Gabon soit un partenaire de longue date, l’emplacement géographique ne paraît pas idéal pour couvrir cette zone. Cela relèvet-il d’un intérêt stratégique pour les éléments français du Gabon?
Au contraire, le Gabon est presque au milieu de la zone géographique de la CEEAC, et donc parfaitement placé. Depuis l’aéroport de Libreville, nous pouvons rallier facilement l’ensemble des pays concernés. D’autre part, la façade maritime est elle aussi très intéressante pour notre ravitaillement logistique. Alors, oui, cet emplacement est stratégique et nos liens d’amitié également fondés sur un accord de partenariat de défense confèrent à notre présence tout son sens.
EE : Dans le civil, nous nous adaptons aux méthodes, aux us et coutumes du pays d’accueil. L’armée française impose-t-elle ses procédures ?
À ce sujet, et je suis content que vous l’évoquiez, une inflexion significative est à souligner. Il fut un temps où nous étions convaincus que nos méthodes de travail étaient les bonnes et nous nous efforcions de les transmettre à nos partenaires. Aujourd’hui, je pense que nous sommes beaucoup plus à l’écoute des besoins et des modes de fonctionnement des armées avec lesquelles nous travaillons. Nous ne calquons plus de manière automatique des modes d’action, de fonctionnement et/ou d’apprentissage qui ne correspondent pas toujours aux attentes. Nous cherchons à répondre le plus précisément possible aux réalités opérationnelles locales, car chaque armée a ses besoins propres et s’adapte à ses propres missions, avec ses matériels et sa technologie, en fonction de la problématique à laquelle elle est confrontée.
EE : Combien de militaires français le camp de Gaulle héberge-t-il ? Quelles sont leurs missions ? Combien de temps restent-ils en poste ? Sont-ils tous logés dans l’enceinte du camp ?
380 militaires français sont opérationnels, les deux tiers sont qualifiés de « permanents », c’est-à-dire qu’ils sont en poste pour 3 ans, maximum 4 ans. Le troisième tiers est composé de « tournants » qui vivent des missions de 4 mois. Leurs fonctions sont complémentaires. Ils ne sont pas tous logés au camp de Gaulle, notamment les permanents qui sont en famille. Ces familles, conjoints et enfants, représentent environ 400 personnes supplémentaires. Elles résident dans des logements domaniaux (dont nous sommes propriétaires) et également dans des logements du parc privé de Libreville, que nous prenons à bail. Nous disposons en interne d’un bureau logement qui gère ce service à chaque mutation, sachant que la rotation annuelle concerne un tiers de notre effectif. Selon l’âge des enfants, la proximité avec les écoles, selon le grade et la fonction, etc. Tous ces critères font l’objet d’une étude affinée.
EE : Nous avons bien noté et compris les missions générales que vous supervisez. Mais quelles sont celles de ces 380 militaires ?
Le cœur de métier des EFG est le partenariat militaire opérationnel, c’est-à-dire la formation des armées partenaires. Nous sommes une machine à produire de la formation militaire. Ces formations sont dispensées essentiellement par le 6e BIMa. Elles comptent une dizaine de modules qui recouvrent l’essentiel des compétences des armées. Il s’agit de détachements d’infanterie, d’artillerie, de génie, de forces spéciales, etc. Ces petits détachements de formateurs travaillent au profit des forces armées gabonaises ou sont envoyés par avion vers des pays voisins pour conduire et dispenser des formations au profit des armées partenaires. Ces stages durent en général 2 à 3 semaines. Ainsi, sur 2 années d’expatriation, certains de nos militaires passent 6 mois à l’extérieur du Gabon.
En complément, et pour gérer l’ensemble de cette garnison, d’autres unités militaires qui constituent l’environnement sont en appui administratif, logistique, ressources humaines, médical, etc. Pour compléter cet effectif, 180 « personnels civils de recrutement local » travaillent au camp de Gaulle, toutes catégories confondues. On y trouve des cadres, des artisans, des techniciens de surface, des chargés de projets, des secrétaires, des jardiniers, etc. Ils sont indispensables au fonctionnement des EFG et nous sommes heureux de les compter parmi nous.
EE : Comment recrutez-vous sur place ? Quelles sont les conditionnalités ? Bénéficiez-vous de privilèges auprès des institutions gabonaises ?
Les EFG recrutent comme tout employeur : nous diffusons une offre via les réseaux ordinaires, et recrutons en fonction de nos besoins et des profils des candidats. Je précise que notre volume de recrutement annuel est faible et correspond au rythme des départs en retraite, soit quelques personnes chaque année. Enfin, les EFG sont un employeur comme un autre, au sens où nous payons l’ensemble des charges patronales.
EE : Êtes-vous en mesure de nous indiquer quelles sont les retombées de la présence du camp de Gaulle sur le plan économique ? Quel intérêt cela représente-t-il pour les personnes civiles gabonaises ?
Avant de parler chiffres, je souhaite évoquer notre approche : nous sommes des clients à la fois exigeants et exemplaires. Notre exigence est élevée en termes de qualité, tant pour le choix des matériaux que pour l’exécution des travaux. Par ailleurs, nous sommes très vigilants quant au respect des différentes normes, qu’elles soient environnementales, sociales ou de sécurité. Nous travaillons avec environ 200 entreprises. Nos dépenses de fonctionnement et d’investissement s’élèvent à 10 millions d’euros par an dont la moitié correspond à des dépenses d’infrastructures. Une cinquantaine d’entreprises du BTP en ont la charge. Nous sommes un acteur économique non négligeable, qui honore ses factures dans les délais impartis, malgré des processus administratifs un peu complexes.
EE : Sur le plan militaire, de quel matériel disposez-vous, et à quelles fins ?
Nous disposons de tout ce qui est nécessaire à notre fonctionnement courant, mais également de tout le matériel nécessaire à notre métier de formateur. Nous avons de l’armement, des véhicules et du matériel qui nous permettent de nous entraîner et d’entraîner les armées partenaires. Nous nous appuyons également sur plusieurs sites d’entraînement autour de Libreville dont, bien sûr, le centre d’entraînement au combat en forêt gabonaise (Foga).
Nous avons aussi un « Fennec », qui est un hélicoptère léger de liaison. Pour ce qui est des avions, aucun n’est stationné en permanence. Nous planifions nos déplacements et un programme s’organise depuis Paris pour nous attribuer des vols. Les avions nous sont donc attribués ponctuellement et arrivent des autres bases françaises.
EE : Intervenez-vous dans des opérations de défense, notamment contre les actes de piraterie dans le golfe de Guinée ?
Nous sommes un pôle de coopération et de partenariat. Ce genre d’interventions ne fait pas partie des missions qui nous sont assignées. Nous ne sommes pas organisés au quotidien pour mener de telles opérations. Cependant, nous travaillons ici avec un état-major qui, le cas échéant, si les circonstances l’exigeaient, pourrait mettre sur pied et commander un état-major opérationnel. Dans ce cas, les unités de combats viendraient d’ailleurs. Nous les hébergerions bien entendu. Au sujet de la piraterie, on observe une baisse significative, ce qui ne veut pas dire qu’elle est éradiquée. Nous considérons que cette baisse est la conséquence des efforts conjugués des marines nationales des pays riverains du golfe de Guinée dans le cadre du « processus de Yaoundé », et de ceux des marines européennes qui agissent de concert dans le cadre de la « présence maritime coordonnée ».
EE : Dernièrement, vous avez organisé une formation en faveur des militaires gabonais et tchadiens afin qu’ils obtiennent le brevet parachutiste militaire français (BPMF). Combien de soldats cette opération concernait-elle ? Avaient-ils des aptitudes ou un profil particulier ? Combien l’ont obtenu ?
Cette opération est une action de formation annuelle intégrée au partenariat franco-tchadien, au profit de l’école d’officiers de Ndjamena. Elle est réalisée tantôt au Tchad tantôt à Libreville. Ce brevet de parachutiste concernait une centaine de militaires tchadiens et gabonais. Cette année, c’est à la Pointe-Denis et dans le cadre d’une séance de saut franco-gabonaise que s’est déroulé cet exercice. À l’exception de 4 blessés légers, tous ont obtenu ce brevet. Les EFG détiennent une expertise des opérations aéroportées que nous mettons au service de plusieurs armées de la sous-région, dont les forces armées gabonaises bien entendu.
EE : Nous sommes à l’aube du 14 juillet, la fête nationale française. Quelles sont les festivités programmées ?
Comme chaque année, les éléments français au Gabon organisent une prise d’armes au camp de Gaulle. Les membres de la communauté française sont les bienvenus. Ils pourront accéder au camp de Gaulle sur présentation d’une pièce d’identité. Le début de la cérémonie est fixé à 10h30. Elle sera suivie d’un rafraîchissement.
le 8 août 2022
Anne-Marie Jobin
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